Le ramadan, qui correspond au neuvième mois lunaire de l’année musulmane, rappelle la révélation du Coran au prophète Mahomet par l’archange Gabriel. Ce mois sacré constitue l’un des cinq piliers de l’islam, avec la profession de foi en un Dieu unique et en Mahomet son messager, la prière quotidienne, l’aumône et le pèlerinage de la Mecque.

Pendant le ramadan, les musulmans doivent s’abstenir de manger, de boire, de fumer et d’avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil. Le jeûne est rompu chaque jour par le "iftar", le grand repas commun.

Mais, à l’instar des autres fidèles musulmans et du reste des Tchadiens, Ahmat Hassan craint de ne pouvoir assurer chaque soir un bon "f’tour" ("iftar" en arabe local) à sa maisonnée. "Les prix des produits de grande consommation flambent de jour en jour, pendant que notre pouvoir d’achat s’affaiblit inexorablement", se plaint ce cadre dans une entreprise privée locale, polygame et père de huit enfants.

Sur les marchés de N’Djaména, la capitale du Tchad, le "koro" ( une tasse qui sert d’unité de mesure) d’oignons est passé de 1.000 à 2.000 F CFA (2 à 4 USD), soit une hausse de 100%. Le litre d’huile alimentaire importée a également augmenté de 50%.

Le poisson frais, ravitaillé du Lac Tchad, et la viande, autre aliment de base des Tchadiens, sont devenus un luxe pour beaucoup de ménages de N’Djaména. Le kilo de poisson frais vaut plus de 2. 500 F CFA (5 USD), celui de viande tourne autour de 2.000 F CFA. Aux ménagères qui ne peuvent pas débourser autant d’argent, les vendeurs de poissons et de viande offrent leurs produits par tas, au lieu d’utiliser la balance imposée par les autorités nationales.

Au marché des céréales, le sac de maïs est vendu à 25.000 francs CFA (50 USD), au lieu de 22.500 F CFA (45 USD) décidé de commun accord par le gouvernement et les opérateurs économiques. Des produits importés, tel le riz, la farine de froment ou la pâte alimentaire, subissent le plus cette hausse incessante.

Même le prix de la petite boîte d’allumettes qui a stagné depuis deux décennies à 25 F est passé au double depuis quelques jours. "Du jamais vu! Où allons-nous à cette allure?", s’interroge Mme Claire Demba, ménagère.

"Nous, femmes, souffrons énormément parce que l’argent que nos maris nous remettent pour la ration est insuffisant et nous n’osons pas le dire. Une fois au marché, nous avons de la peine à trouver ce qu’il faut pour le repas de la journée", ajoute-t-elle.

"Ce sont les commerçants qui augmentent unilatéralement les prix des produits. Quelques fois, c’est avec la complicité de certaines autorités de la place", affirme Mme Louise Laldjim, secrétaire de direction.

Une accusation souvent reprise par beaucoup d’observateurs et par les autorités nationales dont le président de la République Déby Itno qui ne manque pas l’occasion de fustiger ces " commerçants sans foi ni loi qui, par des pratiques aussi illicites les unes que les autres, s’enrichissent au détriment des consommateurs et des producteurs".

Pour Hamid Mahamat Dahalob, ministre tchadien du Commerce et de l’Industrie, "cette situation inadmissible est due à l’incivisme des opérateurs économiques, habitués à la spéculation des prix".

Dès 2009, le gouvernement tchadien a pris des dispositions pourjuguler la cherté de vie: fixation des prix des denrées de première nécessité par consensus avec les opérateurs des produits de première nécessité, achat et la vente des céréales subventionnées par l’Office national de sécurité alimentaire ( ONASA), défiscalisation de certains produits importés, interdiction des exportations des denrées alimentaires, etc. Mais toutes ces mesures n’ont donné aucun résultat escompté.

Pour les commerçants, cette hausse de prix est la conséquence logique des tracasseries au niveau des frontières. "Il y a de cela quelques semaines que le gouvernement a fermé nos frontières avec le Nigeria, pour contrecarrer une éventuelle attaque des terroristes Boko Haram. Mais nous payons énormément pour cela, car c’est le Nigeria qui est le premier fournisseur du Tchad en produits de première nécessité’",indique Bichara Mahamat, commerçant au marché dit "Cinquantenaire".

Il accuse ouvertement le gouvernement d’être responsable de cette situation. "Les autorités savent bien que le pays ne dispose pas de manufactures pour la production de certains produits. Même pour raison de sécurité nationale, elles doivent simplement veiller aux frontières, sans les fermer hermétiquement. Aussi longtemps que cela prendra du temps, nous continuerons par subir les conséquences", ajoute-t-il. Avant de conclure que tant que la douane continuera par arnaquer les opérateurs économiques, le problème de la vie chère ne sera pas résolu.

C’est dans ce contexte que le jeune de ramadan débute, cette année, au Tchad où les musulmans représentent plus de la moitié de la population, d’après les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat de 2007. Il coïncide également avec la saison des pluies, temps de soudure et d’austérité.

Depuis une semaine, M. Dahalob multiplie des sorties médiatiques pour mettre en garde tout commerçant véreux qui spéculera sur les prix des marchandises durant ce mois sacré.

Il a ressorti des tiroirs l’arrêté n°30 du 30 août 2010 fixant de manière provisoire les prix de vente des produits alimentaires locaux et importés. Des prix qui n’ont jamais été respectés par les commerçants. Pour autant, le ministre a communiqué deux numéros verts devant permettre aux consommateurs de faire appel à la brigade de contrôle de prix.

Selon le ministre, cette brigade effectuera des contrôles inopinés dans les marchés pour vérifier l’effectivité des prix des marchandises. Il a fait obligation aux commerçants d’afficher ces prix officiels sur les produits et devant leurs échoppes.

Pour Mmes Claire Demba, Louise Ladjim et la quasi-totalité des consommateurs que Xinhua a interrogés, ces mesures gouvernementales ne changeront rien à la donne. "Pour tromper la vigilance de la brigade de contrôle, les commerçants affichent bien les prix, mais ils les vendent plus chers. C’est à prendre ou à laisser", conclut Mme Laldjim.

 

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