Point de vue…

Le retour à l’ordre constitutionnel suppose remettre le pouvoir à l’un des députés du MPS à l’Assemblée nationale, elle-même illégitime depuis 2015 pour organiser une élection présidentielle en août et choisir un nouveau président. Soyons sérieux. C’est quelle élection sérieuse nous pouvons organiser en pleine saison pluvieuse avec les dispositions tant décriées de la Constitution du 14 décembre 2020 qui exclut une bonne partie de la jeunesse tchadienne ? Qu’on le veuille ou pas, le changement tant souhaité a eu lieu, beaucoup ne l’ont pas perçu ou aperçu. C’est comme les Juifs au temps de Jésus, ils attendaient un autre Messie. Bref, refermons la parenthèse et l’allusion à la religion. Nous sommes dans ce que j’appelle le Nouvel Ordre politique (NOP). Ce NOP nous commande de tenir compte de la réalité du terrain et avancer vers deux directions importantes. Si nous voulons des élections libres et transparentes dans les 18 mois, et cela est possible quand on voit aujourd’hui le MPS au bord de l’éclatement, tous les partis devant aller aux élections à armes égales, il faut :

– Premièrement, posséder la transition. Posséder la transition comme un démon qui possède un être humain suppose une implication de tous les acteurs (politiques, de la société civile, des personnes-ressources) dans la gestion de la transition. Pour aboutir à de ‘’bonnes élections’’, il faudrait des hommes qu’il faut à la place qu’il faut dans les organes de transition : gouvernement, Conseil national de transition, Cour suprême, CENI, CNDP, grandes institutions, etc. La farce à laquelle on avait assisté récemment doit changer pour les élections de fin 2022. À la limite, que le président de la future CENI soit élu et qu’il n’y ait sur lui aucune influence d’un homme politique. Évidemment, si les acteurs sont en marge de la transition, des personnes aux ‘’profils douteux’’ seraient placées dans les organes de transition, ce qui fera naitre de nouvelles tensions après les élections de fin 2022 et le cycle de violence va continuer. C’est une question de volonté et de compromis des uns et des autres.

– Deuxièmement, réussir les élections générales de fin 2022. La réussite de ces élections générales que nous souhaitons cumuler (présidentielle, législatives et communales) dépend de la qualité d’hommes et de femmes impliqués dans la gestion de la transition. Dans la transition, on a le radical ‘’ transit’’. Être de transit dans un aéroport, c’est passer un bref séjour dans un aéroport situé entre un point de départ A et un point d’arrivée B. donc personne ne doit mettre une natte et des matelas pour dormir dans la transition, sinon, l’avion va partir. C’est pourquoi, pendant la transition, la vigilance doit être de mise. Nous devons veiller au grain pour éviter que l’aéroport de transit qui est la transition soit transformé en aéroport de destination finale.

– Troisièmement, que tous les politicomilitaires déposent les armes, transforment leurs mouvements rebelles en partis politiques et sollicitent le suffrage des Tchadiens au même titre que les autres Tchadiens. La stabilité du Tchad sur le long terme (les 60 prochaines années contrairement aux 60 dernières années faites de guerre et de conflits de tous genres) dépend de la ‘’dissolution volontaire’’ de tous les mouvements rebelles. Et la seule manière pour les Tchadiens mécontents qui ont pris les armes de les dissuader à déposer les armes, c’est de rassurer tout le monde en inscrivant dans la Constitution de manière irrévocable que la seule voie pour accéder au pouvoir, c’est par les élections. Évidemment, cette disposition figure dans toutes les Constitutions, mais elle était systématiquement violée par le pouvoir qui la modifie à sa guise pour maintenir un seul homme à la tête du pays pendant 30 ans. Si le problème des rébellions au Tchad est résolu, la seule bataille qui nous restera à mener ensemble sera celle de la lutte contre la pauvreté et pour le développement du pays. Tout cela est peut-être trop idéaliste pour être vrai, mais c’est la seule manière de ne pas donner forcément raison au défunt président Déby #MIDI qui a prédit l’hécatombe après sa mort.

Dans le bras de fer que nous avons actuellement avec les militaires au pouvoir, les deux parties doivent faire des concessions pour avancer. Quand on fait des concessions, on n’obtient pas tout. Il y a des choses qu’on peut obtenir, d’autres non, mais en mettant en avant l’intérêt général. Si chacun campe sur sa position, nous allons droit au mur.

Ce n’est pas du rétropédalage ou de la capitulation. C’est plutôt faire preuve du pragmatisme et du réalisme politique, au nom de la paix et de la stabilité, condition sine qua non pour continuer, chacun d’entre nous, à vaquer à nos occupations, sans être contraints de fuir pour trouver dans la forêt ou s’exiler, comme on l’avait fait dans les années 1980. 

François Djekombé

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