Malgré les affrontements fratricides, sur des bases ethniques, dont le pays a été le théâtre des années durant, mais aussi la valse permanente des politiciens de toutes les ethnies, de toutes les régions et de toutes les religions dans des coalitions à la tête de l’État, le débat et la pratique politiques au Tchad n’arrivent pas à s’extirper de la fange nauséabonde de la dialectique nord-sud, Musulmans-Chrétiens, du tribalisme et du régionalisme. Chaque fois qu’un évènement politique d’une importance quelconque ou même un acte odieux commis par un imbécile se produit, c’est toujours sous le prisme de celle-ci qu’il est apprécié. Au lieu d’en juger les origines politiques, sociales ou personnelles, c’est généralement de façon subjective qu’il est appréhendé, notamment comme l’expression des intérêts ou des préjugés des ressortissants de telle ethnie ou telle région. Ainsi, tant dans les propos des individus, la presse que diverses publications, trouve-t-on, régulièrement, des clichés globalisants, utilisés sans distinction aucune, du genre « les Sudistes », « les Nordistes », « les Gouranes », « les Saras », « les Arabes », « les Zakhawas », « les Ngambayes », « les Kotokos », « les Kanembous », « les Moundangs », « les Kabalayes », « les musulmans », « les chrétiens » ou, plus bassement, « les Kirdis », « les Koufars », « les Doums », « les esclaves », dans le but soit de s’en réclamer, soit de s’en démarquer, subjectivement, dans un cas comme l’autre. Les diverses réactions suscitées il n’y a pas longtemps, sur les réseaux sociaux, par les propos puants tenus par un certain Amine traitant le comédien Djafat d’esclave nous en offrent une hideuse illustration !

D’où vient cela, alors que, paradoxalement, la société change, connait des mutations profondes qui conduisent à de nécessaires brassages, aux éclatements des frontières de toutes sortes, notamment dans nos villes ? Comment faire pour sortir de cette impasse, dangereuse notamment pour les couches populaires ?

            Une vieille ficelle utilisée d’abord par le colonialisme français…

L’exploitation des différences culturelles, ethniques ou régionales ne date pas d’hier : c’est une vieille ficelle, née sous la colonisation française au 19e siècle. En effet, quand la bourgeoisie française s’est lancée à la conquête de cette région de l’Afrique afin d’y chercher des matières premières pour ses usines, des débouchés pour le surplus de ses productions, mais aussi des champs d’investissement pour ses capitaux, elle était déjà devenue réactionnaire. Son système, le capitalisme, n’était plus révolutionnaire, mais pourrissant. Ainsi, au lieu des révolutionnaires du genre de ceux qui avaient réalisé l’œuvre colossale de la Révolution française, le colonialisme français nous a plutôt apporté des militaires, des colons, des commerçants avides de profit, des missionnaires et autres aventuriers de tous poils. Puis, il a pris nos sociétés féodales comme telles pour les intégrer dans son système de domination : il s’est appuyé d’abord sur les chefs féodaux, les notables, réduits en agents de l’ordre colonial. Au lieu donc du progrès, de la science, de la lutte contre les inégalités, les injustices, les frontières et les particularismes régionaux de tout genre, au nom desquels la bourgeoisie avait fait sa révolution en France, chez nous, le même système, devenu sénile, n’a pas hésité à marcher sur ses propres principes : il s’est servi des pouvoirs des chefs féodaux, des traditions rétrogrades, de la religion, de l’obscurantisme, des superstitions, des castes, de la polygamie, des préjugés divers, mais aussi du tribalisme, de l’ethnisme et du régionalisme pour mieux imposer sa domination : en fonction des circonstances, pour la défense de ses intérêts, il a exploité toutes les différences, culturelles, géographiques, – ethnies, religions, régions -, pour opposer les populations les unes aux autres afin de les diviser pour renforcer les bases de sa domination. Pour ce faire, parfois, il en a même créé de nouvelles, artificiellement.

            Léguée à ses différents valets locaux à l’ère de l’indépendance formelle…

Ainsi, à la proclamation de l’indépendance formelle, en même temps que l’État, l’impérialisme français a légué également cette politique-là à la classe dirigeante en général, constituée d’agents subalternes qu’il avait formés pour les besoins de l’administration coloniale. En effet, dès les années 60, qui ont vu la naissance de l’État tchadien, le pouvoir mis en place, sous l’égide de François Tombalbaye, a aussi exploité politiquement les différences culturelles et régionales. Certes, les dirigeants des premières heures de l’indépendance, Tombalbaye en tête, prétendaient vouloir construire un État unitaire et se prenaient même pour les pères de la « Nation » à construire. Mais, derrière ces intentions de façade, ils ne pratiquaient pas moins le tribalisme et le régionalisme. Même si Tombalbaye s’appuyait sur le PPT RDA, la seule organisation politique ayant une dimension nationale, dont les plus importants bastions politiques se situaient plus dans le Kanem, le Ouaddaï, le Batha ou le Salamat, tant dans le gouvernement, l’administration, que l’armée, les secteurs-clés étaient entre les mains des responsables venant des régions du Sud, auxquels, bien sûr, étaient également associés d’autres dirigeants issus des autres ethnies. L’une des mesures illustratives de cette politique était la création, au sein des forces de l’ordre, de la CTS, la Compagnie tchadienne de Sécurité, une garde prétorienne, formée essentiellement de gens recrutés dans la zone méridionale, qui symbolisait à elle seule le caractère dictatorial et tribal du pouvoir en vigueur. Par ailleurs, vers la fin de son règne, pour faire face au mécontentement populaire qui couvait partout, y compris au sud du pays, mais aussi, aux manœuvres de l’impérialisme français qui cherchait à se débarrasser de lui, Tombalbaye est allé jusqu’à exhumer et imposer, par décision de l’État, le yondo, une pratique ethnique d’initiation, presque en voie de disparition, dans le but de créer artificiellement autour de lui l’unité de la région du Sud.

Tout son règne durant, Tombalbaye s’est servi du tribalisme comme une arme politique pour diviser les populations parce que, très tôt, sa politique ne faisait pas l’unanimité au sein de celles-ci et était farouchement combattue, y compris au sud du pays. En effet, d’une part, la souveraineté formelle n’avait pas réalisé les aspirations populaires à de meilleures conditions de vie, exprimées pendant les multiples luttes contre l’ordre colonial : les couches populaires se sont très vite trouvées face aux mêmes problèmes d’injustice, d’inégalité, d’exploitation, de misère, mais aussi d’abus administratifs et autres exactions. D’autre part, l’imposition du parti unique a mis fin à la relative démocratie qui existait dans le pays, héritage des luttes populaires multiformes menées pendant la période coloniale. Par conséquent, tout cela a donné naissance à un profond mécontentement populaire, qui a eu pour déboucher la création du Frolinat, mais aussi le combat mené par Outel Bono et d’autres contre la dictature de Tombalbaye.

Par ailleurs, à l’époque, le tribalisme n’était pas exclusif à la dictature de Tombalbaye. D’autres dirigeants africains, Houphouët Boigny, Ahmadou Ahidjo, Amany Diori, etc., procédaient aussi de cette façon, dans le cadre d’un État qui se voulait unitaire, en apparence au moins.

            Transformée en méthode de gouvernement par Hissein Habré…          

Après la chute de Tombalbaye, l’usage de l’ethnisme, du tribalisme et du régionalisme a connu un développement sans précédent dans le pays. Cela est dû, d’une part, à la crise économique dans laquelle l’Afrique a commencé à sombrer depuis les années 70, avec comme corolaire une misère grandissante, et, d’autre part, à la dégénérescence du Frolinat en une multitude de bandes armées claniques, mais aussi, aux dissensions au sein de la classe dirigeante, qui ont conduit à la décomposition de l’État sous les militaires. La combinaison de tous ces facteurs a créé des conditions telles que, face au mécontentement populaire, les héritiers de Tombalbaye ne s’embarrassent plus de préoccupations de type unitaire : les régimes mis aussi en place par l’impérialisme français apparaissent, ouvertement, depuis lors, comme des pouvoirs au service exclusif de l’ethnie de ceux qui dirigent. Même si ces derniers s’appuient, eux aussi, sur des cadres politiques plus larges, comme l’UNIR, le MPS, pour s’offrir une assise nationale, associe à la gestion des affaires des politiciens venant d’autres régions, dans le combat qui les oppose à leurs rivaux politiques, ils se présentent volontiers comme les défenseurs des intérêts de leur ethnie, leur région ou religion.

Ailleurs aussi, c’est de la même manière que se sont comportés les héritiers d’Ahidjo, de Mobutu ou d’Houphouët Boigny : en Côte d’Ivoire, par exemple, on a vu cela avec la politique de l’ivoirité, concoctée par Henri Konan Bédié, qui a conduit à des affrontements ethniques dans ce pays.

Au Tchad, le pouvoir d’Hissein Habré a été le laboratoire où a été échafaudé cette politique : il a fait du tribalisme et du régionalisme sa principale marque de fabrique. Arrivé à la tête du pays en s’appuyant le CCFAN, le Conseil de Commandement des Forces armées du Nord, une organisation politique qui affichait clairement son caractère clanique, Hissein Habré a emboité le pas à Tombalbaye et est allé plus loin que lui dans ce sens : il a érigé l’ethnisme, le tribalisme, le régionalisme, en principes politiques et les a transformés en méthodes de gouvernement. Sous son régime, la plupart des leviers du pouvoir, tant politique, administratif que militaire, étaient généralement entre les mains des natifs de son ethnie et de la région du Nord. Par ailleurs, cette politique était même exhibée et assumée. Qualifiant leur mentor de « l’œil des Nordistes », une périphrase combien éloquente, les partisans d’Hissein Habré affichaient publiquement, sans vergogne ni scrupule, leur ethnisme, leur régionalisme, et s’en réclamaient. Comme s’ils voulaient prendre une sorte de revanche sur le destin, pour la première fois dans l’histoire politique du pays, ils se faisaient fièrement appeler « les cadres du Nord » ou « les intellectuels nordistes ». Cette vision tribale se retrouvait même dans leur tenue vestimentaire : boubous blancs, avec, sur le chef, un bonnet ou un turban, comme les marques d’une démarcation identitaire revendiquée. Elle a aussi nourri les répressions massives dont le pouvoir dictatorial de l’époque a été responsable, comme celle des années 84 notamment, dans la zone méridionale, marquée par une volonté de purification ethnique.

            Portée au paroxysme par le pouvoir du MPS….

Sorti directement des entrailles du pouvoir clanique et dictatorial d’Hissein Habré, à la suite d’une révolution de palais organisée par certains larbins de celui-ci, dont notamment Idris Déby Itno, Hassan Djamous et d’autres, le régime actuel du MPS a conservé toutes les caractéristiques fondamentales de celui-ci, qui a été déchu en 1990 : Idriss Déby et ses partisans ont pris pour leur propre compte tout l’appareil d’État, associé à la gestion des affaires tous les responsables de l’ancien régime, avec les mêmes pratiques d’antan, dont notamment l’usage à outrance de l’ethnisme, du tribalisme et du régionalisme. Sous cet angle, on peut même dire que les dirigeants du MPS sont allés plus loin que tous leurs prédécesseurs : ces pratiques, ils les ont poussés à un paroxysme jamais atteint auparavant.

En effet, au bout de 30 ans de règne, leur plus grande réussite, c’est d’avoir vulgarisé ces pratiques à tel point que, finalement, balkanisant à l’extrême le pays sur des bases ethniques, ils ont transformé les affaires publiques en affaires familiales et claniques ! Dans les secteurs essentiels, politiques, militaires, économiques, les principaux responsables sont majoritairement issus de l’ethnie du président ou de la zone septentrionale en général. Bon nombre d’entre eux sont même des membres de sa famille directe, ses enfants, ses frères, ses cousins, etc. Il en est de même des gouverneurs, préfets, des secrétaires généraux, des directeurs ou des responsables des régies financières, comme des sociétés de l’État. Plus qu’ailleurs, c’est surtout au niveau des forces de l’ordre, que ce phénomène est le plus manifeste : tant dans l’armée, la police, la gendarmerie, le renseignement que dans la garde prétorienne que, comme Tombalbaye ou Hissein Habré, Idriss Déby s’est offert pour sa propre sécurité, tous les postes-clés sont entre les mains des responsables issus de sa famille, son ethnie ou de la région du Nord. Tous ces gens règnent sur le pays et s’y comportent comme des intouchables, au-dessus des lois, tel que l’actualité récente vient de le montrer, avec le spectacle odieux du ministre de la Défense qui s’est arrogé le droit de gifler un agent assermenté de l’État, dont le seul tort avait été de vouloir remplir une responsabilité à lui confiée dans le cadre de ses fonctions !

Par ailleurs, sous ce régime, la banalisation du tribalisme a atteint un point tel que tous les responsables politiques, de toutes les régions, agissent non pas comme des hommes et des femmes au service des affaires publiques, mais plutôt comme les représentants de leurs ethnies, si ce n’est de leurs villages : chaque fois qu’un individu est nommé à un poste d’une importance quelconque, par exemple, on assiste à un branle-bas tribal, sur fond de folklore, sous la forme d’un déferlement massif des gens de chez lui, qui viennent célébrer l’évènement devant son domicile, tout en rendant grâce au «  président fondateur » de leur faire bénéficier de sa magnanimité à travers la promotion de l’un des leurs !

C’est dans ce contexte qu’il convient de comprendre des choses ahurissantes comme les nominations dans l’administration ou les attributions des bourses – dont les bénéficiaires sont majoritairement des ressortissants de la région du Nord -, le serment religieux au nom d’Allah, auquel tout le monde doit se plier, qu’on soit chrétien, animiste ou athée, l’imposture de la langue arabe littéraire, imposée artificiellement comme langue nationale, alors que, même pour la majorité des musulmans du pays, elle est aussi incompréhensible que le mandarin chinois ou le fait que les principaux opérateurs économiques du pays, qui prospèrent sous l’ombre des différents trusts, sont, pour la plupart, tous originaires de la région du Nord.           

            Exploitée également par les dirigeants de l’opposition…

Mais, l’usage de l’ethnisme, du tribalisme et du régionalisme n’est pas l’apanage des dirigeants au pouvoir : symétriquement, les politiciens de l’opposition combattent les différents pouvoirs en utilisant les mêmes armes qu’eux. Ils ne combattent pas la politique de ceux-ci au nom de la cohabitation fraternelle de toutes les ethnies, mais plutôt au nom du tribalisme de leur propre ethnie. Ils s’affirment, eux aussi, comme les défenseurs de leurs groupes ethniques, à qui ils font croire que si tout va mal, c’est parce que le pouvoir est exclusivement entre les mains de l’ethnie des politiciens qui dirigent. Face à l’ethnisme de ces derniers, ils affichent le leur, aiguisent les différences culturelles entre les populations, en appellent à la solidarité traditionnelle de leur ethnie et la transforment en une hostilité contre les autres, notamment ceux de la même ethnie que les politiciens au pouvoir. Hier, sous Tombalbaye, c’étaient « les Saras », « les Sudistes » en général, sans distinction aucune, qui seraient responsables des maux dont souffrait le pays ! Sous Habré, « les Gouranes », « les Nordistes » ! Aujourd’hui, les « les Zakhawas », « les Nordistes » ! Comme si les opprimés qui, indépendamment leur volonté, sont issus de la même ethnie ou région que ces dirigeants étaient responsables de la dictature et de la misère qu’ils subissent eux aussi !

On l’a vu, hier, avec les bandes armées nées de la dégénérescence du Frolinat, qui s’affirmaient ouvertement comme « arabes » « Gouranes », « Toubous », « Kanembous » ou « nordistes » et présentaient abusivement le pouvoir de Tombalbaye ou des militaires comme celui « des Saras », sans distinction aucune. C’est aussi le cas, aujourd’hui, des groupes armés et des partis politiques, bâtis autour de dirigeants qui, se réclamant, eux aussi, de leurs ethnies ou régions, prétendent défendre les intérêts des populations du BET, du Ouaddaï, du Mayo Kéby, du Logone occidental, du Salamat, du Kanem, du Logone oriental, du Moyen Chari, etc., et combattent la dictature actuelle comme celle des Zakhawas, d’un côté, ou « des Nordistes » en général, de l’autre.

            Mais, autre est l’ethnie, la nation ou la patrie de nos responsables politiques…

Contrairement aux légendes répandues ici et là par les politiciens de tout bord pour opposer les populations les unes aux autres, l’État tchadien n’a jamais été de façon exclusive celui des « Sudistes » ou des « Saras », sous Tombalbaye ou les militaires. Il n’a jamais été non plus celui « des Nordistes », des Gouranes » ou des « Zakhawas », sous Hissein Habré, puis Idriss Déby aujourd’hui ! Tous les régimes qui se sont succédé jusqu’aujourd’hui ont été et restent des dictatures faites de coalitions de politiciens issus de toutes les ethnies, réunis à la tête de l’État pour imposer la misère aux masses populaires de toutes les régions, y compris celles des leurs !

En effet, Tombalbaye n’a jamais dirigé avec uniquement des politiciens de son ethnie ou de la région du Sud. Dans tous ses gouvernements, il associait des politiciens des autres régions, notamment, ceux dits du Nord, les Douba Alifa, Abbo Nassour, Abdoulaye Lamana, Baba Hassan, Ali Kosso, Djibrine Khérallah et d’autres, parfois de façon majoritaire. Son régime était une dictature féroce, certes, mais, contre toutes les masses opprimées, aussi bien celles du Nord que du Sud ! Par certains aspects, on peut même dire que les couches populaires du Sud ont été les plus grandes victimes des injustices imposées par ce pouvoir parce que, en plus des exactions administratives, lot commun à tous les opprimés, elles subissaient aussi une exploitation éhontée à cause de la culture du coton, de la canne à sucre et de certaines unités industrielles implantées dans la région, comme La Coton Tchad, sans oublier l’élimination physique ou les Emprisonnements des rivaux de Tombalbaye, natifs de la région. La jacquerie paysanne qui a éclaté à Mangalmé aurait pu avoir lieu au sud du pays sans que cela n’ait surpris personne. Le Frolinat aurait aussi eu toutes les chances de s’implanter dans la région si les successeurs d’Ibrahim Abatcha ne l’avaient pas délibérément dévoyé et cantonné dans la région du nord pour s’en servir comme une monnaie d’échange avec la France afin qu’elle leur fasse une petite place au sein de sa valetaille autour de la mangeoire gouvernementale. Les seuls bénéficiaires du régime de Tombalbaye ont été l’impérialisme français, ses firmes locales, mais aussi les riches nationaux, de toutes les ethnies, surtout les grands commerçants originaires du Nord ou d’ailleurs ! Pas les travailleurs et les paysans pauvres de la zone méridionale !

Suivant les traces de Tombalbaye, Hissein Habré et Idriss Déby on fait de même : bien qu’utilisant l’ethnisme à fortes doses, ils ont aussi associé à la gestion des affaires publiques des politiciens d’autres régions ou ethnies, celles du Sud notamment : les Kamougué Abdelkader, Naïmbay, Joseph Yodéïmane, Yorongar, Kassiré Koumakoye, Emmanuel Nadingar, Joseph Djimrangar Dadnadji, Haroun Kabadi, et d’autres. Eux aussi ont imposé, à la tête du pays, des régimes sanguinaires, assoiffés du sang de toutes les couches populaires, y compris celles de la région du nord : ils ont assassiné, emprisonné ou poussé à l’exil bien de leurs rivaux natifs de celle-ci. Des 40 000 mors recensés après la chute de la dictature d’Hissein Habré, une bonne partie est constituée par des hommes et des femmes originaires des régions du Nord, dont le BET ! Aujourd’hui, c’est avec une bande armée dirigée par son propre neveu qu’Idriss Déby a maille à partir, en plus des crimes, des emprisonnements subis par nombre de ressortissants de la région du Nord et de son ethnie !

Mais, c’est surtout socialement que tous ces politiciens, Hissein Habré, Idriss Déby et leurs comparses, nés de la matrice du CCFAN, ont fait le plus du mal à la région du Nord : depuis quarante ans qu’ils sont au pouvoir, leur plus grand exploit c’est d’avoir ont transformé cette zone en un enfer pour les pauvres, où il n’y a pratiquement rien, à part une misère noire, que, évidemment, ne pourrait cacher la promotion d’une bourgeoisie ethnique, parasitaire, créée à coups de pillages de deniers publics et de surfacturations !

Par conséquent, lorsque nos politiciens parlent de « l’ethnie », de la « patrie » ou de la « nation », les masses opprimées ont tout intérêt à s’en méfier. Pour ces gens-là, « l’ethnie » ou la « nation » n’est pas ce que nous croyons ou qu’ils veulent nous faire croire. Leur ethnie ou leur nation, la vraie celle-là, c’est quelque chose de plus vaste, de plus profond : c’est celle de l’argent, du coffre-fort, de la mafia, des vrais bandits qui pillent les richesses du pays et condamnent des millions de gens à mourir tout simplement de misère. Voilà leur véritable ethnie, où l’on trouve des riches, bien de chez nous, bien sûr, mais aussi, des Français, des Américains, des Chinois, des Turcs, des Saoudiens, des Qataris, des Égyptiens, et autres, tous unis par la volonté commune d’exploiter les masses opprimées, quelle que soit leur ethnie ou leur religion, y compris celles de de l’ethnie de Déby, parce qu’elles existent : tous les Zakhawas ne sont pas des millionnaires et tous les millionnaires ne sont pas des Zakhawas non plus !. 

Le tribalisme, le régionalisme, comme le nationalisme : des pièges pour les masses opprimées….                   

L’ethnisme, le nationalisme, l’intégrisme ou le racisme sont des pièges dans lesquels les politiciens bourgeois cherchent à entrainer les masses opprimées. Ce sont des moyens dont ils se servent pour détourner leurs colères et les diriger vers des voies sans issue. Tous nos politiciens qui opposent les pauvres les uns aux autres sur des bases ethniques ou tentent de les unir derrière eux au nom du nationalisme visent tout simplement à se servir d’eux comme un tremplin ou chair à canon pour se maintenir ou se hisser au pouvoir. Au passage, ils détournent leur attention des véritables causes de leur exploitation, de leur misère, et les empêchent ainsi de prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans la transformation radicale de leurs conditions de vie.

Dans la société actuelle, l’opposition fondamentale n’est pas celle que nos politiciens mettent en évidence, utilisent, excitent, en poussant les couches populaires les unes contre les autres sur des bases ethniques, culturelles ou régionales. Elle est entre riches et pauvres, bourgeois et prolétaires, exploiteurs et exploités, de toutes les ethnies, de toutes les religions et de toutes les régions. Par conséquent, les travailleurs et les pauvres en général n’ont pas de patrie ou d’ethnie à défendre ! Quelles que soient leurs origines culturelles, leurs croyances, ils constituent une classe à part, celle des opprimés, qui subissent la même misère, les mêmes maladies et la même dictature, imposées par tous les riches, sans exception. Ainsi, la seule chose qu’ils aient à défendre, collectivement, ce sont leurs intérêts communs, ceux de tous les pauvres, quelle que soit leur origine, parce qu’ils sont tous des frères de classe.

Toute l’expérience politique du pays, notamment celle des quarante dernières années, prouve à suffisance que les affrontements fratricides, sur des bases ethniques, ne conduisent qu’à une impasse : elles ne servent qu’à enchainer les masses populaires derrière les politiciens bourgeois, qui leur imposent la dictature et la misère ensuite. La tâche des travailleurs et des opprimés n’est pas de s’entretuer les uns les autres au profit des politiciens, mais de se défendre collectivement, contre l’ordre bourgeois, car tant que ce système durera, il n’y aura pas de vie digne de notre époque pour les pauvres. Aucun problème, y compris les massacres ethniques, ne pourra non plus trouver de solution. La seule perspective, c’est d’en finir avec le capitalisme, de retourner contre lui toute la misère qu’il impose aux masses opprimées. C’est en s’unissant, en se battant ensemble, collectivement, par-delà leurs différences culturelles, ethniques, régionales, que ces dernières pourraient surmonter les préjugés que les politiciens de tout bord sèment en leur sein et accéder à de meilleures conditions de vie et aux libertés essentielles ! C’est la seule façon de sortir de l’impasse actuelle, de la misère, de la dictature, mais aussi, du cycle meurtrier des affrontements fratricides, du fossé de sang permanent, dans lesquels les maintient enfermées la politique des politiciens bourgeois qui les poussent les unes contre les autres pour mieux les dominer et les exploiter ! 

TRAVAILLEURS ET OPPRIMES, DE TOUTES LES ETHNIES, DE TOUTES LES RÉGIONS, DE TOUTES LES RELIGIONS, UNISSEZ-VOUS POUR DÉFENDRE COLLECTIVEMENT VOTRE DROIT A LA VIE !

Ali Mohamed Abali

abali-icho@yahoo.fr

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