Le 9 et 10 Août 2019, la province de Sila a connu un conflit intercommunautaire extrêmement violent qui a provoqué beaucoup de perte en vies humaines de part et d’autre des parties belligérantes. Ce conflit qui a opposé deux communautés soeurs (Dadjo et Mouro) originaires de cette province était d’une rare violence, ce qui a exigé l’intervention successives des différentes autorités administratives, civiles et militaires chargées des questions de sécurité du pays, suivi d’un déplacement du chef de l’état en personne, le 18 Août dernier à Goz-Beida pour décréter l’état d’urgence dans les trois provinces (Sila, Ouaddaï et Tibesti) à partir du 20 août au 10 septembre 2019. Le décret portant état d’urgence dispose au total 12 mesures clairement énumérées. Mais lors de son passage à Goz Beida le chef de l’état a ordonné verbalement d’autres mesures que je me réserve de commenter ici. En tout cas, deux semaines après la mise en application du décret instituant l’état d’urgence dans les provinces précités, le Ministre de l’administration du territoire et de la gouvernance locale s’est rendu successivement dans les provinces concernées pour évaluer la situation sécuritaire et réitérer la nécessité d’appliquer intégralement les mesures prises.

Moi personnellement, comme beaucoup de mes concitoyens natifs ou résidants dans la province de Sila, je me pose beaucoup des questions si vraiment nos plus hautes autorités cherchent à régler définitivement ce problème ou elles font juste des navettes pour dire au prince qu’ils ont entrain de régler le conflits. Pour ma part, je pense qu’en ce qui concerne le Sila, ce problème est d’origine totalement administrative et doit être aussi régler par l’administration publique et précisément par le ministère en charge de l’administration du territoire, parce que c’est un problème relatif au découpage administratif qui n’obéit à aucune règle administrative et n’a pas respecté un ancien découpage administratif.

En effet, historiquement le canton Mouro (Abkoussoun) avant d’être crée le 02 juin 1962 avec 8 villages et pour chef-lieu, le village Abkoussoun, faisait partie intégrante du canton Bahr Azoum (Koukou Angarana) qui existait déjà depuis l’époque coloniale.

Dans les années 60 avec la création du FROLINAT, le chef de canton Mouro était assassiné à Abkoussoun et son fils qui l’avait succédé craignant son sort aussi demanda à Sa Majesté Sultan du Dar-Sila l’autorisation de venir résider à Kerfi, un village du canton Bahr Azoum, demande que le sultan aurait accepté en son temps.

Depuis lors, le chef de canton Mouro n’est jamais reparti dans son chef-lieu Abkoussoun qui est pourtant à 22 km seulement de Kerfi. Il se cohabitait dans le même village (Kefi) avec le représentant du chef de canton de Bahr Azoum qui gérait les affaires courantes du Canton dans le village Kerfi et ses environs. Dans les années 2000, les deux villages du canton Barh Azoum à savoir Kerfi et Koukou Angarana sont respectivement érigés en Sous-Préfectures, une érection qui va soulever beaucoup des problèmes identitaires qui n’ont jamais trouvé des solutions malgré de multiples requêtes déposées par les populations auprès des autorités compétentes. Car avec le nouveau découpage administratif et la délimitation qui s’en est suivi, une trentaine des villages de Bahr Azoum se retrouvent dans la Sous-préfecture de Kerfi et donc automatiquement ils ont été obligé d’appartenir au canton Mouro parce qu’on pensait que logiquement un seul canton ne pourra pas appartenir à plusieurs Sous-Préfectures. Alors cette manière de faire a créé et entrenu des idées communautaristes et des repli identitaires rarement vécu dans cette zone. Pire encore, certaines autorités administratives et militaires affectées dans la province sont activement impliquées dans ce jeu de tiraillements non pas pour régler ce problème qui perdure mais pour soutenir telle ou telle autre partie. Tragiquement, au mois de juillet dernier, 4 personnes ont été tuées dans le village Arata et Arangou, 12 suspects ont été arrêtés et incarcérés à la gendarmerie de Goz-Beida et ensuite ils ont été relâchés par les autorités sans être jugés. Alors c’est cette attitude des autorités administratives qui a provoqué la mobilisation des uns et des autres puis au vu et su de ces mêmes autorités provinciales que le pire est arrivé. Maintenant, pour régler définitivement cette affaire le gouvernement ne doit pas seulement se focaliser sur les désarmement des civiles, la suspension des autorités traditionnelles, la confiscation des engins à deux roues etc… Il faudrait que le Ministère chargé de l’administration du territoire s’investisse davantage pour régler ce problème à la source afin d’éviter un autre affrontement.

Car à notre avis, l’état d’urgence et toutes les autres mesures qui en découlent sont certes des mesures coercitives mais éphémères, elles ne règlent pas le problème à la source. Le voeu de la population de Sila en général comme celle de la plupart de leurs compatriotes c’est de vivre dans la paix, la sécurité et la tranquillité. Pour finir, je réitère encore mon appelle à l’endroit des plus hautes autorités à régler vraiment ce problème à la racine et surtout libérer la province de tous ces autorités analphabètes et surtout les Sous-Préfets qui sont les sources de tous les maux sans quoi il est difficile de parler d’une paix durable dans cette partie du Tchad.

Mahamat Abdelkérim Djibrine

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