Ainsi donc, Daoussa Déby Itno, le ministre des postes, des nouvelles technologies, de l’information et de la communication, a su louvoyer, puis botter en touche, à l’assaut des questions des députés, lors de son interpellation du week-end dernier. La question orale à l’ordre du jour était : la privatisation de la Société Nationale des télécommunications, la SOTEL. Une société dont tout le monde, les parlementaires en premier, s’accorde à  reconnaître la médiocrité des performances.  En cause, la pléthore de ses employés, cadres et techniciens confondus, dont la première qualité est l’indolente incompétence  qu’ils trimbalent sous leurs vestes ou grand boubou, comme la tortue sa carapace. Le mot médiocrité des performances de la SOTEL était sur les lèvres de tous les interlocuteurs de l’Hémicycle y compris de celles du super ministre qui visiblement en faisait son argument cardinal. Pour rappel, Daoussa Déby Itno  coiffe un ministère d’une très large envergure qui englobe on ne sait pourquoi, la Communication. En ce moment, on est en droit de se demander si  DDI n’a pas rang de ministre d’Etat, réduisant le rôle  du porte parole du gouvernement, ministre de la communication à celui d’un simple ministre délégué ou secrétaire d’Etat. Et que veut DDI aux TIC et fibres optiques sinon avoir le contrôle du pouvoir de l’information, y compris sur ce qui touche la vie de tous les Tchadiens ?

 

Mais laissons aux éminents stratèges de la gouvernance nationale  le soin de démêler l’inextricable. Les voies de son Altesse Idriss Déby Itno comme celles de Dieu sont impénétrables. Revenons à cette fameuse privatisation, présentée comme seule solution salvatrice de la SOTEL et parlons donc de ces privatisations en séries prétendument destinées à sauver l’économie tchadienne. Passons rapidement sur l’émiettement des PTT qui  a accouché, entre autres, de la SOTEL, fief des Arabes ; passons également sur le démantèlement de la Cotontchad qui a donné quatre petits : l’Huilerie, la Savonnerie, la « tourteauserie »  que se sont partagés les puissants frères Erdimi, désossant ainsi la Cotontchad , désormais économiquement affaiblie. Restons concis et remontons à 1993/94, cette année où, l’OFNAR, l’Office Nationale des Routes, fut privatisé pour devenir la SNER, la Société Nationale d’Entretien Routier. Sans compter le fait que la plupart des cadres d’une entreprise, autrefois publique, dont la privatisation a été faite pour un franc symbolique, sont recrutés selon des critères d’appartenance ethnique, régionale ou politique, l’on doit noter pour le souligner que la SNER est un business de DDI, qui rafle presque tous les marchés publics, les sous traitant même à des sociétés de réputation internationale comme SATOM. Et quand la SNER s’engage à faire elle-même des chaussées et routes, c’est la cata. Pour preuve,  tous les ouvrages réalisés par la SNER, qui ont englouti des milliards,  sont d’une longévité éphémère s’ils ne constituent pas, comme les caniveaux de Sarh, des dangers publics ayant causé mort d’hommes. La SNER est une réussite pour son magnat qui la brandit pour obtenir des marchés mal honorés, mais la SNER est un échec pour les usagers de la route. L’on se souvient de l’avenue Bokassa en réfection entre les années 2003/06, ouverte et restée béante jusqu’en 2009. L’on se souvient de la fameuse avenue Pascal Yoadimnadji qui, du rond point de Chagoua relie le pont de Double voies. Des voies, où rouler était un véritable  parcours de combattant, des voies assassines, mal conçues, mal bitumées sans trottoirs ni bas côté de la route, perlées de crevasses et de Nids de poule qui ont causé la mort de plus d’un citoyen lambda. Mais encore,  défectuosité vivante, est cette voie catastrophe,  dite  avenue Taïwan  qui joint le rond point de Double voies au Rond point Hamama. Un circuit pour rallye de cascadeurs !

 

Les privatisations faites ou instiguées par Daoussa Déby Itno, il y en a à la pelle. Ainsi en est-il des passeports et des cartes d’identité nationale, des domaines pointus, relevant de la Souveraineté d’un Etat,  désormais sous parapluies privés des proches du clan. Où va l’argent des cartes nationales d’Identité ? Pourquoi leur octroi est-il centralisé à N’Djamena ? Pourquoi l’accès aux documents identitaires nationaux de premier ordre devient-il un casse tête chinois, un motif d’humiliation au quotidien pour des citoyens Tchadiens. Ce sont là des actes qui révoltent et qui poussent à l’indignation. Le HCC et le Gouvernement qui crient sans cesse à l’incitation à la haine ou à la révolte devraient s’insurger contre de telles situations. La Sotel, la fibre optique privatisée. Pour aller aux mains de qui ? On attendait beaucoup de la fibre optique. Les coûts des communications devraient s’en ressentir à la baisse. Au lieu de cela les communications sur phones mobiles comme fixes sont des plus onéreux du monde ; mieux les communications sont taxées chaque matin et rapportent environ  3 milliards par mois. Où  va cet argent ? Combien sont-elles, les entreprises publiques ou parapubliques aux mains des Itno ?  Toumaï Air Tchad, itnosé pour tomber en faillite. Les ciments de Baoré, Itnosés pour échapper aux maigres revenus du Tchadien lambda. L’importation du sucre, itnosée pour causer la faillite de la CST. Les régies financières, la douane,  itnosées  au grand profit du clan. Le pétrole, bradé d’avance par les Itno, et là, ça ne va plus.  Les voyants sont aux rouges. Les banques, sous pression, n’en peuvent plus des manœuvres itno types. Un  cadre supérieur d’une importante banque de la place nous confie : «  Ils ont donné des instructions aux responsables des départements ministériels pour ne travailler qu’avec leurs banques. Suivez mon regard. »  Mais les Itnoseries ne s’arrêtent pas aux portes de N’Djamena. Des centaines de milliers de nos hectares agricoles sont vendus aux Arabes et aux Chinois. Nos Outardes sont livrées au sport favori des Qatari qui les canardent à souhait pour leur grand plaisir et contre espèces sonnantes et trébuchantes qui ignorent les voies du trésor et du fisc. Notre banquier poursuit, la mine froissée, l’air indigné : « Tout, je vous dis bien,  toute l’économie est sous leur contrôle. »

 

Mais la plus osée des itnoseries  est la construction du centre international des affaires sur le site de l’ex gendarmerie et de l’ancienne Maison d’arrêt. Cet ouvrage va coûter à l ‘Etat tchadien,  au bas mot, plus de 500 milliards de francs CFA et l’accueil du sommet  de l’UA en 2015, le double au minimum. Des gouffres à sous,  à une période où les caisses de l’Etat sont désespérément vides. Vous avez dit itnosation ou privatisation ?

 

Gouvernement locataire

Entre 2009 et 2012, le Palais du Gouvernement, le Palais de Justice, le Camp des Martyrs et, dans la foulée, quelques autres édifices publics qui, aux quartiers Djambal Barh et Djambal Ngato, abritaient nombre de grandes institutions Tchadiennes, se sont vus vidés de leurs populations : institutions et employés du jour au lendemain. Une opération ayant entraîné de très lourdes dépenses en matière de déménagement et à cause de la longue paralysie des activités dans la plupart de ces institutions. Une opération qui surprend par sa précipitation et qui pousse  à s’interroger sur l’objectif réel de ces déguerpissements. L’embellissement annoncé  de la ville ou, à défaut, une astucieuse stratégie pour détourner l’argent du contribuable au profit des familles, du cercle du pouvoir ?

 

Alatara Fortunat et Nadjikimo Bénoudjita

 

Dans l’acte de déménagement, il y a le départ du premier lieu d’hébergement qui est le déménagement à proprement parler et l’installation au nouveau lieu d’hébergement qui est l’emménagement. Des deux opérations, la première est de loin la plus éreintante, même si elle se passe rapidement et la seconde, qui se fait dans la durée est la plus énervante. Pour partir on croit ranger, mais en fait on fourre tout, plus ou moins n’importe ou n’importe comment et l’on jette beaucoup, parfois des choses importantes. Retrouver tout ce qui est important après le déballage, le ranger comme il faut relève d’un travail de fourmi qui exige beaucoup de bonne volonté (une qualité rare dans les milieux des agents de la Fonction publique).

 

Le palais du Gouvernement, le Palais de Justice, le Camp Koufra, du nom historique du camp des Martyrs, le siège de la douane abritaient des institutions où des tonnes de dossiers mal archivés étaient entassés pèle mêle. Des dossiers, tout de même cruciaux dont l’avenir ou parfois la vie de beaucoup d’individus dépendaient. Lorsque ces édifices ont été vidées des institutions qui y logeaient, la première conséquence visible était le chômage technique sur de longues semaines, voire de longs mois des employés et cadres qui y exerçaient leurs fonctions. Chômages payés, chômages coûteux pour le contribuable. La précipitation était-elle nécessaire ? Une stratégie progressive visant à planifier sur plusieurs années ces travaux de réaménagements ou d’aménagements n’aurait-elle pas épargnée, toutes ces dépenses, en temps, mais surtout en documents cruciaux, détruits, égarés ; la deuxième conséquence de cette précipitation ?

 

Mais interrogeons les auteurs de ces actes, du bien fondé de certains déménagements dont notamment celui du Palais du Gouvernement. Quand des services de plusieurs départements ministériels se trouvent,  du jour au lendemain, éparpillés dans les différents recoins d’une ville mal tracée où l’usage du GPS n’est pas envisageable, c’est un désordre volontaire qui a été instauré. Pendant plusieurs mois, si ce n’est des années, des employés de la Fonction publique tchadienne erraient dans la ville, cherchant le siège qui, de son ministère, qui de sa direction, comme des étrangers dans leur propre cité. Le travail, en ce moment là en souffre inévitablement, et si le travail, c’est  de l’argent, c’est que beaucoup d’argent aura été perdu.  Et  si les décisions qui doivent mettre les gens au travail dépendent d’institutions perdues dans  des résidences de X ou Y cachées quelque part dans la cité, il y a un grand problème. Parce qu’ailleurs, le temps et le travail c’est l’argent…. Le Président Idriss Deby Itno, animé ce dernier temps  par la fièvre de la modernité a décidé de déguerpir  toutes les institutions publiques comme privées voisines de son palais présidentiel pour en faire un quartier général et un héliport sur un rayon important. Il suffit de faire un tour dans ses parages pour s’en convaincre. 

 

La deuxième interrogation est, pourquoi déguerpir le Palais du Gouvernement, la Douane ou le Palais de justice ? L’on aurait pu, pour réfectionner, mettre les gens dehors sur un semestre ou deux, les relocaliser dans des immeubles réfectionnés et tout cela couterait moins cher au contribuable. Mais Non ! Tout le monde dehors ! Pour faire la place à qui ? Aux bidasses. De l’ancien siège de l’Unicef, aux abords de l’Ambassade de France, le ménage a été fait pour renforcer un centre ville « bunkerisé ». La sécurité du Prince à son prix, soit, mais est-ce que le tchadien Lambda y trouve son compte  Triplement Non ! Un, il se balade à la recherche de l’institution ou il doit régler son problème comme un chien errant en période de chaleur, deux on lui perd ses documents de justice, à la Douane ou ailleurs mais surtout trois, on lui vole son argent pour le distribuer aux parents et amis, ceux chez qui sont logés les sièges des départements ministériels et leurs services éparpillés. Une vaste opération de détournement très vicieux de deniers publics qui s’étalent sur plusieurs années : de 5 à 10 ans.

 

Prenons le cas du ministère de la Fonction Publique qui cède son bâtiment pour aller louer les bâtiments d’un privé  qui coûteraient 15 millions de FCFA par mois. Le propriétaire aurait exigé une avance  entre 5 et 10 ans, qui aurait été versée en totalité. Un petit calcul donne pour les cinq (5) ans une faramineuse somme de 10.800.000.000 FCFA (dix milliards huit cent millions) et pour les 10 ans, une rondelette somme de 21.600.000.000 FCFA (vingt et un milliards six cent millions). Cette importante somme aurait pu permettre  au gouvernement de construire un bâtiment à la dimension du palais du gouvernement, et à défaut de l’utiliser pour résoudre, par exemple  l’éternel problème énergétique qui mine le pays ou encore de pouvoir donner de l’eau potable aux populations des zones périphériques ou encore de faciliter leur accès à l’électricité, toutes choses qui relèvent du bon sens d’une gouvernance responsable. Mais on préfère faire cette dépense pour faire d’un parent un multi milliardaire… 

 

Les autres  ministères sont logés à la même enseigne. Des locataires d’immeubles de particuliers parents ou amis du sérial.  On peut citer le ministère de la Communication, une partie du ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, le ministère du Commerce  ainsi que celui de l’Environnement et certains secrétariats d’Etat. Pas compliqué de multiplier par x ministère ce que ces dépenses représentent pour l’Etat. Mais au Tchad, l’Etat c’est qui ? C’est Hakouma et Hakouma c’est qui ? Huuuuummm !

   

 Nadjikimo Bénoudjita. ( Journal le Temps)

 

 

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