ENQUÊTE (suite) — Au-delà de ses jérémiades actuelles par le biais desquelles, Idriss Deby  veut se donner des airs de chef d’état traqué par des comploteurs, ceux qui le suivent de près savent qu’il nourrit des plans diaboliques vis-à-vis de l’Egypte, et surtout de la Libye de Kadhafi dont il est lourdement redevable. Le potentat tchadien joue les victimes, mais c’est un bourreau impitoyable qui est décidé à devenir le Kadhafi nouveau. Suite de notre dossier.

Pour des raisons forcément indépendantes de sa volonté, Idriss Deby s’est trouvé contraint de traîner les pieds quant à honorer ses promesses de financement qu’il avait faites aux activistes égyptiens et libyens qui n’attendaient que ça pour passer à l’offensive les autorités libyennes. Ce n’est qu’en début du mois de septembre 2012, sur une menace persistante de ces derniers à travers des émissaires Pro-Kadhafi débarqués précipitamment à N’Djamena, qu’il a fini par céder.

A cet effet, profitant du 12ème sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) tenu au Caire les 7 et 8 septembre 2012, le président tchadien avait opté de faire bouger les mécontents de la révolution libyenne en leur accordant une audience en plein jour.


Cela s’est passé à son hôtel où une délégation de Pro-Kadhafi conduite par Grène Saleh Grène, débarqué la veille en provenance de N’Djamena par vol spécial.


Des sources absolument dignes de foi   –  et les services de renseignements occidentaux n’ignorent rien de cela  – ont laissé entendre qu’Idriss Deby avait donc réussi, en marge de cette réunion de l’OCI, à mettre en contact, dans la logique d’une connexion agissante, le réseau de coordination de la rébellion des pro-Kadhafi et un groupuscule fortement structuré de Pro-Moubarak pour déstabiliser la Libye actuelle.


Le montant total de la mobilisation en vue d’activer ces deux  réseaux avait été évalué à quelque chose comme 16 milliards de FCFA.


Comme il est difficile de faire d’entrer en terre Egyptienne avec plus de 10.000 euros en espèces dans ses poches, Idriss Deby avait imaginé et mis en pratique l’astuce de les confier à des proches de son épouse détenteurs de passeports diplomatiques. C’était certes assez futé, mais sera à l’origine de la fameuse et tonitruante « affaire des devises du Tchad au Caire ».


En effet le mari de la sœur de Mme Hinda Deby, et non moins ex-secrétaire général adjoint de la présidence de la république du Tchad, Mahamat Bourma Hissein, avait connu une humiliante mésaventure au cours de la mise en marche de cette drôle d’opération de transfert illicite de fonds.


Dans la nuit du 24 au 25 avril 2013, une valise contenant la bagatelle de 500.000 euros, déposée dans la soute d’un vol d’Ethiopian Airlines en provenance de N’Djamena via Addis-Abeba  avec escale au Caire, et appartenant au sieur Mahamat Bourma Hissein est en attente d’être récupérée par son légitime propriétaire débarqué un jour plus tôt à l’aéroport international du Caire.


L’homme a vécu une véritable nuit blanche à l’aéroport sous la peur bleue d’être « frappé » par Idriss Deby au cas ces devises seraient chipés dans la soute.


Ayant récupéré la mallette, l’homme se prépare à sortir de l’aéroport, mais, coup de malchance, les douaniers de l’aéroport exigent son ouverture se moquant royalement du  passeport diplomatique brandi par le propriétaire de la mallette. Ils finissent par l’ouvrir, et tombent en arrêt devant un véritable trésor d’Ali baba : 1.000 liasses de 500 euros !


Affolés, les douaniers et éléments de la sécurité aéroportuaire égyptiens décident d’arrêter Mahamat Bourma Hissein qui fut alors acculé à avouer la vérité : c’est l’argent du président de Tchad !


C’est sur les interventions conjuguées de l’épouse du président, de l’ambassadeur du Tchad au Caire et du ministre des affaires étrangères que le beau frère de Mme Deby fut relâché. Mais le pactole a été confisqué par les autorités égyptiennes. C’est encore vérifiable au Caire !


On le voit, Idriss Deby a mal à son image. Pire, il n’a pas toujours su profiter – comme il l’avait souhaité  -de « l’état de grâce » de la crise malienne pour refaire celle ci.


Car avant que ses troupes ne jouent le rôle de premier plan que l’on a vu dans la guerre contre les djihadistes, en fin 2012 et début 2013, Idriss Deby avait tout le mal du monde à apaiser un vif mécontentement exprimé par les groupes de pro-Kadhafi qui, ayant quitté le Tibesti, s’étaient installés à la frontière Tchado-nigérienne.


Sous la conduite de Grène Saleh Grène, ces milices exigeaient frénétiquement de l’argent dans l’immédiat, car informés de ce que le président tchadien attendait une aide financière assez consistante de la part de la communauté internationale dans le cadre de la MISMA. Deby attendait patiemment, mais les rebelles libyens n’étaient pas disposés à l’attente, car selon eux, le temps passait et l’opération de longue haleine devait passer à sa phase opérationnelle.

 

Comme dans un film de Western, une parie du Trésor s’envole…

 

Comme nous l’avons révélé dans la première partie de ce dossier, une partie du trésor de Kadhafi confié à Deby s’était envolé dès le lendemain de sa mort.


Les lingots d’or du trésor libyen, cachetés de l’effigie de Kadhafi, ne pouvant pas se vendre facilement au grand jour, Deby avait donc mis à contribution des démarcheurs en Afrique centrale et de l’ouest : Tant bien que mal, une partie de ces lingots fut ventilée, tandis qu’une autre avait été soigneusement gardée par sa garde rapprochée à N’Djamena. Ce qui, on l’apprendra plus tard, avait été la source d’une crise au sein de la famille Deby.


En effet – et la presse en avait fait des gorges chaudes par la suite à l’époque –  la famille Deby avait  failli exploser le 17 janvier 2011 à propos du partage des lingots d’or de Kadhafi cachés dans une des résidences du président.


Si les populations de  N’Djamena  ne s’en étaient pas rendu compte  sur le coup, les coups de feu tirés du côté de la raffinerie de Djarmaye s’étaient chargés de ramener au grand jour cette sordide affaire de partage de magot.


A en croire ceux qui fréquentent assidument la famille présidentielle, il existe à N’Djamena une villa du président tchadien où avait été entassé un énorme magot dans lequel venaient – et viendraient toujours –  se ravitailler les plus influents membres de la famille Deby Itno.


C’est ainsi que dans la matinée du jeudi 17 janvier 2012,  Haïga Deby –  sœur d’Idriss  –  a débarqué  dans cette villa dans le but de se ravitailler en espèces sonnantes et trébuchantes, mais aussi de prendre quelques uns des lingots d’or qui étaient entassés dans une pièce spéciale.  Dans les instants qui ont suivi, Daoussa, le frère aîné des Deby,  selon ce qui s’était dit, était arrivé pour se renflouer aussi les poches.  Mais à ce qu’il parait, il réalisa qu’il y avait des lingots et voulut tout simplement rafler les deux tiers de ceux-ci. Haïga s’en énerva. Le frère et la sœur en vinrent à échanger des propos peu amènes. La dispute tourna très vite à l’affrontement. Haïga appela Idriss Deby au téléphone sur le champ. Celui-ci aurait demandé aux deux excités de se calmer et d’attendre son retour avant de toucher aux lingots. Car le Président tchadien, se trouvait à Abidjan en pleine réunion avec les chefs d’Etats de l’Afrique de l’ouest.


En tout cas, l’un des nombreux neveux d’Idriss Deby avait assisté à la dispute entre son oncle et sa tante. Et à en croire un de ses frères, celui-ci aurait déclaré sans ambages à ses oncle et tante qu’il va créer un incident en guise protestation.


C’est sur ces entrefaites que ce sieur aurait donc décidé de foncer à la raffinerie de Djarmaye – accompagné de quelques comparses armés jusqu’aux dents – pour tout simplement  la détruire. Il se dit par ailleurs que la colère du neveu du président s’expliquerait d‘autre part du fait que des informations très précises avaient révélé que Daoussa  – qui revenait d’un voyage du Sénégal – était en train d’acheter des propriétés immobilières à Dakar, à tour de bras, dans l’optique de délocaliser ses investissements dans le pays de Macky Sall. Autre motif supplémentaire de la rage du neveu de constater que Daoussa, Haïga et ses autres oncles, tantes n’arrêtent pas de s’en mettre plein les poches, au détriment des neveux et nièces qui n’ouvriraient pas les yeux.


Conséquence : à cause d’une affaire de frustration inter familiale  le neveu du président de la République s’était payé le luxe d’aller s’attaquer à une infrastructure nationale comme l’aurait fait un vulgaire terroriste.


L’affaire avait fait grand bruit dans les quartiers, mais la presse l’avait traitée un peu comme un simple fait divers semblable à  la multitude d’autres non moins scandaleux vécus quotidiennement dans ce pays où ce qui vous étonne aujourd’hui n’est toujours rien par rapport à ce qui survient le lendemain.


En effet, le trésor de guerre de Kadhafi n’était en tout cas pas seulement constitué de lingots d’or, il y avait aussi des millions de dollars et d’Euros en devises retirées des banques libyennes, transférées à Dubaï ou encore en Afrique du Sud par les bons soins des proches de Hinda.


D’ailleurs, une semaine avant cet incident, un groupe de soudards de la Garde Rapprochée présidentielle, avait provoqué un mouvement d’humeur au palais, exigeant à Deby que leur soit distribuée une part des devises en dollars de Kadhafi  – qu’ils appellent « le prix de leur sang » – qu’ils savaient cachées dans un lieu secret au Palais. Contre toute attente, Deby avait cédé presque sans hésitation à leur pression, de peur que les choses ne virent à la mutinerie.


Selon un des militaires proche de Hinda qui était sur les lieux, Deby les aurait laissé se servir à leur gré. Dans la bousculade – comme dans un film de western – ceux qui avaient « puisé » le moins d’argent s’étaient retrouvés avec pas moins de 50.000 $ USD.


Voilà autant de drôle de choses méconnues du grand public tchadien qui se passent quotidiennement au Palais dit « rose » de N’Djamena.


Aux dernières nouvelles, le dernier « transfert » de ces devises venues de Libye, date  de la semaine du 20 au 26 mai derniers. Il  a été opéré par Idriss Deby en personne qui a fait transférer 12 millions de dollar US par le biais d’un de ses neveux.

(Nous reviendrons sur ce dossier de transfert et placement des capitaux à l’étranger par Deby et sa famille).

 

Summum du reniement

 

Mais au-delà de toutes ces hallucinantes péripéties, une chose demeure apparemment inflexible : la détermination du potentat tchadien à sponsoriser des rebellions en Libye est irréductible, puisqu’après le regroupement discret et méthodique de troupes séditieuses sur différents sites à la lisière des frontières Tchad-Niger, l’entretien des réseaux en Egypte est constant.  De même qu’il s’assure de la sympathie des communautés autochtones nigérienne où se sont implantés les rebelles en puissance, il ne reste plus aujourd’hui que le passage à l’action avec le déclenchement de concomitantes opérations de sabotages et l’activation de soulèvements populaires aux quatre coins de la nouvelle Libye.

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