ENQUÊTE – Le président tchadien Idriss Deby Itno multiplie, ces derniers temps, toute une kyrielle de gesticulations et de subterfuges militaro-diplomatiques pour se tailler une carrure d’acteur incontournable tant en Afrique centrale qu’en Afrique de l’ouest. En fait, il rêve de devenir le leader, non seulement de la sous-région Cemac, mais par-dessus tout de remplacer son mentor, le ci-devant « roi des rois » et « guide » libyen Mouammar Kadhafi. Ses pathétiques pantomimes ne parviennent en tout cas pas à masquer sa peur grandissante – qui se révèle chaque jour un peu plus aux yeux du  public – d’être déboulonné de son pouvoir autocratique dans son propre pays, à cause de sa stratégie de déstabilisation des pays entourant le Tchad. Enquête.

Un plan diabolique d’Idriss Deby contre la Libye – Photo MACT/Montage

En dépit de sa constante et pétaradante présence sous les feux de la rampe de l’actualité militaire internationale, d’inquiétantes menaces internes planent pourtant – à l’intérieur du Tchad – sur le généralissime- président-Sultan Idriss Deby Itno et son régime.

Si sa calamiteuse gestion du pouvoir, notamment face à ses adversaires politiques,  gênent au plus haut point le potentat tchadien, ce sont surtout ses sinistres manœuvres  mettant en péril la nouvelle Libye, qui commencent à être dévoilées au grand jour. Ce qui empêche, bien évidemment, le locataire du Palais Rose de trouver le sommeil ces derniers temps.

Conséquence : Idriss Deby panique et nage en pleine sinistrose. Et quand on est dans ce genre d’état mental, il ne reste plus qu’à criailler aux oreilles de la communauté internationale en jouant les victimes, ou carrément d’inventer des coups d’état imaginaires ! Il faut le reconnaître : l’homme de N’Djamena est loin de maîtriser la situation !

 

Activisme multiforme

 

Toute l’Afrique a sursauté en direct vendredi 26 avril dernier quand Idriss  Deby a accusé de manière tonitruante, à travers les ondes de  la chaîne Al-jazzera, les autorités de la Transition libyenne d’abriter des « mercenaires » tchadiens s’activant, selon lui,  à le déstabiliser. Cette stratégie de stridentes vociférations n’était en fait qu’une manière cynique et malicieuse, de masquer sa détermination sournoise de sponsoriser des actions militaires contre la Libye, en vue d’une revanche des pro-Kadhafi.

Ceux des Africains qui ont de la mémoire, se rappelleront sans peine de l’engagement clairement affiché du  président tchadien – à l’époque du début du soulèvement des insurgés libyens –par le déploiement d’importants moyens logistiques et humains pour prêter main forte jusqu’au bout au « Guide » de la Jamahiriya Arabe Libyenne.

De même, il ne sera pas difficile de se rappeler de la déclaration, en septembre 2012,  d’Abdel Rahmane Shalgham porte parole du CNT (Conseil National de Transition devenu aujourd’hui le  Congrès Général National) à New York, en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU, indexant nommément le Tchad comme responsable des exactions en Libye : « Quant aux pays qui ont soutenu Kadhafi, en particulier le Tchad et le Niger, leur récente reconnaissance n’absout pas leur immense responsabilité sur le tort qu’ils ont fait au peuple libyen. Nous avons nos blessés, nos morts, nos veuves et orphelins, victimes de l’intervention de ces pays, et cela ne s’oublie pas facilement. Même aujourd’hui, ces pays ont encore des militaires sur notre territoire. Ils doivent les évacuer, rendre au peuple libyen tous les biens matériels et financiers que Kadhafi a déposés chez eux ».
Une accusation claire, nette, précise et sans équivoque.

Un constat qui, en tout cas, n’a toujours pas empêché le  président tchadien de s’activer encore plus depuis une année dans une mobilisation de multiples groupes composés d’anciens caciques et faucons du régime libyen. Il active,  dans cette logique,  son sbire, Abadi Sahir (ex-chef des services de renseignement, reconverti commandant exécutif des mercenaires tchadiens) auprès des proches de Kadhafi, notamment Béchir Salah Béchir, le général Abdel Hafiz Massoud (ex-gouverneur militaire de Sebha et cousin par alliance de Kadhafi), Grène Saleh Grène (ancien ambassadeur de Libye au Tchad) et le général Ali Chérif Riffi (ancien directeur du cabinet de Mouammar Kadhafi). Ces partisans inconditionnels du défunt colonel n’ont pour seul objectif que de perturber et de plomber à tout prix la transition en cours en Libye.

Pire, c’est Idriss Deby en personne qui avait préparé en février 2012 un rendez-vous entre Abadi Sahir et Moussa Koussa au Qatar, afin que ce dernier donne son adhésion dans le sens d’une contre révolution libyenne. Malheureusement,  cette rencontre n’a pas été possible. Abadi Sahir n’a eu droit qu’à une conversation téléphonique depuis Dubaï.

Autre fait : le 28 mars 2012, une délégation d’hommes bien entraînés et déterminés, embarqués à bord de cinq véhicules 4 x 4 conduits par l’ancien ambassadeur libyen Grène Saleh Grène avait  fait un déplacement au Tchad, pour rencontrer Idriss Deby ainsi que des communautés libyennes résidant dans la région du Kanem.

Ce groupe avait comme guide un tchadien installé au Niger.

La rencontre en question, tenue au Palais Rose en fin mars 2012 avait été longue avec un ordre du jour consistant : Un méticuleux travail de planning, dont le rassemblement des pro-Kadhafi au Nord de Mali, au Niger et au Tchad sur une base implantée à la lisière des frontières Niger-Tchad-Nigeria, l’équipement de ces troupes en matériels de guerre, et bien entendu un agenda de multiples opérations militaires.

Au terme de ce premier regroupement, Deby s’était bien engagé en proposant comme base de rassemblement un camp fiché dans l’ex-maquis du Mouvement pour la Démocratie et le Développement (MDD) à Guèguï – une localité stratégique nichée dans la confluence des frontières Niger-Tchad-Nigeria –  dont la singularité et le grand avantage géographique offrent une facilité de liaison avec le groupe islamiste Boko Haram, compte tenu de  sa proximité avec la ville de Maiduguri (Nord du Nigéria). Quant aux armes, le président tchadien avait mis à leur disposition, dans un premier temps, 200 véhicules équipés d’armes lourdes et légères.

Ce regroupement avait été délocalisé un mois plus tard, au Nord du Kanem – à environ 300km au Nord de N’Djamena – précisément dans la localité de Nokou, près du puits Yeskouna.  Grâce à la sensibilisation de Grène Saleh et d’autres pro-Kadhafi, environ 2500 hommes avaient été rassemblés pour cette diabolique mission. Dans cette localité, ces hommes ont reçu une formation accélérée.

 

Le Niger et l’OCI aussi…

 

L’activisme d’Idriss est encore plus étendu, car il se manifeste aussi par la mise à contribution de ses propres réseaux – agents de renseignements tchadiens –  infiltrés en Libye. Les opérations de sabotage qui avaient été planifiées et demeurent toujours latentes, ciblent exclusivement les sièges et bureaux du CNT, les puits de pétrole, les intérêts occidentaux et des lieux publics connus.

Se prévalant d’être un homme de guerre, le président tchadien est même allé  jusqu’à mobiliser des notables du Sud-est du Niger. En effet, le 04 mars 2011, il avait fait venir à N’Djamena, deux chefs traditionnels de grande envergure du Niger, pour leur signifier son intention de mettre un corridor de rassemblement des partisans du feu Kadhafi dans leur région. L’objectif était de solliciter le soutien de ces deux chefs traditionnels, en contrepartie d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Il importe dans la foulée de préciser par ailleurs qu’Idriss Deby et son homologue nigérien Mahamadou Youssoufou s’entendent comme larrons en foire quant à l’hostilité vis-à-vis de la nouvelle Libye. Tous les deux, dans le cadre de leur rencontre à N’Djamena le 09 mars 2012, auraient convenu de ce que les frontières de leurs pays respectifs avec la Libye sont extrêmement poreuses.  Idriss Deby, arguant que son pays subit la pression des occidentaux, a carrément été intransigeant, ce qui lui a donné l’occasion d’interpeller son hôte quant à la préservation et la mise en valeur de leurs intérêts respectifs et communs dans la sous-région. C’est dans ce sens que M. Deby avait demandé à son homologue nigérien de lui envoyer Saadi Kadhafi, fils de Mouammar Kadhafi, afin que ce dernier vienne résider à N’Djamena ou à Am-Djaress.

Ce n’est pas encore effectif, mais ce dernier rejeton du « Guide » se trouve actuellement au Niger en qualité de réfugié politique.
Deux mois après le regroupement au Nord du Kanem, soit aux environs du mois de juin 2012, ces troupes entretenues par Idriss Deby Itno avaient été transférées dans l’extrême nord du pays dans le Tibesti où ils se sont retranchés dans un camp militaire de l’Armée tchadienne, loin des regards indiscrets.

En tout cas cette mobilité constante et toujours échelonnée dans le temps et l’espace n’est rien d’autre qu’une stratégie de préparation d’une guerre. Mais au-delà de celle-ci, ces actions de mobilisation et d’entretien de troupes sur le pied de guerre nécessitent forcément d’énormes ressources financières. Des sources proches du président tchadien évoquent la somme d’au moins 14 milliards de FCA déjà utilisées depuis le début de ces manœuvres.

Deby est notamment en contact permanent avec d’anciens caciques du régime Kadhafi en Libye, et tout autant en perpétuelle communication avec Aïcha, la fille unique de Kadhafi, réfugiée en Algérie depuis le 29 Août 2011 en compagnie de sa mère Safia Farkash et de ses frères Mohamed et Hannibal.

Comptant sur la tribu de sa mère et celle de son oncle par alliance Abdallah Senoussi, un des plus importants ex apparatchiks du régime Kadhafi, Aïcha Kadhafi n’a jamais caché « à qui veut l’entendre » sa détermination à déployer des moyens financiers non seulement à venger la mort de son père, mais aussi à conduire la déstabilisation de la nouvelle Libye.

 

Un trésor de guerre

 

Quoi qu’il en soit, il est indéniable que le président du Tchad est l’un des principaux gardiens du fabuleux trésor de Kadhafi, sorti de Tripoli juste avant la chute du régime. Un véritable trésor d’Ali Baba qui avait été convoyé jusqu’à Am-Djaress, le village natal du président tchadien. Des proches de Deby se souviennent que dès le 21 août  2011, huit gros porteurs escortés par plus d’une dizaine de véhicules 4 x4 en provenance de la Libye, et transportant autant de conteneurs contenant des devises et autres lingots d’or étaient arrivés à Am Djaress. Ce convoi – dont très peu de personnes étaient informées de la contenance – avait passé deux mois dans la propriété privée du chef de l’Etat tchadien avant de prendre la direction, le 22 octobre 2011 du Palais présidentiel à Mara, à quelques encablures de N’Djamena, dans un autre château d’Idriss, où depuis lors cette cargaison fait l’objet d’une surveillance de tous les instants. Mais dont une grande partie se serait «  volatilisée » du Tchad par les soins du président.

Selon d’autres informations, une partie de la cargaison est soigneusement stockée dans le sous-sol de la résidence de Deby à Am-Djarass, et une autre dans une résidence de Deby à N’Djamena. Mais avant cela, certains caciques du régime qui savaient ce que contenaient les conteneurs avaient commencé à s’agiter, et même à entreprendre des velléités de chantage au sujet de ce que les plus proches de Deby savaient être un véritable trésor de guerre.

En fait, et selon des sources de première main puisées dans l’entourage proche d’Idriss, c’est Kadhafi en personne qui avait eu l’idée de mettre à l’abri, au Tchad voisin, la formidable cagnotte de devises, de lingots d’or et autres pierres précieuses qu’il possédait dans ses palais de Syrte et Tripoli, dans l’espoir de récupérer le tout par la suite et de le recycler.

Évidemment la mort de Kadhafi avait donné l’idée au gardien du trésor de s’en approprier. Et ce, au grand dam des nouvelles autorités du CNT qui, ayant eu vent de l’évasion, tenteraient sans succès de récupérer le pactole – juste avant les élections de juillet dernier.

Mais malgré ce « trésor », les troupes pro Kadhafi se sont toujours plaintes de mauvais traitement sur le terrain. C’était ainsi qu’une délégation expresse composée de deux officiers accompagnés par Grène Sahel Grène aurait été dépêchée le 04 décembre 2012 auprès d’Idriss Deby à N’Djamena pour lui signifier qu’ils sont las d’attendre. La promesse d’une aide financière et matérielle de la France dans le cadre du déploiement du contingent militaire du Tchad au Mali – dont le président Deby a manifesté l’intention de rétrocéder une partie à ses « mercenaires » – n’a pas convaincu les miliciens libyens.

 

Deby a trouvé une solution intermédiaire en leur fournissant deux citernes de carburant et trois gros porteurs bourrés de vivres afin qu’ils puissent quitter le camp mixte pro-Kadhafi – armée de Deby non loin de Bardaï. C’est ainsi que le 6 décembre 2012, ils se sont encore déplacés, cette fois vers la frontière nigérienne en direction du massif montagneux de Wour dans l’extrême Nord du Tchad.

A cette époque, usant de sa ruse habituelle, le président tchadien avait profité de la tenue du 12ème sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) du Caire du 7 et 8 septembre 2012 pour bouger des mécontents de la révolution libyenne.

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