Veut-on nous faire croire que les Tchadiens dans leur ensemble sont rétifs à l’application de la justice  dans leur pays? Je ne le pense pas. Mais que s’est-il passé au juste, durant ces trois derniers mois ?  On voudrait nous faire croire que, tant que le président DEBY est au pouvoir la justice n’a aucune vertu, quelque soit la responsabilité de l’accusé et quelque soit les compétences du juge qui le met en examen, elle n’est que règlement des comptes. Mais jusqu’à quand les Tchadiens vont-ils attendre pour que justice soit rendue et les pilleurs des biens publics soient  traduits devant la justice ?

    
Il y a de cela trois mois, certaines personnalités bien placées au sommet de l’Etat, qui n’ont brillé que par leur médiocrité et leur appétence pour les deniers publics, ont été pour la première fois inquiétés par la justice, et cela grâce à l’action d’un ministre compétent et réformateur, qui a restructuré le ministère de la justice, après que celui-ci a été, depuis des décennies, plongé dans une sorte de « dormition » et qui voilà se redresse et reprend toute sa place.  Cela a de quoi inquiéter les esprits tordus.

    
Mais les habitudes sont tenaces et les réformateurs ont toujours été impopulaires. Dans un pays où les cadres passent leur temps à convoiter les attributions des marchés publics, à s’intéresser sur qui va être nommé par décret à la place de qui et quel responsable politique a aidé son protégé à accéder à tel poste de responsabilité, il ne faut rien attendre de bon de la part des citoyens.

  
Quelle ne fut ma surprise lorsque j’ai assisté à cette hystérie déclenchée par l’arrestation de Monsieur Mahamad Saleh ANNDIF et de Monsieur ZENE BADA, qui sont les deux symboles de la déliquescence de l’Etat Tchadien ! Le premier a accompagné le président DEBY depuis vingt ans. Pourrions-nous dire qu’il a apporté quelque chose pour son pays ou a-t-il conseillé son protecteur à réformer l’Etat ? Tout le monde sait que la réponse est non. Obstinément, on ne veut rien comprendre car après tout, Monsieur DEBY et son ministre de la justice ne sont-ils pas des ZAGHAWAS et donc, on n’a pas besoin de leur justice. Le paradoxe est que ces mêmes détracteurs sont d’accord lorsqu’il s’agit de piller les biens publics, en s’associant allègrement avec leurs compatriotes ZAGHAWAS. Ce qui m’irrite le plus c’est de voir certains magistrats du parquet succomber à cette même tentation.

     
Où étaient-ils ces magistrats qui contestent aujourd’hui les reformes menées par leur ministre, durant les vingt dernières années ? Ont-ils osé mettre en examen un seul homme politique ? A mon avis c’est non. Et si cela a été le cas cela aurait été su. Au nom de quel principe certains magistrats osent-ils critiquer l’action du juge qui instruit le dossier ANNADIF ? Je ne vois dans cette démarche qu’une certaine gêne et même de la jalousie de voir leurs cadets nouvellement recrutés instruire des dossiers qu’ils n’avaient jamais osé aborder durant leurs longues carrières. Ils se complaisaient dans leur paresse à délivrer des casiers judiciaires vierges à tout le monde, sans la moindre vérification, pourvu que le demandeur leur verse quelques Francs CFA. La justice gagne lorsqu’elle s’attaque aux puissants, et de cette façon seulement elle gagnera la confiance de la population.

 
Que nos magistrats sachent que l’exécutif est toujours présent en matière pénale. Mais il n’est pas omniprésent : rien ne l’autorise à ne pas avoir un droit de regard tout en respectant la liberté des juges bien entendu.  De même la justice ne mérite pas ce procès permanent, même quand elle se trompe, lorsqu’il y a eu un vice de forme dans l’instruction d’un dossier par exemple. Elle a ses vertus et ses absences.

   
La crise actuelle de la justice est naturellement ontologique. Par définition, un Etat est fait pour changer, disparaître ou resurgir dans d’autres formes encore plus meilleures. Nos magistrats de l’ancien système acceptent mal l’idée que l’Etat change et à travers lui la pratique de la justice. Il s’est affaissé, son autorité également, et l’Etat nouveau, pas encore tout à fait accouché, se manifeste par la primauté de la loi, du droit, du juge. Ce que nous vivons en ce moment c’est le glas d’un système judicaire archaïque et l’avènement d’une justice professionnelle et efficace.

 

Babikir Souleymane,

 
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