Qu’ils soient de l’opposition ou de la société civile, ceux qui appellent à un accord consensuel ont semble-t-il acté la prise de pouvoir par le fils Déby. Ils entérinent le fait accompli, et se soumettent aux nouveaux maîtres du Tchad. En agissant ainsi, ces personnes se désavouent elles-mêmes. Pourquoi ? Parce que, du vivant de Déby, elles se sont toutes reconnues dans la constitution qui organisait la vie de notre pays. Et c’est dans ce cadre légal mis en place par le président défunt que partis politiques, associations, journaux exerçaient leur travail. C’est d’ailleurs au nom de la liberté consacrée par la constitution que beaucoup de gens réclamaient leurs droits bafoués. Les marches organisées par l’opposition prenaient appui sur les textes institutionnels.

Ces textes institutionnels, qui ont longtemps régi nos vies, nous les avons acceptés sans renâcler. C’est dans ce cadre légal que nous avions vécu. Déby, dans la dernière constitution, n’a pas prévu qu’on transmette le pouvoir à son fils. Or, c’est ce qui s’est malheureusement passé. Pour le coup, ce coup de force du fils est en soi une trahison de la mémoire du père. Mémoire trahie aussi par Moussa Faki Mahamat, le président de l’Union africaine, et Kabadi, le président de l’assemblée nationale. En foulant aux pieds les textes qu’il a lui-même voté, ce dernier se dédit. Comment faire confiance à des individus qui ne tiennent pas parole ? Tant de trahison. Feu Déby doit se retourner dans sa tombe. Ceux-là mêmes qui vociféraient à ses côtés, l’encensaient tels des griots, le supportaient urbi et orbi dans son action, sont les premiers à défaire ce qu’il a bâti. C’est cette absence de loyauté à l’égard du défunt qui constitue, à mon sens, une forfaiture.

S’ils avaient voulu respecter la mémoire du président défunt et le désir du peuple tchadien, ces personnes auraient pu utiliser la voie légale. Même si Kabadi et tout le bureau du parlement se défilaient, il suffisait de constater le vide juridique et de proposer d’autres noms, en dehors de l’assemblée, pour assurer la transition. Etant donné que le MPS est majoritaire, ses élus auraient pu, en toute légalité, voter pour le fils. Il pouvait alors assurer l’intérim et préparer des élections libres comme le disposent les textes. Or, ce schéma n’a pas été suivi parce que la plupart de nos députés ne voient que leurs propres intérêts. Souvent tétanisés par la peur, ils ont courbé l’échine.  Ce sont les adeptes de la servitude volontaire.

Au fond, que disent de nous tous ces agissements immoraux et dépourvus de toute éthique ? Qu’en somme, nous nous contentons des plaisirs immédiats, des intérêts égoïstes. Le futur de nos enfants nous importe peu. Nous ne construisons pas pour le long terme. Tout projet durable, seul garant d’une stabilité pour le bien être de tous, nous est totalement étranger. Cette absence de vision pour notre pays nous fragilise tel que nous confions notre vie à l’ancien colonisateur et acceptons d’être des marionnettes entre ses mains. C’est de cela qu’il faut se débarrasser.

Abderraouf Mahamat Oulèche

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