Engagé depuis le début du mois d’octobre, le retrait des militaires français du Niger se déroule pour le moment sans encombre. Fruit de délicates tractations avec la junte, la manœuvre mobilise une poignée de prestataires privés.

Officiellement, tout se passe sans difficultés. C’est du moins le message passé le 20 octobre par le général Éric Ozanne, patron des Forces françaises au Sahel, lors d’une conférence de presse commune à Niamey avec le chef d’état-major nigérien de l’armée de terre, Mamane Sani Kiaou. Dépêché depuis N’Djamena à Niamey, le gradé a notamment annoncé que l’ensemble des 1 500 militaires français auront quitté le pays d’ici à la fin de l’année.

Tractations

Les manœuvres en cours ont été l’objet de tractations serrées entamées dès la fin du mois de septembre avec la junte nigérienne. Si le chef d’état-major nigérien des armées Moussa Salaou Barmou a initialement supervisé les négociations, ces dernières sont désormais pilotées quasi exclusivement par Mamane Sani Kiaou. Sur le volet opérationnel, il est appuyé par un duo de colonels composé d’ Ismael Sidi Oumar Ka, commandant de la base aérienne 101, et de son adjoint Sani Alka Maman. Autre figure de l’armée nigérienne qui prend une part active aux discussions en cours : le colonel Abdou Halidou Nouhou Abdou, chargé des « opérations extérieures« .

Pour arrêter le scénario du ballet en cours, les trois gradés ont mené au cours du mois d’octobre une série de réunions avec la partie française représentée par les colonels Emmanuel Durville et Laurent Sajot. C’est lors d’une rencontre qui s’est tenue dans la matinée du 8 octobre sur la base aérienne 101 qu’a été arrêté le calendrier presque définitif de retrait. En amont, une autre rencontre s’était tenue trois jours plus tôt, le 5 octobre dans la ville de Zinder dans le sud du Niger.

Bâtons dans les roues

Dès le début des négociations, Paris a néanmoins dû faire face à un obstacle de taille : le refus de la junte que militaires et équipements français transitent par le Bénin voisin. Le plan initial de l’armée française était de rejoindre le port de Cotonou, duquel les équipements les plus imposants auraient été envoyés vers l’Hexagone. Une doléance fermement refusée par les autorités putschistes nigériennes.

Cette dernière oblige ainsi les militaires français à rejoindre par la route N’Djamena à plus de 1 700 kilomètres de Niamey. Depuis la capitale tchadienne, ils doivent dans la foulée rejoindre le port de Douala, au Cameroun, d’où ils partiront pour la France. Un détour particulièrement éprouvant, et surtout, coûteux. Son estimation pourrait largement dépasser les 50 millions d’euros.

Sous-traitance logistique

Dans le cadre du retrait en cours, le ministère des armées a commencé à faire appel à des prestataires privés de la logistique. Sur l’axe Niamey-N’Djamena, c’est la société Africa Global Logistics (AGL, ex- Bolloré Africa Logistics), et ses filiales locales, qui effectueront des prestations d’affrètement terrestre au profit des militaires français. Les services du groupe pourraient également être sollicités entre N’Djamena et Douala, dans le cadre d’un contrat reconduit en avril 2022 (AI du 28/04/22). Par le passé, au Niger, l’armée française avait déjà eu recours à des prestataires locaux, à l’instar de la société Mahamat Moustapha Transport.

Si une ouverture venait à se faire par le Bénin, les poids lourds de la logistique, à l’image de CMA-CGM, de Daher ou encore de Fracht Niger, pourraient fournir un potentiel soutien de transport terrestre sur l’axe Niamey-Cotonou.

Manœuvre sous tensions

Reste que les retraits par voie terrestre sont particulièrement sensibles pour l’armée française. En novembre 2021, un convoi militaire tricolore transitant par le Niger pour rejoindre Gao au Mali voisin avait été bloqué à Téra, dans la région de Tillabéri. Des heurts avaient éclaté, causant la mort de deux personnes et faisant plus d’une dizaine de blessés parmi les manifestants. L’administration de Mohamed Bazoum avait dû mener une série de discrètes médiations avec les dix-sept familles des victimes. Un compromis estimé au total à 500 000 euros avait été trouvé et avait été réglé de moitié par le ministère français des armées et pour l’autre par l’État nigérien.

Outre le retrait par voie terrestre des plus imposants équipements, des rotations aériennes sont également mises en place depuis la base d’Istres pour rapatrier certains matériels. C’est notamment le cas des capacités aériennes (hélicoptères Gazelle, drones, etc.) dont une partie a déjà quitté Niamey à bord d’un Airbus A400M.

Concernant les hommes sur place, plus de 400 sont déjà partis de la capitale nigérienne, à l’instar des forces spéciales parmi les premières à avoir évacué le Niger.

Tchadanthropus-tribune avec Africa intelligence

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