Depuis le début du mois de juillet, des hommes de Wagner musclent la présence russe dans le Sud-Ouest libyen, à quelques kilomètres des champs de pétrole tenus par les milices affiliées au général Khalifa Haftar.

Ces derniers jours, les habitants de la ville d’Oubari, dans le district de Wadi al-Hayaat (Sud-Ouest), ont vu défiler des dizaines de pick-up. A leur bord : une trentaine d’hommes de type européen qui, selon nos informations, sont des salariés de la société paramilitaire russe Wagner. Depuis le début du mois de juillet, ces derniers ont pris leur quartier sur les hauteurs d’Oubari, à quelques encablures du mont Tendi ou ils ont installé un PC tactique. Le site offre une vue imprenable sur toute la région et était déjà le camp de la katiba Tarwekh sous Mouammar Kadhafi.

Champs pétroliers

Un détachement d’une dizaine d’hommes de Wagner est par ailleurs installé à 3 kilomètres du vaste champ pétrolier de Sharara, sur lequel la National Oil Corp (NOC) a repris la production au mois de juin. Très proche du Kremlin et n’opérant que dans le sillage de la diplomatie russe, la société a également positionné des hommes non loin du champ d’Al Fil. Les deux périmètres de Sharara et Al Fil sont tenus depuis le mois de février 2019 par des milices ayant fait allégeance à l’Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar, activement soutenu par Moscou.

Dans une zone particulièrement instable où les alliances avec les milices locales sont très fluctuantes, ces deux sites de productions constituent le principal ancrage stratégique des troupes d’Haftar dans le sud du pays. Le champ de Sharara est jusqu’à présent sous la coupe du commandant affilié à l’ANL Saad Buewena. Issu de la puissante tribu des Ould Souleyman, il est appuyé dans la zone par l’imposante katiba 116 ainsi que les katibas 128 et liwa 12.

Opération de maintenance et conseils militaires

Le 3 août, une dizaine d’hommes de Wagner se sont par ailleurs rendus dans la ville de Sebha, dans le Fezzan, où ils ont visité un centre de contrôle d’une des katibas commandées par Saad Buewena, auxquelles le groupe russe doit apporter son expertise technique. Ils sont aussi chargés de mener des opérations de maintenance à destination de la katiba 205, qui soutient elle aussi activement Khalifa Haftar. Celle-ci est équipée de blindés de fabrication soviétique dont une partie est depuis plusieurs mois inopérante. Les salariés de Wagner ont notamment été chargés de remettre les équipements en état de marche.

Verrouiller le Sud

Les hommes de Wagner étaient jusqu’à maintenant principalement déployés sur la base aérienne d’Al Jufra (Centre) opérée par l’ANL. Début juin, l’Africom (commandement militaire américain pour l’Afrique) avait vivement dénoncé la présence russe sur la base et le déploiement de quatorze avions de chasse MiG-29 ainsi que de bombardiers Sukhoi-24. La base d’Al Jufra offre en effet à l’ANL un verrou stratégique pour protéger ses positions dans le Sud, et ce alors que les forces du Gouvernement d’union nationale (GUN) fidèles à Fayez el-Sarraj sont positionnées à Brak al-Shati, à 250 kilomètres d’Oubari. Ces derniers jours, le GUN a par ailleurs déployé depuis Tripoli vers le Sud libyen près de 300 combattants alimentant une certaine paranoïa dans les rangs de l’ANL sur une possible offensive des troupes affiliées à Sarraj.

L’invisible « M. Afrique » de Wagner en pleine lumière

Le renforcement de la présence de Wagner dans le Sud libyen intervient alors que le nom du très discret « M. Afrique » du groupe paramilitaire russe en charge de la Libye a été dévoilé le 14 août par le site d’investigation britannique Bellingcat. Il s’agirait selon ce dernier de Konstantin Aleksandrovich Pikalov dit « Mazay ». Cet ancien colonel de l’armée russe est le PDG de la société de sécurité militaire basée à Saint-Pétersbourg Convoy. Selon les documents compilés par le site d’investigation, « Mazay » serait depuis 2018 au cœur de l’ensemble des opérations du groupe paramilitaire russe sur le continent africain.

Tchadanthropus-tribune avec la lettre du Continent

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