Lettre ouverte d’un citoyen à son Président… Idriss Déby Itno


Excellence monsieur le Président de la République du Tchad, Idriss Déby Itno, vous vous apprêtez à recevoir, ce samedi 19 juillet, votre homologue français, son Excellence François Hollande. Cela a été l’occasion pour l’opposition et les membres de la société civile de notre pays d’attirer son attention sur certaines pratiques entretenues dans notre pays, et qui ne l’honore nullement. Ils l’ont notamment sensibilisé sur les violations des droits humains et libertés fondamentales, la mauvaise gouvernance et la « gestion patrimoniale » de nos ressources, toutes pratiques en cours dans notre chère patrie dont vous avez la direction.

 

Eh bien !oui, Excellence monsieur le Président, il faut reconnaître, avec regret, que ces pratiques existent et font souffrir les Tchadiens qui vous ont élu à la tête de leur pays. Le citoyen tchadien que je suis n’ira pas se plaindre auprès d’un Président étranger, français en l’occurrence, pour vous forcer à respecter ce que la constitution, charte fondamentale de notre nation, vous enjoint déjà de respecter. Je vous appelle, en mon humble mais importante qualité de citoyen, à respecter et à faire respecter les principes et règles consacrés par la constitution de notre République, charte constitutive de cette belle nation dont vous avez la charge.

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Excellence monsieur le Président, il est temps que dans notre pays, soient garanti et respecté l’exercice plein  des droits humains et libertés fondamentales que toutes les nations civilisées se doivent de respecter ;

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Il est temps que le principe de la bonne gouvernance, l’égalité des citoyens devant la loi et devant les services publics soient une réalité vivante et vécues dans notre pays dont la renaissance, j’ose croire, vous préoccupe vivement ;

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Il est temps que l’impunité et l’arbitraire soient totalement anéantis par vos efforts, afin que les Tchadiens ne soient plus opprimés par leurs propres autorités ;

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Il est temps que l’administration publique de notre pays soit libérée, par vos soins, de la corruption, du népotisme, de la gabegie, du clientélisme, afin qu’elle soit apte à répondre aux multiples besoins de vos concitoyens, qui attendent beaucoup de vous.


Par ailleurs, vous parlerez sécurité avec le Président français, nous a renseignés la presse. Eh bien, dites-vous bien que notre pays est un pays souverain au même titre que la France ; et que, par conséquent, la présence militaire française qui peut être justifiées par les circonstances du moment (menace de terroristes) doit néanmoins être encadrée pour qu’elle ne constitue pas une atteinte sérieuse à la souveraineté de notre Etat.


Excellence monsieur le Président Idriss Déby Itno, je crois que votre rencontre avec le Président Hollande sera l’occasion pour vous de parler économie, au moins à titre accessoire.  Il va certainement défendre les intérêts de son pays tourmenté par la crise. C’est légitime de sa part. Vous aussi, tâchez de nous défendre et défendre nos intérêts. Soyez vigilent et dites-lui non, chaque fois que l’intérêt de son pays constitue une atteinte à nos intérêts. Cela est un devoir que vous impose la constitution qui vous donne l’honneur mais aussi la responsabilité de nous représenter dignement et de nous défendre.

 

Il évoquera la question de droits de l’homme et de l’Etat de droit. Rappelez-lui que je lui ai déjà dit que si vous devez veiller au respect des droits humains et favoriser la construction de l’Etat de droit, c’est parce que la constitution vous y astreint et non parce qu’il vous l’exige. Car il n’a pas ni pouvoir ni mandat à cet effet.

 

Enfin les Africains seront fiers de vous si vous attirez son attention sur la politique Françafrique et particulièrement sur l’exploitation monétaire de l’Afrique perpétrée par son pays à travers le franc CFA.

Je ne saurais finir, Excellence, sans vous féliciter pour les efforts que vous déployez dans la lutte contre le terrorisme. Efforts qui nous donnent, à nous Tchadiens, une raison d’être fiers de notre pays, et de nous enorgueillir un tant soit peu. Nous attendons de vous les mêmes efforts dans la lutte contre les pratiques qui n’honorent pas notre pays, et donc pas vous non plus.

 

Qu’Allah vous protège, vous guide et vous montre le chemin du bonheur de votre peuple.

Lettre ouverte d’un citoyen à l’opposition tchadienne

 

C’est avec consternation  que nous avons assisté aux réactions par voie écrite de certains de vos représentants et de défenseurs des droits de l’homme au sujet de la visite du Président français au Tchad. Certains se sont demandés ce qu’il vient faire dans ce pays où règne un « dictateur ». D’autres parmi vous ont saisi l’occasion pour lui demander de hausser le ton et d’être plus « exigeant » envers le Président de notre pays, son Excellence Idriss Déby, pour que celui-ci cesse de conduire le pays dans la violation des droits humains et la méconnaissance du principe de la bonne gouvernance. Vous avez totalement raison de penser qu’il faut que cessent les violations des droits de l’homme et du principe de la bonne gouvernance.  Mais demander l’intervention de la France est choquant et improductif. Choquant parce qu’au moment où les Africains sont déçus par les relations de subordination de nos Chefs d’Etats à l’Elysée, au moment où les Africains appellent à la fin de la Françafrique, vous demandez au Président français d’user des pouvoirs qu’il ne détient d’aucune légitimité ni légalité pour faire pression sur le Chef d’un Etat africain souverain. Mes chers, demander au Président de l’ancienne Métropole d’être « exigeant » envers le Président Déby, aussi dictateur soit-il, revient à lui demander de violer la souveraineté de notre Etat et de méconnaître le principe sacro-saint de la non-ingérence dont vous demandez en d’autres circonstances le respect, notamment quand vous demandez légitimement à la France de cesser de soutenir le « Président-dictateur ».

 

Votre attitude est tout aussi improductive, j’ose croire que vous êtes assez intelligents pour le savoir. En cette période où le Président Déby est l’une des solutions africaines les plus efficaces (en tout cas les faits le prouvent) et le partenaire privilégié de la France dans la guerre contre le terrorisme en Afrique, en cette période où Boko-Haram est aux portes de notre pays, attendant la moindre occasion pour s’en prendre au Tchad et aux intérêts occidentaux qui s’y trouvent, il est évident que la France ne commettra pas l’erreur géostratégique de froisser son allié, moins encore de remplacer la certitude du connu par l’incertitude du nouvel inconnu.

 

 Chers opposants, n’entendez pas le secours de la France. A moins que vous acceptiez de pactiser avec le diable et vous engagiez à servir son intérêt, comme le fond servilement nos dirigeants actuels, n’attendez pas que la France fasse le travail à votre place.

 

Par ailleurs, il est temps que vous cessiez de pleurnicher auprès d’une communauté internationale qui n’existe en réalité nulle part pour vous écouter. Il est temps que vous concentriez vos efforts à convaincre les Tchadiens, à vous préoccuper suffisamment de leur quotidien (très difficile, wallah !) et à constituer une alternative à ce que vous considérez comme la pire des dictatures. Il est temps que vous mouilliez le maillot, que vous arrêtiez de séjourner dans les capitales néocoloniales pour braver le soleil de N’Djamena et de l’intérieur du pays. Cessez d’être des opposants de bureau pour descendre sur le terrain de la lutte, si jamais vous voulez vaincre celui qui représenterait «  le diable ».

 

Enfin, je vous demande d’être cohérents. Vous appelez à l’alternance au sommet de l’Etat. S’il vous plaît, commencez d’abord par vous-mêmes ; et acceptez qu’il y ait alternance au sein de vos partis. Remplacez les vieux qui ont déjà tenté leur chance par des sangs neufs, jeunes et braves. C’est ainsi que vous nous prouverez, à nous autres citoyens, que vous méritez notre confiance.

  

Brahim Béchir Mourtalah

mourtalafils@gmail.com

 

 

 

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