L’invité de ce jeudi est le ministre tchadien des Affaires étrangères, Hissein Brahim Taha. Il évoque avec Madjiasra Nako la rupture des relations entre le Tchad et le Qatar, les relations de ce dernier pays avec les mouvements rebelles tchadiens et ses connexions avec les mouvements terroristes au Sahel et autour du lac Tchad.

RFI : Le Tchad accuse le Qatar d’implications continuent dans les tentatives de déstabilisation depuis la Libye. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Hissein Brahim Taha : Le problème actuel avec le Qatar est un problème bilatéral. Ce n’est pas la poursuite de la crise diplomatique née dans le pays du Golfe.

Le Qatar avec ses alliés en Libye cherche à déstabiliser le Tchad. Vous le savez, elle protège M. Erdimi qui est encore là-bas. Et M. Erdimi, bien sûr, continue de réunir ses hommes. Il le dit d’ailleurs ouvertement dans la presse, cela a été relayé, que l’UFR s’est réuni et qu’il essaie de relancer la guerre au Tchad.

Malheureusement, il y a des gens qui pensent encore que c’est par la guerre qu’on peut résoudre nos problèmes. Nous pensons que le Qatar héberge une personne hostile à nous et qu’il le laisse bouger, faire des actes qui peuvent remettre en cause la stabilité au Tchad.

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Il y a quelques jours, des informations ont fait état d’affrontements dans le nord du Tchad, près de la frontière avec la Libye. Confirmez-vous ces combats ? Est-ce que c’est ce qui explique cette rupture avec le Qatar ?

Comme je le disais, notre politique ne se fait pas du « tic au tac ». Mais chaque fois que les intérêts du Tchad sont atteints, comme dans cette attaque qui s’est déroulée au nord du Tchad, nous réagissons.

L’attaque du nord du Tchad est grave, parce qu’il y a eu mort d’hommes : plusieurs de nos éléments ont été tués par des hommes armés. Nous pensons qu’il est possible que le Qatar, dans son action actuelle, soutienne le groupe qui a attaqué dans le nord du Tchad.

Quel était ce groupe ? S’agissait-il selon vous des hommes de Timan Erdimi (de l’Union des forces de la résistance – UFR) ou de ceux de Mahamat Mahdi Ali, du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) ?

Je ne peux pas vous le dire, parce que la zone dont je vous parle est sillonnée par des orpailleurs, par des gens qui viennent de partout ? C’est difficile de les définir. Mais ce qui est sûr, c’est que le Qatar, avec ses acolytes, cherche à déstabiliser le Tchad comme ils le font en soutenant des mouvements dans le Sahel ou dans le bassin du lac Tchad.

En 2010, le Qatar a été pour beaucoup dans la réconciliation entre le Tchad et le Soudanaprès la crise de 2009. Vous dites que vous ne répondez pas du « tic au tac ». Cela veut-il dire qu’il y a eu une évolution dans l’attitude du Qatar vis-à-vis du Tchad ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Le Qatar avait, je crois, fait les bons offices pour la crise soudanaise. Pas pour le Tchad. Tout dépend de l’évolution d’un pays, qu’il soit amical, qu’il change ou qu’il tienne des dispositions hostiles à notre pays, nous répondons quand il le faut.

Mais en ce moment, le Qatar héberge des éléments tchadiens qui sont hostiles à notre pays et qui méritent bien que l’on réponde. Et c’est la réponse du Tchad.

Les affrontements dont il est question ont eu lieu dans une zone frontalière entre le Soudan et la Libye. Quel est l’état des relations aujourd’hui du Tchad avec la Libye et le Soudan ?

Vous connaissez la situation en Libye en ce moment. La Libye est partagée d’est en ouest par des protagonistes qui se combattent. Donc, on ne peut pas parler des relations directes avec la Libye.

Le chef de l’État, le président Idriss Déby, œuvre pour la paix en Libye. Et c’est ce que nous faisons, à tous les niveaux, pour aider les frères libyens à se rencontrer, à dialoguer entre eux pour trouver une solution. Et avec le Soudan, [les relations] sont tout à fait normales.

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Le Premier ministre vient d’arriver à la tête d’une forte délégation à Khartoum, où il a pu rencontrer le président el-Béchir. Il a rencontré toutes les personnalités soudanaises et la coopération entre le Tchad et le Soudan a été l’objet de discutions entre nos deux pays.

Dans le communiqué de ce mercredi 23 août, vous demandez au Qatar de cesser de « menacer la paix et la stabilité autour du bassin du Lac Tchad et dans le Sahel ». Est-ce que, selon vous, le Qatar a des connexions terroristes ? C’est ce que vous voulez dire ?

Oui, c’est ce que nous affirmons. Nous l’avons dit. D’abord on a parlé du Tchad et puis on a dit dans le bassin du Lac Tchad et dans le Sahel.

Vous savez très bien que l’épicentre de la crise au Sahel, et même dans le bassin du Lac Tchad, l’épicentre c’est bien sûr la Libye. C’est de la Libye que viennent les armes. Dans le conflit libyen en ce moment, avec qui est le Qatar ? Le Qatar est avec les mouvements islamistes qui se trouvent autour de Misrata, autour de Tripoli. C’est connu.

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Mais ce changement d’attitude du Qatar vis-à-vis du Tchad, n’est-il pas plutôt justifié par lesoutien récent du Tchad à l’Arabie Saoudite ?

On avait alors dit que l’on appelait les uns et les autres à régler les problèmes qui les opposent par la voie du dialogue. C’était cela le contenu de notre communiqué. Ce n’était pas un appui à tel ou tel.

Les Qataris n’ont pas changé d’attitude. Malgré cela nous avons entretenu des rapports avec eux, espérant que nos amis qataris vont changer. Ils n’ont pas changé. Ils n’ont pas changé, ils ont continué à héberger des gens qui œuvrent jour et nuit pour déstabiliser le Tchad.

 

RFI

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