Confrontée à la chute du cours du brut et au choc sécuritaire causé par Boko Haram, l’économie tchadienne accuse le coup. Pour sortir de l’impasse, les autorités cherchent des solutions tous azimuts.

 

Tchad : le consortium pétrolier de Doba condamné à payer 68,1 milliards d’euros à l’État Glencore, banquier de N’Djamena ?

 

Stoppé net! Il y a un peu plus de deux ans, le Tchad était en pleine reconstruction. Comme prises de frénésie infrastructurelle, les autorités – grisées par les revenus pétroliers – s’étaient engagées dans une politique de grands travaux. Son point d’orgue: le lancement de la construction de la Cité internationale des affaires et d’une cinquantaine de villas pour accueillir de grands événements internationaux. Aujourd’hui, tout cela paraît bien loin. Les chantiers sont arrêtés, l’opulence a fait place à l’austérité. Et les bruits de machines à la grogne sociale.

 

De nombreux secteurs en crise

 

Fin août, soit trois semaines après sa prestation de serment (la cinquième de son long règne), Idriss Déby Itno a été rattrapé par la récession qui frappe de plein fouet son pays depuis la chute des prix du pétrole. Il a dû, via son gouvernement, prendre seize mesures visant à réaliser des économies. Parmi celles-ci, la suppression de la bourse annuelle de 360000 F CFA (environ 550 euros) des étudiants. Ces derniers, notamment ceux de l’Union nationale des étudiants du Tchad (Unet), sont descendus dans la rue pour manifester leur mécontentement (plusieurs d’entre eux ont été arrêtés).

 

Les fonctionnaires, eux, se sont vu infliger une réduction de 50 % de leurs indemnités (ceux bénéficiant des effets d’une nomination par décret perdent 80 % de leurs indemnités) alors que leurs salaires accusent déjà quelque trois mois d’arriérés. Pour faire passer cette pilule amère, le gouvernement s’est empressé de préciser qu’elle se limiterait à une période de dix-huit mois. « Ce n’est pas à nous de payer le prix d’une gestion scabreuse », a répliqué Michel Barka, le président de l’Union des syndicats du Tchad.

 

Le secteur privé n’est pas en reste. Le 4 octobre, le chef de l’État recevait une délégation du patronat pour apaiser les inquiétudes des chefs d’entreprise face à l’accumulation des factures. L’État devait 280 milliards de F CFA aux fournisseurs à la fin du premier trimestre de cette année, selon un récent rapport de la Banque de France. Un chiffre sous-estimé, selon des sources au ministère des Finances, qui rappellent que, fin 2015, la dette intérieure s’élevait à près de 1000 milliards de F CFA et qu’elle n’a été épongée qu’en partie.

 

Au Tchad, mauvaise récolte, pauvreté et malnutrition, lot quotidien du Kanem

 

En 2015 déjà, la situation était telle que le pays n’avait même pas pu célébrer l’atteinte en avril, cette année-là, du point d’achèvement de l’Initiative pays pauvres très endettés (PPTE), qui a allégé sa dette de 1,1 milliard de dollars (environ 1 milliard d’euros) vis‑à-vis de bailleurs multilatéraux (FMI, BAD et Banque mondiale) et de 62,6 millions de dollars à l’égard de créanciers publics (Club de Paris). La crise s’est manifestée de manière éclatante lorsque N’Djamena a renoncé, quelques semaines plus tard, à accueillir le sommet de l’Union africaine. Depuis, sa croissance économique décroche. Elle est passée de 6,9 % en 2014 à –1,1 % cette année, selon les dernières estimations du FMI.

 

« Déficit budgétaire »

 

L’insécurité engendrée par les menées guerrières de Boko Haram a entraîné la fermeture de la frontière avec le Nigeria, déstabilisant les échanges avec la plus grande économie du continent. Le commerce du bétail en a été affecté, ainsi que l’élevage, qui emploie directement et indirectement plus de 40 % de la population et représente le deuxième secteur de l’économie après le pétrole. Les engagements militaires de N’Djamena au Cameroun et au Nigeria ont coûté plus de 85 milliards de F CFA pour la seule année 2015. Enserré dans une ceinture d’insécurité, le pays de Toumaï subit également un choc humanitaire, avec l’arrivée sur son sol de réfugiés nigérians, nigériens, centrafricains et soudanais.

Mais c’est surtout la chute sévère des cours du pétrole, une ressource représentant deux tiers de son PIB et 70 % de ses recettes budgétaires, qui a plombé les finances publiques. Le déficit budgétaire a dégringolé, entre 2014 et 2015, de –6,2 % à –10,7 % du PIB, obligeant le pouvoir à baisser ses investissements de 46,5 % sur cette même période, de 702,5 à 375,9 milliards de F CFA.

 

Après avoir atteint le pic de 103,90 dollars en 2013, le baril de brut tchadien se négocie à présent autour de 41 dollars. Une baisse qui a fait chuter les recettes pétrolières de plus de 36 % au cours des deux dernières années. Certes, l’entrée en activité de nouveaux champs depuis trois ans a relancé la production de 36,3 à 52,5 millions de barils par an, mais elle n’a pas compensé la décrue des rentrées financières.

 

« La difficulté tient au fait qu’en dehors de la redevance, qui dépend de la production, les taxes adossées au pétrole sont tributaires de la rentabilité du secteur. Et celle-ci n’est manifestement pas au rendez-vous en ce moment, au regard du niveau actuel du cours », déplore Jaouhar Ben Zid, le directeur opérationnel de Deloitte au Tchad.

 

Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique

 

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