IBNI OUMAR MAHAMAT SALEH est mort, il n’y a plus de doute. Tu l’as assassiné, froidement sans regret comme tu l’as fait avec Me Behidi, Moïse Ketté, Abbas Koty, Laokein Bardé, Ibrahim Elias, Mahamat Guetti, Mamadou Bisso, Youssouf Togoïmi, Brahim Selgué, Bichara Digui, Mbaïlao Mianbé…La liste est interminable. Confortablement assis dans ton fauteuil, tu te frottes les mains, heureux de cette énième forfaiture et élaborant déjà, d’autres assassinats, manigançant des plans chaque fois plus diaboliques.

 

Du sang, encore du sang, toujours du sang, sans cesse du sang des Tchadiens. Toujours en manque de sang, tu te délectes tel un vampire imaginant tout ce sang qui déferle de nos corps, vide nos veines, emporte nos vies, ce flot de sang tchadien qui depuis dix huit ans de dictature et de terreur, va remplir le lit du Logone, gonfler les eaux du Chari. Et toi qui nages, te saoules de bonheur dans ce bain écarlate, ta cure de jouvence.

 

Et maintenant dis-nous comment as-tu tué IBNI ? L’as-tu déshabillé et passé sur tout son corps des décharges électriques jusqu’à ce que mort s’en suive ? Où, lui as-tu assené des coups de matraque juste là où il faut pour lui ôter la moindre chance de survie ? Lui as-tu bandé les yeux ? Oui sans doute, les bourreaux ne regardent jamais leurs victimes dans les yeux, c’est un signe de lâcheté bien connu chez eux. As-tu savouré chaque cri de douleur ? Mais il ne t’a pas offert cet ultime plaisir. Les hommes de cette trempe ne crient pas, ça aussi c’est connu. Alors, frustré, tu as frappé, cogné, battu, roué de coups. Tu as frappé de toutes tes forces, avec toute la violence de la haine qui t’étreint, tu t’es surpassé, tu as frappé encore et encore jusqu’à t’épuiser, jusqu’à son dernier souffle.

 

Et maintenant ? Qu’as-tu fait de son corps ? L’as-tu accroché à ton tableau de chasse ? Où l’as-tu exposé dans la crypte secrète de ton Palais Rose avec tes autres macabres médailles de chasse ? Et que pensent tes amis Sarkozy et Kouchner de cet autre exploit ? Entre chasseurs on aime à commenter une fructueuse chasse dit-on. En quel terme leur as-tu conté cette battue à l’homme ? Ils auraient aimé, dis-tu, cette corrida d’un autre genre, la proie était de taille. Un Lion. Oui sans doute qu’ils sont impressionnés. Ils ne tarissent pas d’éloges à ton sujet. Toi gardien du temple et des traditions, si soucieux des intérêts de la fratrie. Toi qui assures si bien la descendance de cette race de prédateurs sans foi ni loi en perpétuelle guerre contre l’humanité.

 

Et maintenant ? Qui est ta prochaine victime sur ta longue liste noire ? Ce paisible citoyen Tchadien dont le chemin, malencontreusement croise le tien ? Ce journaliste qui écrit la vérité sur ton régime ? Cette jeune fille Tchadienne qui refuse tes avances ? Le Ouaddaïen, le Ngambaye, le Lakka, l’Arabe, le Mbaï, le Tama, le Gor, le Gorane, le Moudang, le kabalaye, le Massa, le Hadjarraï… tous coupables d’être Tchadiens ? Ou cet intellectuel dont tu ne supportes l’esprit éclairé ? Cet autre leader politique qui a le malheur d’être de l’opposition ? Son frère ? Sa femme ? Ses enfants ? Ses partisans ? Ce défenseur des droits de l’Homme qui ose dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux dans un pays où les évoquer est passible de mort ? L’exilé tchadien qui crie au monde sa douleur ? Moi ? Lui ? Elle ? Nous ? Eux ? Sara ? Ronel ? Kalthouma ? Mahamat ? Laobara ? Moussa ? Djim ? Issa ? L’HOMME ?

 

Tu tues, tu corromps, tu terrorises, tu piétines, tu mens, tu voles, tu violes, tu saccages tout sur ton passage et bien souvent avec la bénédiction de cette nébuleuse communauté internationale qui, selon que vous êtes Noirs ou Blancs, pauvres ou riches, Africains ou Européens, au gré de ses intérêts, fait de la démocratie et des droits de l’homme une valeur sacrée ou au contraire la vide de son sens et de sa valeur intrinsèque.

 

Mais, en attendant que tu nous tues tous, je tiens à te dire que nous n’avons pas peur. Que tout ce rabattage de gibier ne nous fait pas peur. Que cette battue à l’homme ne nous effraie pas le moindre du monde. Nous sommes là. Debout. Prêts à t’affronter.

 

IBNI n’est plus, c’est vrai ! Un HOMME est tombé, c’est vrai ! Le Tchad une fois encore est orphelin, c’est vrai ! Le Tchad est de nouveau privé d’une voix éclairée, c’est vrai ! La démocratie au Tchad vient encore d’être décapitée, c’est vrai ! Tout ceci est vrai et nous en souffrons au plus profond de notre être. Comment pourrait t-il en être autrement ?

 

IBNI va nous manquer, certainement. Il nous manque déjà terriblement. Sa grande et élégante silhouette manquera au paysage politique tchadien. Sa présence apaisante et forte tout à la fois manquera à ses camarades du Parti pour les Libertés et à la Démocratie (PLD). Il manquera encore plus cruellement à sa famille, sa femme, ses enfants, ses proches.

 

Aujourd’hui, en ces heures sombres, nous sommes tous de la famille de IBNI et tous membres du PLD. Aujourd’hui chaque Tchadien épris de paix et de justice porte fièrement le nom IBNI. Parce que le combat de cet homme que j’ai eu l’immense honneur de connaître c’était justement cela, LA PAIX ET LA JUSTICE POUR SON PAYS.

 

Mais si IBNI n’est plus là physiquement parmi nous, son Esprit, lui, est là bien vivant. Sans doute plus fort et plus réel que jamais. Son amour pour le Tchad, son engagement politique en faveur de la liberté, son intégrité, sa probité, ses convictions démocratiques, son combat pour la justice, son respect pour tous les Tchadiens, quelque soit leur origine ethnique, régionale, leur croyance, leur choix politique, leur statut social. Toutes ces valeurs qui ont façonné sa vie et rempli son âme de grandeur lui conférant sa stature d’homme d’Etat, sont vivantes.

 

Chers compatriotes, c’est cela l’HÉRITAGE que nous lègue IBNI. Un Patrimoine national hors du commun que ne peut détruire Déby et ce, malgré son impressionnant arsenal de guerre bâti au détriment du bien-être collectif et ses implacables escadrons de la mort.

 

Nous devons tous nous attacher à ancrer profondément dans nos consciences, cette conviction qui portait IBNI : le Tchad, le peuple tchadien a droit à la liberté, à la justice, au développement, à la démocratie, à la paix. Il a payé de sa vie ce rêve d’un avenir meilleur pour nous tous. Nous devons être prêts à payer le même prix, s’il le faut.

 

Frantz Fanon écrivait « En tant qu’homme, je m’engage à affronter le risque de l’anéantissement pour que deux ou trois vérités jettent sur le monde leur essentielle clarté ». IBNI a fait sienne cette parole.

 

Sa première vérité, est que nous, peuple du Tchad, avons pleinement droit à la liberté, à la justice et à la paix. Sa deuxième vérité est que toi Idriss Deby tu écrases sous tes bottes ce droit fondamental. Voilà pourquoi il te combattait avec la seule arme qui à ses yeux comptait : la lutte démocratique. Pour nous, peuple du Tchad, cette essentielle clarté est de nous battre à notre tour de toutes nos forces, pour nous réapproprier nos pleins droits.

IBNI était un patriote dans le sens le plus noble du terme. Il aimait profondément son pays et les Tchadiens. Son parti, le PLD, d’envergure nationale, rassemble les Tchadiens de toutes les régions. C’est là aussi une leçon et un legs que nous laisse IBNI.

 

Chers compatriotes, en hommage à ce camarade, taisons ces querelles nauséabondes qui resurgissent avec violence ces jours ci sur les sites nous plongeant dans les moments les plus sombres de notre histoire.

 

L’Unité Nationale, la Cohésion Sociale, l’Egalité pour tous, c’est à cette bataille qu’il faut nous atteler pour construire La NATION tchadienne. Il en va de notre avenir à tous. Sinon, j’ose à peine imaginer les années à venir. Quel héritage laisserons-nous à nos enfants ? Je vous le demande ? Ne nous trompons donc pas de cible.

 

Repose en paix Dr IBNI Oumar Mahamat Saleh ! Que la terre de nos ancêtres te soit légère ! Nous avons saisi à pleines mains le relais que tu nous as tendu. Nous continuerons ton combat jusqu’à ce que victoire s’en suive. Nous traquerons tes assassins jusqu’aux tréfonds de la Terre ! Et nous crierons JUSTICE.

Merci de nous avoir éclairé de cette essentielle clarté.

 

Et toi Idriss Déby, que vas-tu faire maintenant de nous tous ? Nous qui refusons de nous soumettre à ta volonté ? Nous qui continuons le combat mené courageusement par IBNI ? Que vas tu faire de ces près de neuf millions de Tchadiens qui refusent l’embastillement ? Qui rêvent d’un avenir meilleur ? Qui aiment leur pays ? Nous tuer tous ?

 

LAOKOLÉ Yoram Annette
4 décembre 2014, 18:29

 

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