Tchad : la presse tchadienne se mobilise pour le journal d’opposition «N’Djamena Bi-Hebdo»
Les journalistes de toutes les rédactions de la presse écrite mais aussi ceux des radios privées se sont réunis, ce lundi 24 septembre, en conférence de rédaction, pour marquer leur solidarité au plus célèbre journal d’opposition tchadienN’Djamena Bi-Hebdo et à son directeur, Jean-Claude Nekim, condamné à un an de prison avec sursis pour diffamation le 18 septembre. Le journal a, quant à lui, été suspendu pour trois mois.
L’ensemble de la presse tchadienne a voulu adresser un message clair au pouvoir tchadien. « Les journalistes tchadiens tiennent à leur liberté et ne se laisseront intimider par quiconque » a assuré, à RFI, un des participants.
Pour marquer leur solidarité à N’Djamena Bi-Hebdo, ces journalistes ont l’intention d’éditer un numéro spécial unique, en français et en arabe, à paraître bientôt. L’éditorial de ce numéro spécial sera celui du N’Djamena Bi-Hebdo, de ce lundi, vu qu’il n’a pas pu paraître.


Une menace pour l’ensemble de la presse

Cette mobilisation de la profession permettra-t-elle de lever l’épée de Damoclès qui plane sur Jean-Claude Nekim et qui, au-delà, menace l’ensemble de la presse tchadienne ? Pas si sûr car tous les journaux – notamment ceux qui sont proches du pouvoir – n’ont pas suivi le mouvement. C’est le cas, par exemple, du quotidien Progrès dont le propriétaire n’est autre que Mahamat Hissein, ancien secrétaire général du parti au pouvoir, le Mouvement patriotique du salut (MPS), et actuel secrétaire général du gouvernement.
L’affaire a commencé le mardi 18 septembre. Jean-Claude Nekim a été condamné à un an de prison avec sursis et à une amende d’un million de francs CFA (1 500 euros) pour « diffamation » pour avoir, dans une brève, rapporté une pétition dénonçant notamment la mauvaise gestion des fonds publics et la corruption de certaines aurtorités locales. Le journal a été suspendu pour trois mois. Les trois leaders de l’Union des syndicats du Tchad (UST) qui ont lancé la pétition ont, quant à eux, été condamnés à des peines de prison avec sursis et des amendes pour incitation à la haine raciale.
Ce verdict a provoqué un tollé dans la profession et indigné plusieurs organisations de défense des droits de l’homme dont Reporters sans frontières qui a dénoncé la décision, se déclarant «consternée ».
Dans une conférence de presse, le ministre tchadien de la Communication et de l’Information, porte-parole du gouvernement, Hassan Sylla Bakari, avait alors affirmé que N’Djamena Bi-Hebdo n’avait pas été condamné pour la brève mais pour une autre raison. « N’Djamena Bi-Hebdo a été condamné pour avoir publié, dans son numéro du 6 septembre 2012, un éditorial dans lequel il appelle à la haine, à la révolte et à la vindicte populaire, choses réprimées par les textes de la République », avait-il précisé.
Cependant, Jean-Claude Nekim – qui a préféré ne pas répondre à cette diversion – a assuré avoir été interrogé par la police et par le procureur de la République, uniquement sur la brève en question.

« Un prisonnier en sursis »
Le jeudi suivant, le journal a publié une caricature des magistrats prononçant le verdict de mardi contre N’Djamena Bi-Hebdo sous le titre Une piètre tragi-comédie judiciaire. Aussitôt, le samedi suivant, Jean-Claude Nekim a été convoqué et entendu par la police judiciaire pour outrage à magistrat. « Je suis un prisonnier en sursis », avait commenté, le jour même le directeur du plus célèbre journal d’opposition tchadien.
Joint par RFI, Ambroise Pierre, directeur « Afrique » de Reporters sans frontières, affirme que si Jean-Claude Nekim devait être à nouveau condamné, cela reviendrait à « effacer » le sursis et le conduire en prison.
Ambroise Pierre
Directeur « Afrique » de Reporters sans frontières.
C’est comme si le scénario était écrit d’avance : vous êtes d’abord condamné avec sursis. Il y a ensuite récidive et tout est fait pour vous envoyer en prison.
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Par Christine Muratet

 

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