5 juillet 2013 Tchad: Kabadi fait machine arrière sur le limogeage de son conseiller juridique Ahmat Mahamat Hassan.
Le jeudi 13 juin 2013, Haroun Kabadi, président de l’Assemblée Nationale limoge Ahmat Mahamat Hassan, son conseiller juridique. Ce docteur en droit constitutionnel, a émis dans les colonnes de NT, n° 529, des commentaires sur les déclarations sur RFI, de maître Jean Bernard Padaré, ministre de la Justice, quant à l’affaire de la conspiration du 1er mai, et au procès de Hissein Habré. Des commentaires ayant désavoué les déclarations du ministre de la Justice qui dit ignorer l’existence de «Septembre Noir» .
Cette période sombre de l’histoire du Tchad où les Forces Armées du Nord se sont livrées à des massacres des populations civiles au sud du Pays, de 1982 à 1985, le mois de Septembre 1984 étant considéré comme celui du paroxysme dans ces crimes de génocide. Des commentaires qui dénoncent également l’irrégularité de l’arrestation des députés. Répondant dans une mise au point adressée à la rédaction du journal, le 04 juin 2013, le président de l’Assemblée Nationale a fustigé le comportement de son conseiller juridique lui rappelant qu’il est soumis à la stricte obligation de réserve et faisant observer à l’opinion internationale et internationale que : Les propos irresponsables et inopportuns de ce dernier n’engagent que sa propre personne et qu’en aucun cas, ils n’engagent la responsabilité du Président de l’Assemblée Nationale.
Une semaine plus tard, Ahmat Mahamat Hassan est limogé. Une sanction disproportionnée qui pousse tout individu épris de justice à s’interroger. Le citoyen Tchadien, d’autant qu’il est intellectuel et élite n’a-t-il pas le droit, mieux, le devoir afin d’informer l’opinion, de s’exprimer sur des questions sérieuses de conduite des affaires de l’Etat, surtout lorsque cette conduite comme c’est le cas dans l’affaire du 1er mai pose le problème de l’existence des institutions de la République ? Lorsqu’un simple citoyen est arrêté illégalement par la justice, cela pose le problème de violation des libertés individuelles.
Mais lorsque plusieurs députés, accusés de comploter pour déstabiliser les institutions de la République sont arrêtés sans le moindre respect des procédures, cela pose le problème de l’existence des institutions de la République et de leur autorité. Plusieurs personnalités et non des moindres ont donné leur opinion sur cette affaire : une avocate et militante des Droits de l’Homme et un député. Leurs avis concordent avec celui développé par Ahmat Mahamat Hasan. L’avocate devrait-elle être rayée de l’Ordre des Avocats tchadiens et le député viré de l’Assemblée nationale pour autant ?
Si les intellectuels et les élites doivent se cacher derrière des prétendues obligations de réserve pour laisser commettre des abus, ne se mettent ils pas en faux par rapport à leur rôle de citoyen ? Ne trahissent-ils pas leurs engagements de servir leur pays et non un système ?
Haroun Kabadi n’a-t-il pas, lui-même donné l’exemple à son conseiller lorsqu’il a, courageusement demandé la remise en liberté immédiate de ses collègues arrêtés en toute irrégularité ?
Le Président de l’Assemblée Nationale, responsable du pouvoir législatif, deuxième pouvoir selon la Constitution, a-t-il été pris pour quantité négligeable, puisque les magistrats ont ignoré ses injonctions et continué à maintenir en prison deux des parlementaires arrêtés ?
Ce refus par les magistrats d’obtempérer à ses injonctions, ne doit- il pas être considéré par le Président de l’Assemblée Nationale comme un outrage à son rang et ses prérogatives ? Un outrage à l’Assemblée nationale tout entière ? Un refus qui devrait le conduire logiquement à remettre en cause sa responsabilité du perchoir, à démissionner ? A un moment où l’exécutif mène des tractations pour modifier une nouvelle fois la constitution afin de donner d’avantage de pouvoir au PR et de réduire ceux de l’Assemblée nationale et des juges de la cour suprême ; à un moment où la liberté d’expression est menacée dans ses fondements légaux par un pouvoir qui viole les textes de la loi sur la presse, le PAN ne manque sûrement pas de matière à moudre. Faute de se faire entendre, il peut démissionner. C’est ce qu’on attendrait de lui en pareille circonstance. Mais cet éphémère sursaut de fierté et ce sens de la responsabilité qui l’ont poussé à réagir contre les dérapages judiciaires, n’ont apparemment pas résisté à un probable recadrage. De qui ?
Nadjikimo Bénoudjita
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