En marge des obsèques d’Idriss Déby organisées ce 23 avril, les chefs d’État présents dans la capitale tchadienne se sont mis d’accord pour demander au nouvel homme fort de N’Djamena, Mahamat Idriss Déby, alias « Kaka », d’amender la charte de la transition dont ils jugent plusieurs points « inacceptables ».

Les obsèques nationales d’Idriss Déby prévues ce 23 avril prennent d’ores et déjà des airs de sommet Tchad-Afrique. Depuis mercredi les présidents de la région se concertent sur les conditions de la transition tchadienne. Si l’ensemble des chefs d’État présents à N’Djamena ce vendredi sont convenus de reconnaître le fils d’Idriss Déby, Mahamat Idriss Déby, dit « Kaka », comme chef de la transition, ils ont, dans le même temps, prévu d’obliger ce dernier à amender la charte présentée le 21 avril par le Conseil militaire de la transition (CMT).

Limiter les pleins pouvoirs

Plusieurs points du programme sont jugés inacceptables par ces chefs d’État. La durée de la période de transition, fixée par « Kaka » à dix-huit mois, est trop longue pour plusieurs capitales ouest-africaines, et ce d’autant plus que le CMT s’est laissé la possibilité de la proroger. Les dirigeants veulent également inciter les nouveaux maîtres du Tchad à partager les prérogatives présidentielles durant cette période, à rebours de la charte, qui accorde l’ensemble des pouvoirs au seul président de la transition. Autre point de blocage : la possibilité, pour les membres des autorités actuelles, d’être candidats à l’élection présidentielle qui sera organisée à l’issue de la période. Sur ce point, la communauté internationale veut que ces acteurs s’engagent à ne pas se présenter au scrutin et que ce point apparaisse dans la charte. L’initiative bloquerait par ricochet tout dessein présidentiel de Mahamat Idriss Déby.

Plusieurs capitales ouest-africaines se sont élevées ces derniers jours pour dénoncer une charte taillée « sur mesure » pour l’ex-patron de Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE) et ce, alors même que plusieurs partis d’opposition et organisations de la société civile tchadiennes sont d’ores et déjà vent debout contre le projet.

Aucun leadership régional pour superviser la transition

Plusieurs rencontres sont prévues entre la dizaine de chefs d’État africains présents à N’Djamena et le CMT. Y participeront également le président français Emmanuel Macron, qui fera le déplacement, mais aussi le chef de la diplomatie européenne Josep Borell. Mais la communauté internationale fait face à une difficulté de taille : aucune instance régionale n’est aujourd’hui en mesure de prendre le leadership pour superviser le dossier tchadien. Le pays n’est pas membre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) mais de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), une instance en quasi-déliquescence depuis deux ans.

Félix Tshisekedi, président en exercice de l’Union africaine (UA), a échangé ces dernières heures avec plusieurs de ses homologues, mais il ne serait pas encore tout à fait disposé à prendre les rênes du dossier. La solution pourrait donc venir dans un premier temps du G5 Sahel, dont est membre le Tchad aux côtés de la Mauritanie, du Niger, du Burkina Faso et du Mali. Les chefs d’État de l’alliance sahélienne ont d’ores et déjà mené plusieurs consultations depuis le 20 avril pour évoquer la situation tchadienne (Africa Intelligence du 22/04/21). La présidence de l’organisation – actuellement détenue par le Tchad – pourrait rapidement être rétrocédée à Roch Marc Christian Kabore.

Les chefs d’État sont également soucieux d’associer pleinement à la démarche les pays frontaliers, au premier rang desquels le Soudan et la Libye. Dans ce cadre, un « groupe de soutien à la transition au Tchad » sur le modèle de celui du Mali devrait être créé sous le haut patronage de l’Union africaine. Le président de la commission de l’UA, Moussa Faki, mène depuis le 21 avril des consultations tous azimuts et a longuement évoqué le sujet jeudi avec le président nigérien, Mohamed Bazoum.

Tchadanthropus-tribune avec la Lettre du Continent

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