Camarades et Amis Chefs de Partis Politiques de l’Opposition démocratique,

Messieurs les Responsables de la Société Civile,

Camarades Militantes et Militants,

C’est avec un grand plaisir je vous accueille dans cette demeure de paix et de fraternité et je vous remercie d’avoir répondu à mon invitation.

La présente conférence de presse, à une dizaine de jours de la fin de l’année, nous offre l’occasion de passer en revue un certain nombre de questions d’actualité nationale et internationale.

Une fois n’est pas coutume, je commencerai par l’actualité internationale. L’année 2017, hélas, n’aura pas été marquante pour l’histoire mondiale, que ce soit en matière de paix ou de développement. Les grandes puissances font preuve de plus en plus d’arrogance, de mépris et de manque de solidarité. Chacun se replie sur lui-même et règle les problèmes de ce monde dans un esprit de chauvinisme et d’égoïsme, alors que plus d’humanisme et de solidarité nous interpellent dans des questions aussi cruciales que l’environnement et le changement climatique, la paix, la redistribution des richesses, pour ne citer que celles-là.

De nouveaux dirigeants sont à la tête de leurs pays, avec des pratiques qui parfois nous donnent le tournis. C’est le cas des Etats-Unis d’Amérique où Donald Trump s’est fait élire avec le fameux slogan « America First », qui lui donne des opportunités de renoncer au leadership sur des problèmes cruciaux. Pour nous, pays qui aspirons au développement et à la paix, la politique de Trump est négative, aussi bien pour la paix que le développement. Il vient successivement de retirer son pays de l’UNESCO, de l’Accord de Paris sur le Climat, de la Convention sur la Migration, et peut-être bientôt de l’OMC. Ne soyons pas surpris qu’il annonce aussi le retrait de l’ONU ! Il est, d’autre part, incapable de promouvoir la paix sur les grands chantiers de guerre du Moyen Orient et d’Asie, en même temps qu’il se fait narguer par le jeune leader de Corée du Nord qui défie tout le monde avec les essais nucléaires qui menacent la paix mondiale. Le président américain s’est encore illustré récemment par sa décision plus que controversée de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël, en dépit du bon sens d’abord, puis de l’histoire, et enfin du droit international. La paix dans le monde et au Proche Orient passe nécessairement par la reconnaissance aux Palestiniens d’avoir une terre et une patrie, la Palestine. Tant que cette question ne trouvera pas une solution juste et durable, et tant que les Etats-Unis continueront dans un leadership aussi étriqué et sans ambition, l’équilibre mondial sera rompu et la paix sera dangereusement menacée. Autant dire que, pour le moment, la politique étrangère de DONALD Trump est pour le moins un échec.

L’Afrique, quant à elle, continue de vivre son lot de drames sociaux, de conflits et de guerres. Les dirigeants africains doivent se dire que la priorité des priorités, c’est le sort de leurs populations qui ne saurait continuer d’être gérées de Pars, Londres, Berlin, Bruxelles ou Washington… Les Africains veulent vivre en paix, véritablement libres et indépendants. Le temps où on allait chercher les instructions en Europe ou en Amérique est passé, et ceux qui ne l’auraient pas encore compris le paieront cher. La jeunesse africaine veut, tout de suite, des réponses concrètes aux drames qu’elle vit, pour qu’elle ne soit plus obligée de mourir dans le désert ou en mer, ou qu’elle subisse le triste sort de l’esclavage. Les Africains exigent de leurs dirigeants le respect des principes démocratiques en politique, et la bonne gouvernance générale pour amorcer le vrai chemin du développement. Des experts nous gargarisent de formules enivrantes telles que : l’Afrique est le continent de demain ! Notre continent est malheureusement voué aux gémonies et ne connaitra aucun début de développement tant que ses fils ne s’assiéront pas pour penser par eux-mêmes et pour eux-mêmes. L’Afrique doit pouvoir relever les défis essentiels que sont : l’autosuffisance alimentaire, l’école, la santé, l’énergie et les infrastructures de base comme priorités de leur développement.

Comme je l’ai dit précédemment, aucun programme ne peut réussir si l’on continue de faire fi de la démocratie. Globalement, le bilan n’est pas positif, et cela est inquiétant. Ici, il faut interpeler les grandes puissances qui soutiennent des dictatures, comme celle du Tchad. Si le terrorisme, qui est l’alibi, a trouvé un terreau dans notre région, c’est parce que les gouvernements concernés n’ont pas de solution aux problèmes et constituent eux-mêmes des problèmes. Peut-on continuer de soutenir une dictature qui viole au quotidien les principes élémentaires de démocratie, par l’interdiction des réunions et des marches pacifiques, l’arrestation des acteurs politiques et sociaux, la mise sous coupe réglée des journalistes de plus en plus muselés, et j’en passe.

L’arrestation et l’emprisonnement pendant plus de quatre mois de notre collègue Laoukein Kourayo Médard, ancien maire de Moundou, en est un exemple patent. Le président de la CTPD n’a commis aucun acte délictueux et a été finalement blanchi par la Justice. Et pourtant, des scandales de détournement fourmillent dans les communes dirigées par le MPS, et des maires démis de leurs fonctions par leurs pairs poursuivent imperturbablement leur mission !

Dans le même temps, des militants de la société civile comme le brave Mahiadine Babouri sont incarcérés depuis plusieurs mois, sans être déférés à la Justice. D’autres détenus politiques croupissent en prison depuis plusieurs années, comme le fameux Moussa Tao, accusé de « conspiration » imaginaire qui avait entrainé l’arrestation de députés qui ont été libérés. Quant à M. Tao, le « cerveau » de ce complot unipersonnel, il reste toujours incarcéré depuis 2014, sans aucune procédure judiciaire.

Ce sont tous ces faits qui nous font dire que les partenaires du Tchad ferment les yeux sur les méfaits du régime Déby-MPS soutenu presque inconditionnellement, au nom, semble-t-il, de la lutte contre le terrorisme. C’est ainsi que des centaines de soldats tchadiens se retrouvent sur les théâtres d’opération extérieurs, dans des conditions de traitement inacceptables, sans salaires ou sous-payés, alors que, pour prendre l’exemple du Mali, les Nations Unies disent verser à l’Etat tchadien au moins mille cinq cents dollars par mois et par soldat. Où donc va cet argent ? L’ONU, autant que le Tchad, doivent fournir des explications à notre opinion.

Que l’on ne se méprenne pas sur mes propos. Les Tchadiens ne demandent pas à leurs partenaires en développement de se battre à leur place. Nous notons leurs agissements non conformes aux standards qu’ils défendent eux-mêmes. En soutenant financièrement à bout de bras un régime comme celui du Tchad, n’est-ce pas qu’on l’encourage à persister dans la faute pour continuer à traquer ses citoyens, à voler, à tuer et à piller impunément ? Comment peut-on, et pourquoi doit-on octroyer une aide budgétaire à un régime qui excelle dans la prédation et ne fait pas d’effort pour s’amender ? 10,7 milliards de dollars, c’est la somme « tracée » par Panama Palmers dans les paradis fiscaux, bien plus que les 7 milliards d’aide publique promis à la table ronde de Paris en septembre dernier. Cela se passe de commentaires. . Les résultats de ces soutiens aveugles sont là : la misère s’accentue, les libertés sont confisquées et il n’y a pas de développement. C’est ici le moment et le lieu de reposer la question à nos partenaires : jusque quand vont-ils continuer de soutenir un régime, un homme, contre la volonté de tout un peuple ?

Voilà la triste réalité que nous vivons. Les vrais démocrates n’ont plus de capacité de se battre à la loyale, puisque ceux qui les oppressent sont encouragés à poursuivre leur sale besogne. Faut-il dans ces conditions, s’étonner que la lutte armée s’accentue et attire de plus en plus de jeunes désemparés ? Oui, la prise du pouvoir par les armes est une menace pour la démocratie. Depuis 1975, ce sont les armes qui ont accaparé et confisqué le pouvoir, la palme revenant à l’actuel régime en place depuis 27 ans. Le général Déby, rebelle de son état, ne croit qu’à la lutte armée et ne respecte que l’opposition armée. Il n’a que du mépris pour les démocrates que nous sommes, puisque pour lui les élections sont un exercice de fraude dans laquelle il excelle et que, au final, il ne peut pas accepter d’être renvoyé du pourvoir par un bout de papier électoral, « katkat sâkit » !

Une fois encore, il faut le répéter inlassablement, aucun dirigeant illégitime ne peut réussir une politique quelconque, car il n’aura jamais le soutien du peuple qui l’a rejeté à chaque élection. C’est le malheur qui s’est abattu sur le Tchad depuis que Déby s’accroche, par la terreur.

Les faits et méfaits de notre gouvernement ? Je ne vais pas vous les seriner davantage, nous les avons à suffisance énoncés et dénoncés régulièrement. Il n’est toutefois pas superflu de rappeler la lourde responsabilité personnelle du président Idriss Déby Itno dans la catastrophe que vit notre pays. Les crimes économiques, les crimes de sang, les déroutes économiques et financières, la fin de l’Etat de droit et de l’Etat tout court, l’impunité institutionnalisée, le tribalisme et le régionalisme érigés en système, les conflits inter communautaires exacerbés, le népotisme, tout cela, et le reste, c’est Déby. Omnipotent et omniprésent, c’est lui qui gère et ordonne tout ce qui passe dans ce pays. Adepte du pouvoir personnel, il régente tout et ne laisse aucun espace à qui que soit, y compris ses plus proches collaborateurs qu’il traite avec mépris et lui doivent une allégeance et une soumission totales. Seul, Déby est sur tous les fronts et il a bradé le pays pour assouvir ses désirs personnels : se maintenir coûte que coûte et vaille que vaille au pouvoir, contre la volonté du peuple, c’est son unique programme.

Nous ne cesserons jamais de rappeler l’élection présidentielle d’avril 2016 qui a vu le vaincu arriver premier ! En voici les conséquences : un pays à genoux qui ne se relèvera jamais tant que Déby sera au pouvoir.

Oui, chers camarades et amis, la forfaiture de 2016 pèsera longtemps sur notre pays. Aujourd’hui, beaucoup d’observateurs louent le comportement des candidats qui ont eu un sens élevé de l’Etat et un patriotisme inégalé pour n’avoir pas appelé aux émeutes qui auraient provoqué un bain de sang et entrainé un chaos préjudiciable à l’existence même de notre cher pays. Par contre, dans le camp d’en face, on a commis plus que des bévues, notamment avec la disparition de nombreux militaires soupçonnés d’avoir voté pour un candidat de l’opposition. Aujourd’hui encore, la chasse au militaire se poursuit dans les casernes où des soldats sont restés sans salaire ou affectés dans des contrées lointaines, comme punition.

Des militants de l’opposition ont payé cher cette « victoire» de Déby, par des affectations arbitraires ou des pertes de leurs fonctions. Au lieu de faire profil bas, le régime a plutôt accentué ses pratiques anti-démocratiques. Confronté à une sévère crise financière dont il est le seul responsable, Déby a choisi de sévir plutôt que de négocier un retour à la paix civile. Telle une autruche solitaire dans le désert, il avance les yeux fermés, la tête dans le sable et ne sait, évidemment, où aller. Le bateau Tchad prend de l’eau de partout, le capitaine Déby ne le sait pas, ou bien feint-il de ne pas le savoir ! Les conséquences de cette cécité sont là : le pays, exsangue, est totalement bloqué. Au lieu de trouver des solutions consensuelles et d’engager un dialogue franc avec les vraies forces politiques et sociales, Déby s’est enfermé dans la logique d’un forum dont les conclusions seront catastrophiques pour le Tchad.

S’il était convaincu par sa légitimité, Déby n’aurait pas eu besoin d’un forum pour engager ses réformes. Il a battu campagne avec un programme, il dit avoir été élu, il a été investi le 8 aout 2016 et a rappelé ses engagements de campagne, il a nommé un premier ministre investi par l’Assemblée nationale sur la base du même programme. Le gouvernement pouvait donc légalement engager la mise en œuvre de toutes les réformes. Mais, subitement, tout ce monde se ravise pour se rendre compte de l’illégitimité du régime, et opte de passer en force par un forum lui-même illégitime ! Et, comble de l’ironie, l’on demande à ceux qui ont battu Déby de participer à un forum pour valider le programme de Déby ! Autant demander aux ex-candidats Brice Mbaimon, Gali Ngothe Gatta, Joseph Dadnadji Djimrangar, Mahamat Ahmad Ahabo, Laoukein Kourayo Médard et Saleh Kebzabo de renoncer à la lutte et d’adhérer tout simplement au MPS ! Cela fait plusieurs mois que nous l’expliquons inlassablement : seul un dialogue inclusif peut sortir le Tchad du chaos actuel. Et, contrairement aux insinuations, nous avons, dans l’opposition, nos dossiers de propositions qui seront déployés, le moment venu.

En attendant, notre pays continue de vivre son lot de drames sociaux, économiques et politiques caractérisés globalement par la mauvaise gouvernance et un refus de la démocratie. Le terrorisme et toutes les formes de terreur y ont trouvé un terreau fertile qui peut favoriser leur implantation durable. Tant que nos dirigeants n’auront comme vision que leur maintien au pouvoir au détriment du progrès et du bien-être des populations, ils vont accentuer la rupture qui va générer des guerres à n’en pas finir. C’est l’un des défis qui nous interpellent et devrait inciter à plus de modestie et d’humilité, pour faire preuve de patriotisme et aller à ce dialogue inclusif.

Mais, pour Déby, le passif est trop lourd et il restera sourd à tous les appels. S’il tourne en rond, c’est parce que, plus que quiconque, il connait l’ampleur des dégâts qu’il a commis depuis 27 ans de pouvoir. Au chapitre des crimes commis, il y a un sujet très sensible que nous murmurons et que nous laissons s’amplifier. Depuis le règne de Hissein Habré, il se pose dans ce pays, et de plus en plus, la question du tribalisme, du régionalisme et du confessionnalisme, sous toutes les formes. Je voudrais prendre à témoin l’aéropage des acteurs politiques et sociaux ici présents, pour nous appeler à une introspection sur ces phénomènes qui minent notre avenir. Depuis 27 ans, Déby a mis au point une machine infernale de division des Tchadiens en tribus, nordistes et sudistes, musulmans et chrétiens.

Camarades et amis, frères et sœurs, mes chers compatriotes, cessons de fermer les yeux sur nos maux, cessons de nous taire, cessons de murmurer nos douleurs, dénonçons haut et fort les actes inhumains de racisme intérieur, de tribalisme et de régionalisme. Indignons-nous de ces actes dignes d’un passé révolu. Aujourd’hui, après la publication de chaque décret présidentiel, chacun se livre à un décompte entre nordiste et sudistes, parce que Déby utilise cette arme pour privilégier les nordistes musulmans, au détriment des sudistes chrétiens. Dans les forces armées, le phénomène est patent, tellement l’injustice est flagrante : des généraux illettrés, en surnombre et par centaines, encombrent nos vaillantes forces armées au nom d’une règle inconnue, celle de la revanche des familles des « martyrs. » Et les nominations de généraux parmi les civils sont légion, toujours chez les nordistes. L’administration territoriale est surpeuplée de gouverneurs, préfets et sous-préfets dont le profil n’a rien à voir avec leurs fonctions. Même les grandes écoles n’échappent pas à cette pratique, à l’exemple de l’ENA et de l’ENFJ censées former des cadres supérieurs de l’administration, ainsi que des magistrats. Au nom de cette règle honteuse, ces écoles sont peuplées d’élèves parfois à peine lettrés, parce qu’ils seraient des nordistes. Tout le pays, et plus particulièrement le sud, est pris en otage par une seule ethnie qui est aux commandes dans toute l’administration. Tous les conflits qui opposent les agriculteurs sudistes aux éleveurs nordistes se soldent toujours par des morts et des paiements indus de diya, par les sudistes. Les petits agents de l’Etat comme les gendarmes ou les agents des eaux et forêts écument nos broussent et vivent d’amendes arbitraires imposées aux paysans et honnêtes citoyens.

Le phénomène prend de l’ampleur un peu partout, y compris dans la capitale, où le mépris entre citoyens s’affiche de plus en plus. Des Tchadiens traitent leurs compatriotes de « kirdi », « hawan », voire « abid ». C’est au nom de cette loi non écrite qu’une stratification se pratique : des métiers de bas niveau sont réservés aux sudistes qui en sont réduits à être des domestiques, des marmitons, des bonnes, des balayeurs de rues, des gardiens. D’où l’appellation des « fonctionnaires de la rue des 40 » qui sont souvent de jeunes diplômés condamnés à vivre de rapines dans des conditions inhumaines et d’humiliation extrême. N’oublions pas « Laoukoura », réservé aux intellectuels chargés de traduire en texte la pensée de leurs supérieurs hiérarchiques, illettrés.

Mais, je voudrais que l’on m’entende bien, pour éviter l’amalgame. Il ne faut pas se méprendre pour croire que c’est tout le nord, tous les nordistes, qui sont les profiteurs de ce régime. Tout cela mérite un décryptage auquel je vais me livrer. Si, dans cette théorie conçue par Déby on peut parler globalement de sudistes et de nordistes, il faut le nuancer, surtout pour les nordistes. En effet, tous les nordistes ne bénéficient pas automatiquement de ces faveurs. Dans chaque région, on choisit subtilement quelques profito-situationnistes qui se contentent des miettes, afin de tenir les autres au respect. Ils servent, en quelque sorte de faire-valoir. Même dans le secteur privé, de nouveaux riches sont subitement apparus, au détriment des anciens, pourtant naguère plus nombreux. Aujourd’hui, des pans entiers de l’économie sont contrôlés par une seule ethnie, dans les conditions que l’on sait.

L’exception du BET doit être clarifiée. Ce bloc monolithique a été disloqué par Déby, pour mieux dominer la région. Du BET, il faut extraire l’Ennedi qui est une région à part qui bénéficie de tous les avantages. L’Ennedi lui-même, comme vous le savez, a été coupé en deux pour donner naissance à une région dominée par Amdjarass, le hameau de Déby qui est sorti des dunes pour ressembler à une capitale avec tous les équipements socio-éducatifs ultra-modernes, mais sous utilisés. Les Tchadiens devraient savoir que le village de Déby sera alimenté par de l’eau potable pompée à près de 70 km et en énergie par un système d’éoliennes rares en Afrique. Pendant ce temps, de vraies villes comme Abéché, Goz Beida, Mao, Kyabé, Pala, par exemple, ont de sérieux problèmes d’alimentation en eau.

Je voudrais encore insister que nous ne devons pas commettre l’erreur de faire l’amalgame. J’ai une grande expérience du terrain, et je peux vous dire que de ce que j’ai retenu dans mes nombreuses visites du Tchad profond, le monde rural du nord me semble le plus abandonné du pays. Mais cela n’est pas une contradiction, car Déby n’a pas de schéma global de développement et n’a pas de vision à long terme. Il tâtonne et vit au jour le jour, c’est pour cela que sa politique divisionniste a des failles.

Chers amis et compagnons, tels sont les faits, non exhaustifs qui nous interpellent. Notre silence est une forme de complicité que nous devons cesser, au risque d’être condamnés par l‘histoire. Depuis 27 ans, l’esclavage est pratiqué à ciel ouvert dans notre pays. Des enfants du Mandoul, des deux Logones, de la Tandjilé ou du Mayo-Kebbi sont quotidiennement arraché, achetés et revendus dans le Wadi Fira et l’Ennedi, voire au Darfour. Cet esclavage n’est pas digne d’intérêt aux yeux de Déby. Le combattre ne lui procure aucun capital politique. Tout au contraire, il correspond à son projet hégémonique et esclavagiste dans notre pays. Nous sommes dans une sorte d’apartheid en voie de normalisation par sa banalisation dans la conscience collective.

Au lieu de se pencher sur ces crimes intérieurs, il semble que Déby s’agite frénétiquement et serait très indigné par l’esclavage qui sévit en Libye et proposerait ses services à la communauté internationale pour aller libérer ces subsahariens piégés à Tripoli, Misratha, Sebha… Quelle indignation sélective ! Il s’agit, une fois encore, d’instrumentaliser la communauté internationale au service de son maintien au pouvoir. Rien de plus. Déby a-t-il déjà oublié être revenu sur un décret nommant un ancien ministre comme gouverneur dans sa région natale, au motif qu’il serait issu d’un groupe casté ?

Des centaines, voire des milliers de jeunes hautement diplômés sont en chômage depuis plusieurs années, pendant que leurs camarades aux diplômes scannés sont recrutés et propulsés à des postes de direction juteux. Depuis 27 ans qu’il est au pouvoir, une génération est maintenant adulte et formée, y compris au nord. Comment se fait-il que Déby continue de nommer à des postes de responsabilité des semi-lettrés, d’anciens vendeurs d’ânes ou des ouvriers agricoles venus du Soudan ? Lui seul sait comment il manœuvre, quitte à s’emmêler les pédales.

 

Last but not least. Déby a placé les siens partout où il y a de l’argent. Tout le secteur pétrolier, par exemple, est entre leurs mains, ainsi que toutes les régies financières qui sont pompées en permanence à leur profit. La délivrance des licences de recherche et d’exploitation pétrolière donne lieu à de gigantesques rétributions imposées aux compagnies chinoises ou Glencore, où les langues commencent à se délier. Les récents scandales qui éclaboussent Déby ne sont que le début d’une série qui va continuer dans les semaines et mois à venir. Des crimes comme la fabrication de fausse monnaie de Bahrein, de dollars ou d’euros vont bientôt exploser. Des faces cachées de gros dossiers comme Boko Haram, les interventions militaires en RCA, au Soudan ou en Equateur vont bientôt éclabousser Déby qui reviendra encore nous chanter qu’il est « blanc » !

Chers amis de l’opposition, voilà les faits qui nous interpellent. M’adressant particulièrement à vous, je vous lance, une fois encore, un appel à l’unité. Si nous mettons de côté l’infime minorité qui s’est insidieusement et sournoisement glissée parmi nous, au service du pouvoir pour nous infecter, et nous les connaissons, la majorité que nous constituons devrait regarder dans la même direction, dans l’unité. Mobilisons-nous, mobilisons nos militants, mobilisons notre peuple qui souffre de nos divisions qui profitent à Déby. Nos divergences sont insignifiantes en regard du combat que nous menons pour libérer notre pays.

La première bagarre à laquelle je vous convie, c’est celle de nous unir pour exiger et obtenir l’organisation, en 2018, des élections législatives. Les députés eux-mêmes sont mal à l’aise dans ce mandat en accordéon qui a érodé leur légitimité. Nous devons refuser cette démocratie où le chef de l’Etat, seul, peut suspendre les élections législatives alors que lui, refuse que le mandat présidentiel déborde d’un seul jour.

Nous devons, de la même façon, exiger les élections communales en 2018, car le mandat des conseils municipaux prend fin en janvier prochain.

Le combat que nous devons mener, enfin, c’est celui d’affronter le gouvernement pour que nous livrions nos activités légales en toute liberté : réunions privées, conférences de presse, meetings et marches pacifiques devront ponctuer l’année 2018 qui sera l’année de la restauration des libertés.

Nous devons surtout, préparer ensemble les échéances électorales à venir. Cette bataille est aussi celle qui doit nous unir contre le forum. Ensemble, maintenons notre cohésion et exigeons un dialogue inclusif qui sauvera notre pays.

Bonne et heureuse année 2018 à vous, à vos familles, à vos formations politiques et associations aux militants et au peuple tchadien tout entier, et qu’Allah sauve notre beau pays, le Tchad !

 

Saleh Kebzabo

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