Le fonctionnement, la gestion et le management des missions diplomatiques tchadiennes s’éloignent de plus en plus de leur mission initiale, à savoir être au service du Tchad et de sa population. Il est de notre devoir, en tant que citoyen, d’alerter l’opinion de manière à ce que justice soit rendue au peuple tchadien. Le sens de cet engagement citoyen exige une réflexion qui doit nous mener vers une action concrète  à brève, moyenne et longue échéances. A force d’engagement, d’effort, de concertation et de dialogue, nous parviendrons ensemble, InchaAllah, à remettre notre pays sur la voie qui répond de la meilleure des façons aux attentes des tchadiens en termes politique, économique, diplomatique, socioculturel…
 

C’est sur cette base que nous continuons à apporter nos modestes contributions et participons au mouvement de réflexion déjà entrepris par bon nombre de nos concitoyens  en vue non seulement de la rénovation de notre diplomatie et de sa contribution réelle au développement national, mais aussi d’une prise de conscience citoyenne sur les enjeux qui s’imposent au Tchad.
 

En effet, c’est une évidence de dire que le fait de représenter, négocier, protéger, informer, coopérer aux niveaux bilatéral et multilatéral exige des compétences particulières pour la gestion et le management des représentations diplomatiques en vue d’un fonctionnement optimal, efficace et profitable aussi bien au pays en termes d’image qu’à sa population en termes de développement. Comme l’affirme un confère, la diplomatie n’est ni une science, ni une religion, mais une méthodologie indépendante de protection et de promotion des intérêts modulables selon le temps, les partenaires, les objectifs et les facteurs  d’influence.
 

Malheureusement, Ces dernières années, le fonctionnement de plusieurs ambassades, missions permanentes et consulats tchadiens s’apparente plus à une entreprise familiale où la notion de la chose publique, les règles élémentaires de l’administration publique, les usages diplomatiques et la vision collective et à long terme sont relégués aux oubliettes. Les pratiques qui prédominent  relèvent de la cooptation clientéliste, basée sur des réseaux politico-diplomatiques cloisonnés et mafieux ; l’essentiel du travail consiste à renouveler, renforcer et cloisonner davantage ces réseaux, en dépit de la contestation, la désapprobation, l’indignation aussi bien à l’intérieur même de la classe politique et diplomatique tchadienne qu’au niveau de simples citoyens au Tchad et dans la diaspora. Par ailleurs, nos représentations diplomatiques restent figées dans tous leurs aspects alors que les défis, les enjeux, les acteurs et le contexte changent sans cesse.
 

Pour illustrer notre propos, prenons l’exemple de la gestion financière : au-delà du fait que cette gestion reste opaque, dans certaines représentations, les ambassadeurs sont à la fois ordonnateur et comptables si ce ne sont pas leurs conjoints qui règnent sur la comptabilité, alors qu’il y a du personnel censé remplir ces tâches. En outre, les moyens matériels et humains mis à la disposition de nos ambassades servent davantage aux activités familiales ou privées qu’aux intérêts collectifs, professionnels ou nationaux.  Ce caractère familial et privé se reflète même dans l’absence des symboles distinctifs du Tchad sur les bâtiments abritant ces représentations comme si on voudrait y vivre caché à l’égard des concitoyens. Il convient aussi de relever la façon dont la plupart de nos ambassades et missions permanentes recrutent sur place ; leurs dirigeants privilégient des étrangers pour masquer leurs magouilles et protéger leurs réseaux mafieux. Certains ambassadeurs n’hésitent pas à instrumentaliser la peur et la fragilité de certains membres du personnel pour se couvrir et étouffer toute dénonciation.
 

Un autre exemple concerne le rapport entre les citoyens tchadiens et les dirigeants de leurs ambassades. Quand les tchadiens recourent à leurs représentations diplomatiques, ils ne sont pas reçus ni traités comme il se doit alors que ces représentations sont des territoires tchadiens à l’étranger. Quel pays dénigrerait et rejetterait ses fils et filles quand ils frappent à sa porte ? Et pourtant, c’est ce qui arrive  avec certains représentants diplomatiques tchadiens, allant jusqu’à marginaliser et  stigmatiser leurs concitoyens, avec en bonus des propos désobligeants et dégradants.
 

Se déclarant croyants en Dieu, mais drapés dans un cynisme et une hypocrisie permanents, loin de la morale, de l’éthique spirituelle et professionnelle, ces ambassadeurs font énormément du tort au Tchad et aux tchadiens. Ils  usent de tous les subterfuges les plus cyniques possibles dans l’unique et exclusif souci  de préserver leurs intérêts personnels, familiaux et/où clientélistes.  Cette façon de se comporter et d’agir est indigne de la part d’un représentant de l’Etat, qui se doit en principe d’être au-dessus de la mêlée et de défendre les intérêts de tous.
 

Ce genre de pratiques de gestion et de fonctionnement met en évidence le manque de vision claire et de rigueur dans la politique étrangère du Tchad en général, et plus particulièrement à l’égard de ses valeurs et intérêts à défendre. Et pourtant, le Tchad ne manque pas de cadres et d’agents de grande valeur aussi bien sur le plan de compétence et de l’intégrité qui, utilisés rationnellement, peuvent apporter des valeurs ajoutées considérables à notre pays et renforcer sa crédibilité à l’échelle nationale, régionale et internationale. Face au rythme auquel évoluent la diplomatie internationale et le contexte national et international, notre diplomatie a besoin du sang neuf, de nouveaux talents, de nouvelles compétences et qualités, en plus de l’expérience des aînés, dans une complémentarité constructive et une harmonie créatrice.
 

Si rien n’est fait pour mettre fin à ces pratiques, le système oligarchique qui émerge et s’installe petit à petit dans certaines ambassades et missions permanentes tchadiennes, finiront par prendre de l’ampleur et hypothéquer toutes les chances qu’à le Tchad de se construire un avenir meilleur.
 

Pour parer à cela, la conception de la politique étrangère tchadienne et la désignation des acteurs censés la mettre en pratique et représenter honorablement le Tchad à l’étranger méritent d’être revues, et toutes les ressources mises à la disposition de ces acteurs doivent être mieux affectées,  gérées rationnellement et contrôlées rigoureusement.

  

Par Talha Mahmat Allim,
Genève, Suisse.
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