12 janvier 2024 #Tchad #Politique: đđźđđĂšđŹ đđđŹđ«đ đšđź đ„đ đđ«đąđšđŠđ©đĄđ đđź đ«Ă©đđ„đąđŹđŠđ đđ§ đ©đšđ„đąđđąđȘđźđ
La nomination de lâancien opposant Ă la tĂȘte du gouvernement tchadien est diversement apprĂ©ciĂ©e. Pour Adrien Poussou, elle pose la question, essentielle, de la responsabilitĂ© des leaders dans la marche de leur pays. Et de leur capacitĂ© Ă sâadapter aux contingences gĂ©opolitiques et gĂ©ostratĂ©giques.
Moins dâune semaine aprĂšs lâentrĂ©e en vigueur de la nouvelle Constitution tchadienne, SuccĂšs Masra, lâun des principaux opposants du pays, a acceptĂ© de prendre la tĂȘte du gouvernement. Inutile de dire que cette nomination a suscitĂ© de nombreuses et diverses rĂ©actions, notamment sur les rĂ©seaux sociaux. Comme dâhabitude, censeurs et directeurs de conscience y sont allĂ©s de leurs raccourcis.
Les uns se sont Ă©vertuĂ©s Ă pointer un supposĂ© renoncement du nouveau Premier ministre, qui aurait, selon eux, dĂ©voyĂ© le combat et sali la mĂ©moire des dizaines de manifestants tuĂ©s par balles le 20 octobre 2022 alors quâils protestaient contre le maintien des militaires au pouvoir Ă lâissue des dix-huit premiers mois de la transition. Les autres nâont pas hĂ©sitĂ© Ă tirer des conclusions dĂ©finitives : « le transformateur » sera « transformĂ© » Ă son tour. Allusion Ă peine voilĂ©e au prĂ©sident Mahamat Idriss DĂ©by Itno, qui aurait retournĂ© son adversaire, ainsi quâĂ la dĂ©nomination du parti de SuccĂšs Masra, Les Transformateurs.
FlÚches empoisonnées
Ce nâest pas un hasard si câest dans les rangs des nĂ©o-panafricains du numĂ©rique, ces activistes au discours clivant et Ă la russophilie assumĂ©e, que lâon a recensĂ© les charges les plus violentes et les flĂšches les mieux empoisonnĂ©es contre le nouveau Premier ministre tchadien. Ă lâĂ©vidence, la dĂ©cision de SuccĂšs Masra de rejoindre la transition en cours nâentre pas dans les plans de tous ceux qui Ćuvrent en coulisse pour le dĂ©raillement du processus, Wagner et compagnies en tĂȘte.
Ă ceux qui ne sâen souviendraient pas, je rappelle que, en fĂ©vrier 2023, le quotidien amĂ©ricain The Wall Street Journal a rĂ©vĂ©lĂ© que le patron du groupe paramilitaire russe avait offert aux rebelles tchadiens un soutien matĂ©riel et opĂ©rationnel afin de faire tomber le gouvernement de NâDjamena. Une opĂ©ration qui pourrait inclure, prĂ©cisait une source interrogĂ©e par le journal, lâĂ©limination du prĂ©sident Mahamat Idriss DĂ©by Itno.
Et quand, au mois de mai de la mĂȘme annĂ©e, plusieurs groupes armĂ©s tchadiens ont sollicitĂ© un camp dâentraĂźnement auprĂšs du prĂ©fet de la Vakaga, rĂ©gion situĂ©e Ă la frontiĂšre entre la RĂ©publique centrafricaine et le Tchad, les circonspections quâon pouvait avoir Ă la suite des rĂ©vĂ©lations du quotidien amĂ©ricain ont Ă©tĂ© balayĂ©es. La proximitĂ© des mercenaires du groupe Wagner avec certains leaders de lâopposition armĂ©e du Tchad ne faisait plus aucun doute. Vraisemblablement, le dĂ©cĂšs dâEvgueni Prigogine, fondateur du groupe paramilitaire russe, dans un mystĂ©rieux accident dâavion, le 23 aoĂ»t 2023, nây a rien fait.
Wagner et compagnies ont toujours les actuelles autoritĂ©s tchadiennes dans leur ligne de mire. Mieux, ils auraient prĂ©fĂ©rĂ© disposer de la « carte Masra » dans leur jeu pour les besoins de la dĂ©stabilisation du Tchad. Sinon, ils nâauraient pas ainsi lĂąchĂ© leurs porte-flingues des rĂ©seaux sociaux contre lâex-opposant. Car lâune des particularitĂ©s des activistes pro-russes, en plus dâĂȘtre la voix de leur maĂźtre de Moscou, est de voler en escadrille. On connaĂźt dĂ©sormais leur mode opĂ©ratoire.
Patriotisme authentique
Mais au-delĂ de la violente campagne de dĂ©nigrement orchestrĂ©e contre SuccĂšs Masra, dont il est dâailleurs aisĂ© de deviner les ressorts, se pose la question de la responsabilitĂ© des leaders politiques dans la marche historique de leur pays. En lâespĂšce, câest pour ĂȘtre utile Ă son pays et au peuple tchadien que lâex-opposant a acceptĂ© le poste de Premier ministre. Une dĂ©cision qui sâinscrit dans le droit fil de son combat politique et qui est cohĂ©rente avec la nouvelle stratĂ©gie quâil a adoptĂ©e, laquelle a permis son retour dâexil, le 3 novembre 2023, Ă la suite de la signature dâun accord de rĂ©conciliation Ă Kinshasa, Ă la fin du mois dâoctobre dernier.
Lorsque, quelques jours avant le rĂ©fĂ©rendum, le chef des Transformateurs a appelĂ© publiquement ses compatriotes a votĂ© en faveur de la nouvelle Constitution, les observateurs avisĂ©s ont vu dans ce tournant dĂ©cisif un rĂ©alisme fĂ©cond. Car le manque de luciditĂ© ou encore lâincapacitĂ© Ă Ă©valuer les rapports de force et Ă changer son fusil dâĂ©paule sont les pires choses qui peuvent arriver Ă un homme politique. Savoir sâadapter aux circonstances et aux contingences gĂ©opolitiques et gĂ©ostratĂ©giques sont des qualitĂ©s recherchĂ©es chez tous les leaders. Mais, plus que tout, sâabstenir dâentraĂźner son pays, ses partisans, dans la voie de lâinstabilitĂ© chronique est la preuve dâun pragmatisme politique et dâun patriotisme authentique.
Si, Ă©tymologiquement, ministre signifie « serviteur », SuccĂšs Masra est en plein dans son engagement, celui dâĂȘtre au service du Tchad. Le reproche rĂ©current que lâon adresse au nouveau Premier ministre est sa rigiditĂ© et une certaine propension Ă lâoutrance. Maintenant quâil a dĂ©cidĂ© de contribuer Ă maintenir lâindispensable stabilitĂ© de son pays en prenant toute sa part dans sa gestion, ceux qui lui faisaient grief dâun manque de rĂ©alisme lâaccusent de faire le jeu du pouvoir. Câest Ă en perdre le nord.
Ăcrire lâHistoire
En posant ses valises Ă la primature, SuccĂšs Masra cesse dâagir comme un leader syndicaliste habituĂ© Ă dresser la liste stĂ©rile de ses revendications pour se glisser dans la peau dâun homme dâĂtat aux prises avec les difficultĂ©s quotidiennes de ses compatriotes, et en quĂȘte de solutions concrĂštes pour les rĂ©soudre. Ce qui est beaucoup plus gratifiant que les joutes oratoires et les manifestations. De plus, sur le plan strictement personnel, il rĂ©alise une excellente opĂ©ration.
En tant que chef du gouvernement, SuccĂšs Masra tord le cou aux dĂ©tracteurs le prĂ©sentant comme un leader citadin connu des seuls habitants de la capitale. Il est clair que sa nouvelle fonction lui permettra de connaĂźtre le Tchad profond et de bĂ©nĂ©ficier dâune ample exposition mĂ©diatique. Par ailleurs, il refera son retard vis-Ă -vis des autres leaders politiques qui partagent avec lui le mĂȘme bassin Ă©lectoral du sud, Ă lâinstar de son prĂ©dĂ©cesseur Ă la primature, Saleh Kebzabo, naguĂšre irrĂ©ductible opposant devenu lui aussi Premier ministre.
En rĂ©alitĂ©, on ne sera fondĂ© Ă critiquer le nouveau Premier ministre tchadien quâau moment oĂč il montrera des signes dâessoufflement ou quand il sera dĂ©passĂ© par les charges de sa fonction, et quâil aura perdu son Ăąme dans de triviales manĆuvres politiciennes. En attendant, il serait judicieux de le laisser Ă©crire lâHistoire, qui est finalement la rencontre dâun homme avec un ou plusieurs Ă©vĂ©nements.
Le Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique
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