Après la disparition brutale du président tchadien, la France doit élargir ses alliances africaines pour lutter efficacement contre les mouvements terroristes. Et notamment resserrer ses liens avec le Nigeria.

Le Nigeria est le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne, avec plus de 2 milliards d’euros de volume d’échanges en 2020 et plus de 120 entreprises françaises actives dont Air France, CFAO et Total. En visite à Abuja les 13 et 14 avril derniers, Franck Riester, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité a annoncé l’ouverture de la conférence Choose Africa au Nigeria, une initiative pesant 3,5 milliards d’euros lancée par le président Emmanuel Macron destinée à soutenir le développement des start-ups et des PME en Afrique.

La France a toujours entretenu des relations fluides et engagées avec le Nigeria sur le plan économique. Le président Muhammadu Buhari fait ainsi partie de la petite dizaine de chefs d’État africains invités à participer au sommet sur le financement des économies africaines prévu à Paris le 18 mai, à l’initiative du président français.

Nouveau commandement

Mais au delà de ces intérêts économiques, le Nigeria peut aussi être pour la France un partenaire stratégique dans le domaine de la sécurité. Comme ses voisins du Sahel, le Nigeria est confronté à la montée de l’insécurité, et en particulier de la menace islamiste et du banditisme. Mais sa puissance démographique – 200 millions d’habitants – et son influence dans la région lui confèrent un poids politique et sécuritaire immense. Les relations entre Paris et Abuja doivent donc s’intensifier.

L’Europe a souvent négligé la place centrale du Nigeria dans la lutte contre Boko Haram

Des efforts concertés entre les deux pays ont été déployés pour coordonner la réponse aux menaces sécuritaires au sein de la Force multinationale mixte (FMM) autour du lac Tchad. La France, consciente de l’importance de la stabilité de cette région, y participe, en particulier dans le domaine du renseignement. Elle contribue ainsi à l’élaboration de réponses régionales aux différents défis menaçant le Sahel.

Mais cette participation est marginale. Les puissances européennes ont jusqu’ici souvent négligé la place centrale du Nigeria dans la lutte contre Boko Haram, qu’Abuja mène avec nos alliés traditionnels du Niger, du Tchad et du Cameroun depuis plusieurs années. Avec Muhammadu Buhari, le pays a pourtant réduit le territoire de la secte islamiste dans le nord-est.

En début d’année, le chef d’État nigérian a concrétisé son ambition de redéfinir l’approche stratégique de son pays dans cette zone, n’hésitant pas pour cela à limoger ses chefs d’état majors. Leurs successeurs ont commencé à travailler étroitement à la mise en place du premier commandement conjoint des opérations spéciales du Nigeria, une structure militaire cohérente. Lorsque le président Buhari quittera son poste en 2023, il devrait ainsi laisser derrière lui un État plus sûr et mieux équipé pour faire face à l’insurrection islamiste.

Retrait graduel ?

Serait-il maintenant temps pour la France de réajuster sa stratégie dans la région ? Le président Macron sait qu’un nombre croissant de spécialistes et – dans une moindre mesure – l’opinion publique doutent de la pertinence de la présence de troupes françaises sur le sol sahélien. Cette approche militaire lourde doit éviter les écueils rencontrés par nos alliés américains au Moyen-Orient.

Un partenariat renouvelé avec Abuja permettrait à paris de redéfinir son niveau d’engagement sur le terrain

Il faut dès lors que Paris trouve des alliés fiables, au-delà du G5 Sahel. Un partenariat renouvelé avec Abuja serait pertinent pour plusieurs raisons. La France serait ainsi en meilleure posture pour collaborer avec l’armée nigériane, acteur-clé dans la lutte contre Boko Haram et pour la sécurité de l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble.

Cela donnerait aussi l’occasion au président Macron de concrétiser son désir, exprimé régulièrement, de solidifier les liens avec les grandes puissances africaines qui se trouvent en dehors de la sphère d’influence habituelle de Paris, tout en offrant à la France l’opportunité de redéfinir son niveau d’engagement sur le terrain et peut-être préparer un retrait graduel.

La réponse aux défis posés par les militants islamistes nécessite une approche collective. L’échec à les contenir intensifierait indéniablement le chaos dans toute la région. La mort brutale du président Déby, alors que le Tchad est la pierre angulaire de la sécurité de la région, montre à l’évidence qu’un élargissement des alliances dans la lutte contre les mouvements terroristes est une nécessité. Il est temps de rallier les bonnes volontés et les moyens pour stabiliser la situation afin que la crise soit gérée directement par les acteurs locaux.

Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique

 

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