Personne ne se fait d’illusion, tout pouvoir confère privilèges et avantages divers. Pour soi-même et pour ses proches et alliés. II n’y a pas lieu de s’offusquer outre mesure de constater que ceux qui ont participé militairement ou démocratiquement à toute prise de pouvoir puissent bénéficier d’un retour sur l’investissement, les partis étant des entreprises comme d’autres. Mais là aussi tout est question de mesure car passé une certaine limite dans I ‘accaparement des ressources collectives par une seule frange, toute collectivité humaine se met en danger de désagrégation. 

 

En cela, tout aménagement du genre discrimination positive et autres ne peuvent être que des mesures conjoncturelles et forcement limitées dans le temps car passé un certain seuil cela provoque nécessairement une rupture d’un des substrats de la République: l’égalité citoyenne. Qu’est-ce qu’un homme d’Etat si ce n’est cette autorité de veille sur les grands équilibres sociaux?

 

Que constate-t-on actuellement au Tchad? Depuis pratiquement trente ans et au nom d’une supposée injustice pratiquée contre des ressortissants du Nord par les régimes dirigés par des sudistes entre 1960 et 1979, les nouveaux pouvoirs nordistes ne mettent plus des gants. Même si la réalité de ces pouvoirs successifs est d’abord tribale, par cercles concentriques, on saupoudre les autres corégionnaires de quelques avantages afin de les mobiliser tous contre l’ennemi sudiste désigné. Même les jeunes sudistes qui n’ont connu ni le régime de Malloum et moins encore celui de Tombalbaye en doivent payer ad vitam aeternam pour ces pêchés inexpugnables.

 

Aujourd’hui, dans I ‘administration, dans I ‘armée, dans la diplomatie, les gens du Sud sont partout les moutons noirs de la bande. Même au prix d’humiliantes allégeances, aucun de ceux-ci ne peut durablement conserver une place au soleil dans la nouvelle République. Ceux qui sont arrivés par leurs compétences et même à l’issue d’une compétition intellectuelle, doivent céder leur butin aux nouveaux princes du Royaume. A titre d’exemple, iI y a quelques années, un certain Ngueto Tiraina balafré bon teint admis au Fonds d’entretien routier (Fer) après une compétition ouverte, a été contraint de céder sa place sans raison a un frère du septentrion.  

 

II en fut également ainsi du Dr Batingar au Programme national de sécurité alimentaire (PNSA). De tels exemples sont légion et la pratique s’est progressivement banalisée au point qu’en cas d’avis de recrutement, beaucoup de sudistes s ‘abstiennent tout simplement de competir au motifque, les jeux sont faits d’avance.

 

Dans les institutions régionales et sous régionales, la situation est pire, à I ‘exemple de la Banque des Etats de I ‘Afrique centrale (BEAC). Des cadres régulièrement entrés dans cette institution attendent leur retraite à des postes subalternes, alors que des individus au parcours sinueux et à la compétence douteuse sont parachutés et pavoisent au nom du Tchad aux fonctions prestigieuses. Heureusement que certains, prenant la juste mesure de leur ignorance, ont jeté I ‘éponge pour rentrer au pays où le rendement n’est demandé à personne.

 

Ici, l’on ne trouve pas de mots assez justes pour décrire I ‘exclusion dont sont victimes les ressortissants de la zone méridionale.

 

A la Direction nationale de la BEAC à N’Djamena, Ngardoum Christian a attendu des mois avant d’être autorisé à prendre fonction et n’est reste quelques temps, au prix de contorsions que la décence nous empêche de décrire ici. Malgré tout, iI n’a pu sauver son strapontin qui n’est pas fait pour les gens de sa caste.

 

A la place de Ngardoum, Djimadoum Mandekor a été pressenti et même momentanément retenu. Mais au final, c’est naturellement Allamine Bourma Tréyé qui lui a été préféré.

 

Qu’importe son profil, ce dernier est forcement le meilleur. Avec deux années à I’ENAM locale et seulement un Bac+2 sans équivalence universitaire et un stage à I’IIAP, n’avait-il pas déjà été hissé comme banquier au prestigieux poste de Directeur des investissements de la BEAC?

  

Ce que venait de subir Nagoum Yamassoum à Addis-Abeba participe de cette logique. Et que dire, enfin, du cas tout autant flagrant que révoltant du petro chimiste Yola Zongre Aguénadé? En charge du pétrole depuis 1984, cet ingénieur de haut vol a mis toute son énergie a L’aboutissement heureux du Projet pétrole. Mais dès que ce projet a abouti, il a été jeté comme un citron pressé. II n’a donc eu d’autre choix que de faire valoir ses compétences ailleurs. Depuis, iI a été recruté par Esso qui en a fait un de ses hauts cadres. Deby Itno qui ne souffre guère de voir un Laoukoura prendre de l’envol et ne rêve que de les voir tous dans la raque et la boue, n’a pas supporté que Yola gagne ainsi bien sa vie ailleurs. D’autorité il Ie nomme conseiller du ministre du Pétrole et intime l’ordre à Esso de mettre terme à son contrat. Il doit certainement avoir sous la main un cousin sorti d’un obscur institut à caser.

  

Deby Itno est bon et même très bon. Et ne dites surtout pas qu’il est I ‘homme d’un clan ou d’une région.

 

 

La Rédaction.

NDJH N° 1476 DU JEUDI 02 AOUT AU LUNDI 03 SEPTEMBRE 2012

 

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