La conférence nationale souveraine, tenue en 1996 à N’djaména, consacre la démocratie et l’État de droit comme le nœud du système juridique tchadien. Cette considération tient lieu, d’une part du souci du conformisme avec les idéaux de l’OUA (voir la Déclaration de l’OUA sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux qui se produisent dans le monde) dont l’État tchadien est membre et d’autre part, des méfaits d’un régime mono partisan dans un État indépendant.

La démocratie et l’État de droit sont pourvus dans le constitutionnalisme tchadien pour éradiquer le régionalisme, le tribalisme, le népotisme, les inégalités sociales, les violations des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales individuelles et collectives entretenues par les régimes qui se sont succédé (voir le préambule de la constitution de 1996). Cela, afin de redonner un souffle de vie à la Nation tchadienne, déchirée pendant trois décennies. Trois décennies après leur consécration, la démocratie et l’État de droit sont mis à l’épreuve de suite du décès tragique du président de la République. D’un côté, alors théorique, le problème semble être résolu car la constitution le prévoit et en fixe les modalités donnant lieu à la continuité. De l’autre, alors, empirique, la situation que traverse l’État tchadien donne la nécessité de combler le vide par des mécanismes extra juridiques. Autrement dit, d’aller au-delà de ce qui est prescrit. D’où l’institutionnalisation du Conseil militaire de transition donnant lieu à la continuation. Il est fondamentalement une question d’exercice du pouvoir en cas d’empêchement définitif du président de la République qu’il convient de rechercher le suppléant. Continuité ou continuation, il n’y a point d’exclusion.

Deux camps s’opposent !

Le premier s’estime partisan de l’État de droit s’inscrivant alors dans sa définition formelle revoyant au respect de la norme établie. Et, le second ne s’exclu pas de l’État de droit, non plus, mais s’attache à la réalité du terrain c’est-à-dire de l’assouplissement du principe ; s’inscrivant ainsi à la finalité de l’État de droit. Deux positions distinctes qui couvrent l’actualité avec une particulière acuité. Tout étant perplexe, je m’interroge comment trancher.

Dès lors, s’agit-il d’une question de méthode notamment entre le positivisme juridique et celui sociologique ? Ou, plutôt d’une différence entre légalité et légitimité ? Voilà, une actualité juridique tchadienne, chère au publiciste que je suis, pouvant d’ailleurs exciter tout juriste à réfléchir dessus. En effet, il n’est un secret pour polichinelle qu’en cas d’un empêchement définitif du président de la république que le poste de ce dernier soit exercé par le président du Sénat (voir l’article 82 de la constitution de 2018 révisée). Cette disposition ne résout malheureusement pas le problème car, il y’a un vide institutionnel. Il convient cependant de convoquer l’article 240 en son al.2 (de la constitution de 2018 révisée) selon lequel « en attendant la mise en place du Sénat, les attributions de ce dernier sont dévolues à l’Assemblée nationale ».

En définitive, c’est au président de l’Assemblée nationale de prendre les rênes du pouvoir pour une période n’excédant pas 90 jours, après l’ouverture de la vacance, durant laquelle il organise une élection présidentielle (voir l’article 82 al.3). Il s’agit, de ce qui précède, d’une question du conformisme. C’est cela l’exégèse. Le doit ou la logique dont on convoque, d’une part, n’habilite que le parlement à se prononcer sur la vacance et ne donne compétence qu’à la cour suprême de statuer dessus.

En l’espèce, si le parlement ne dit niet, alors, l’État tchadien pourrait se conduire sans le président jusqu’à l’échéance du 6e mandat voire l’investiture qui pourra, probablement poser un problème de droit. Et, d’autre part, si la constitution prévoit la suppléance du président de la république, elle ne définit malheureusement pas la circonstance à partir laquelle découle sa vacance définitive.

Car, si elle tenait en compte ladite circonstance, elle n’aurait pas interdit au suppléant du président de la république l’exercice des articles 97 et 98 (de la constitution du 04/05/2018 révisée) dans la situation actuelle. Eu égard de ce qui précède, confier le pouvoir au président de l’Assemblée nationale c’est assisté au désastre. Le deuxième camp, craintif d’une éventuelle déstabilisation, sort du carcan définitionnel de l’État de droit et se moue plutôt dans sa finalité. L’Union africaine, l’Assemblée nationale en font partie. Ce camp, conscient de l’incapacité de la transition civile ayant plongé, en 1979, l’État dans le chaos et considérant la situation dans laquelle se trouve l’État (aussi de la circonstance dans laquelle est décédé le président de la république), est convaincu de la nécessité de la mise en place d’un Conseil militaire de transition. Il s’attache à l’unité républicaine, peut lui importe le formalisme juridique. A ce niveau, il ne se trouve aucun mobile de s’en prendre au parlement d’avoir pris acte de sa dissolution. D’ailleurs, il est occasion de saluer son courage, son humilité et sa sagesse. Cela, pour éviter le règne de l’arbitraire. Si le droit a pour finalité l’harmonisation des rapports entre les hommes, alors c’est en cela que s’assied le second camp. Le droit étant le juste, c’est la paix. Ne sommes-nous pas en paix, en harmonie ? Pourquoi rechercher l’utopie ? En vérité cette question aussi délicate qu’elle soit convoqué la sagesse du juriste et non seulement ses connaissances théoriques. Beaucoup de juristes se perdent sur une question d’actualité parce qu’ils se bornent sur les premières idées du droit. Or, il fallait les développées.

Par Mr Abdramane Mahamat-Zène Koukou Doctorant en droit public à l’Université de Dschang

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