Monsieur le Président,

 

Il n’est pas fréquent qu’un opposant politico-armé s’adresse au président de la république pour exprimer son inquiétude et sa crainte pour l’avenir d’un compatriote Tchadien.

   

Avant tout, comme le veut la tradition, je vous présente mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année 2015.

Vous avez sans doute passé d’excellentes fêtes de fin d’année auprès des vôtres, de vos épouses, enfants, petits-enfants, parents, et amis.

 

Une  famille, parmi tant d’autres, était séparée en cette fin d’année, alors que vous pouviez leur éviter cette douloureuse situation. Il s’agit de la famille de notre compatriote et frère Ismaël Idriss ex-secrétaire d’état aux affaires étrangères et à l’intégration  détenu depuis avril 2013 à la maison d’arrêt sans jugement.

 

Le mur du silence entourant l’histoire de notre frère, Ismaël Idriss, a fini par se lézarder au fil des années, grâce en particulier au travail courageux et inlassable de certains de nos concitoyens.

 

Monsieur le Président, cette injustice faite à un compatriote commence à être connue et réprouvée dans le monde entier, y compris par des organisations de défense des droits de l’homme. La détention arbitraire d’Ismaël Idriss restera dans les mémoires tchadiennes comme une des plus grandes injustices une fois de plus dans notre pays.

 

Monsieur le Président, vous n’en n’avez peut-être pas conscience, mais la justice tchadienne a pris depuis bien longtemps des allures exécrables. Elle est décriée aussi bien de l’extérieur qu’à l’intérieur, y compris au sein de votre gouvernement. Vous êtes, comme on dit, à la croisée des chemins et je comprends ce genre de situation où, parce qu’on a décidé de ne pas perdre, quoi qu’il advienne, on s’engage finalement dans des voies sans issue. La situation de notre frère Ismaël Idriss  n’augure rien de bon.


J’ai plutôt pitié de mes frères cadres de la communauté arabe au sein de votre Parti le MPS qui n’ont jamais pu prendre leur courage à deux mains et venir vous demandez la clémence pour notre frère Ismaël Idriss pour lui permettre de rentrer chez lui auprès des siens. Ils le savent en détention impunément  dans  notre  pays prétendu être un « État de droit ». Il n’est pas compliqué que de le renvoyer devant les juges avec des éventuels dossiers étayés par des faits réels et incontestables en lui accordant tous les droits universels des justiciables, à commencer par le droit à la présomption d’innocence. Mais, je suis pertinemment sûr qu’ils n’oseront pas. La peur, la peur, la peur… plus besoin d’ajouter autre chose…perdre son job ou bien prendre un cendrier à la figure,
c’est ça leur hantise !


Je ne suis pas du genre à faire la morale aux autres, mais au-delà d’une certaine limite cela n’est plus acceptable. Cette limite, au demeurant, est atteinte lorsqu’il s’agit de la dignité ou de l’intégrité d’un frère ou d’un compatriote qui est en jeu. J’espère qu’au moins ils en ont conscience.


Ai-je besoin de rappeler que le Tchad État-souverain à adhérer au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 9 juin 1995. A ce titre, Ismaël Idriss doit donc bénéficier des droits énoncés aux articles 9 et 14 de ce texte :


Art. 9.1 :
« Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi »


Art. 9.4 :
« Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale »


Art. 14.1
 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera […] du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle »


Comme vous le savez, le Tchad a également adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Or, ce protocole donne compétence au Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies pour examiner toute plainte individuelle alléguant une violation du Pacte par le Tchad.


C’est la raison pour laquelle je me permets de vous suggérer, Monsieur Président, pour sauver les apparences ainsi que la face aux yeux du monde, et éviter de poser un cas de conscience aux Juges, d’ordonner l’arrêt des poursuites dans cette affaire par l’intermédiaire des procureurs généraux qui vous sont directement subordonnés en droit. En remettant en liberté le frère Idriss Ismaël ainsi que les autres personnes détenus arbitrairement de tous les lieux de privation de liberté au Tchad, vous utiliserez ainsi à bon escient les pouvoirs qui vous sont reconnus par la loi.


Dans l’attente que le bon sens l’emporte en cette année qui commence, veuillez croire, Monsieur le Président, à mes sincères salutations citoyennes.

 

Abdelmanane Khatab

 

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