
1 février 2025 #TCHAD #MPS : Au Tchad, Aziz Mahamat Saleh, l’enfant du parti qui a conquis le MPS.
Le ministre des Infrastructures et du Désenclavement, fidèle de Mahamat Idriss Déby Itno, a été nommé secrétaire général du Mouvement patriotique du salut, le parti historique au pouvoir. Une récompense pour celui qui s’est investi aux côtés du président ces dernières années.
« Rien de grave, pas de panique, la situation est sous contrôle. » Le 8 janvier, à N’Djamena, la nuit est déjà tombée lorsqu’un commando d’une vingtaine de membres tente de pénétrer dans la présidence du Tchad. S’il n’est plus ministre de la Communication ou porte-parole du gouvernement depuis janvier 2024, Aziz Mahamat Saleh est le premier de l’équipe gouvernementale à rassurer la population sur son compte Facebook.
De ses deux années passées à discuter avec la presse et à se rendre disponible pour expliquer la politique de l’exécutif, le quinquagénaire a conservé son réseau et la réputation d’être à la fois affable, ouvert, et toujours joignable. Ou presque : lorsque nous l’avons contacté pour commenter sa nomination comme secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir), obtenue le 29 janvier, il s’est excusé – « Je suis très pris. » Il avait cependant pris soin d’envoyer son CV quelques minutes plus tôt.
« Rien ne sert de courir, il faut savoir partir à temps et à son rythme », est-il écrit sur son profil, sur les réseaux sociaux. Ce technocrate aux innombrables diplômes – obtenus en France notamment, entre l’EHESS, un DEA à Paris-V et l’École nationale d’administration – a peu à peu gravi les échelons du parti, et de l’exécutif, jusqu’à la consécration. Le secrétariat général, il l’a dans la peau : entre 1998 et 2001, c’était son père, Mahamat Saleh Ahmat Tibeg, cacique du régime d’Idriss Déby Itno, qui occupait la fonction.
« Un fidèle zélé » de Mahamat Idriss Déby Itno
« Aziz » est un enfant du MPS et sa fine connaissance des arcanes de la formation politique et sa fidélité de toujours ont joué pour beaucoup dans sa nomination. Si les noms d’Issa Doubragne, porte-parole du MPS et ministre de l’Économie et de la Planification du développement, et de Kalzeubé Pahimi Deubet, ancien Premier ministre et premier secrétaire général adjoint du parti jusqu’à présent, ont aussi circulé, la nomination d’Aziz Mahamat Saleh n’a surpris personne. Le nouveau secrétaire général s’est imposé, depuis l’arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, comme un incontournable.
Dernier directeur de cabinet d’Idriss Déby Itno, il a aussi été reconduit à la mort de ce dernier, en avril 2021, par le Conseil militaire de transition. Musulman originaire du Batha, il représente le parfait compromis recherché par Mahamat Idriss Déby Itno à la tête du parti : un secrétaire général jeune (50 ans) pour incarner le renouveau, tenir tête aux ténors de la génération précédente, doublé d’un homme avec qui il a grandi en politique et d’un technocrate soucieux de préserver la nature du « MPS des papas ».
Car le nouveau président a décidé d’élargir le paysage politique tchadien, tout en tentant de préserver le statut de parti-État du MPS. « Le parti doit aussi comprendre que la donne a changé, face à l’émergence de formations comme les Transformateurs, et aux revendications des jeunes », analyse le directeur de cabinet d’Aziz Mahamat Saleh, Mahamat Saleh Hissein Ben Malallah. Pilier de l’équipe de campagne pour l’élection présidentielle de mai 2024, ce dernier a fait ses preuves, en étant notamment l’un des artisans du programme 12 chantiers, 100 actions.
Depuis plus d’un an, Mahamat Idriss Déby Itno place à la tête des institutions du pays des fidèles – comme le président du Conseil constitutionnel, Jean-Bernard Padaré, ou Aziz Mahamat Saleh au MPS, tandis que les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale restent à choisir. « C’est un fidèle zélé, qui ne va pas s’affranchir des ordres mais les suivre à la lettre », explique une source proche de l’opposition. « Il a une relation de travail, mais aussi une relation amicale avec le président, dont il a l’oreille, affirme un haut cadre d’un parti satellite du MPS. Son profil est fédérateur, il fait consensus. »
Premiers obstacles
Si Mahamat Idriss Déby Itno a besoin de ce consensus, c’est aussi parce que le prédécesseur d’Aziz Mahamat Saleh était, à l’inverse, clivant. Le puissant Mahamat Zen Bada avait déjà essuyé un revers à la veille des législatives, sa candidature pour le MPS dans la région du Guéra ayant été rejetée par l’Agence nationale de gestion des élections (Ange) car il était accusé d’avoir produit un faux dossier judiciaire. S’il a été amnistié en janvier 2025, son temps à la tête du MPS, où il avait réussi à revenir en janvier 2024 après avoir été écarté une première fois en 2021, était dès lors compté.
Mahamat Zen Bada avait qui plus est provoqué le mécontentement de Mahamat Idriss Déby Itno, qui n’avait pas apprécié ses déclarations annonçant unilatéralement la mort de la coalition présidentielle. « [L’accusation de faux dossier judiciaire] était un rappel à l’ordre et il a d’ailleurs été amnistié juste après le scrutin », croit savoir un homme politique tchadien.
Aziz Mahamat Saleh aura un premier dossier de taille à régler au sommet du MPS. Le congrès extraordinaire de la formation créée en 1990 par Idriss Déby Itno a en effet désigné Mahamat Idriss Déby Itno président national – il était jusqu’ici président d’honneur – à l’unanimité. Pourtant, la Constitution adoptée en 2023 l’interdit. L’article 77 stipule que « les fonctions du président de la République sont incompatibles avec toute autre activité au sein d’un parti. » Les critiques pleuvent déjà.
Le nouveau président du MPS, donc par ailleurs chef de l’État, a pourtant déjà validé la nouvelle équipe exécutive proposée par Aziz Mahamat Saleh. Issa Doubragne en est devenu le premier adjoint, chargé de l’administration du parti. Une nouvelle modification constitutionnelle est envisagée afin de régler le problème lié à l’article 77. « Avant cela, il faut mettre en place la nouvelle Assemblée nationale », explique toutefois Mahamat Saleh Hissein Ben Malallah. Le MPS a remporté, lors des élections législatives du 11 janvier, une large majorité avec 124 sièges sur 188. L’opposition avait appelé au boycott de l’élection, laissant le champ libre au parti que dirige désormais Aziz Mahamat Saleh.
Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique
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