Fidèle du défunt président Idriss Déby Itno, le général de division a su s’imposer comme l’un des proches de son fils et successeur, Mahamat Idriss Déby Itno. Ali Kolotou Tchaïmi a mené tout au long de la transition un rôle de premier plan. Le voilà désormais à la tête de la quatrième législature, qui a fait sa rentrée le 4 février.

Le 4 février, à Ardebe, un quartier du sud-est de N’Djamena, l’Assemblée nationale est au cœur de toutes les attentions. Après quatre ans de transition, la quatrième législature fait sa rentrée. Repoussés à maintes reprises par la situation sécuritaire puis la mort du président Idriss Déby Itno en avril 2021, les premiers scrutins législatifs organisés depuis 2011 avaient finalement eu lieu le 29 décembre 2024 et les 188 députés élus, dont la large majorité est issue du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir) ou de formations satellites, doivent donc élire leur président.

Un seul candidat, soutenu par le pouvoir, est présenté : le premier vice-président du Conseil national de transition (CNT, qui faisait office d’Assemblée nationale durant la période de transition) Ali Kolotou Tchaïmi. Celui-ci a été un fidèle parmi les fidèles d’Idriss Déby Itno avant de poursuivre sa carrière auprès du fils de ce dernier, l’actuel président Mahamat Idriss Déby Itno, et d’Haroun Kabadi, ex-président de l’Assemblée nationale de 2011 à 2021 et patron du CNT. Il est donc élu sans contestation, devenant l’un des visages de l’après-transition.

1. Goran

Âgé de 55 ans, Ali Kolotou Tchaïmi est né à Salal, chef-lieu du Barh El Gazel Nord, dans la région du Kanem, dans le centre du pays. Il est d’ethnie gorane, à l’instar de la mère de Mahamat Idriss Déby Itno (même si ce dernier a été élevé par sa grand-mère maternelle). L’épouse du président de la transition et Première dame, Dahabaya Oumar Souni, est, elle aussi, gorane.

2. Général de division

Comme beaucoup de hauts cadres tchadiens dans l’entourage des Déby Itno, Ali Kolotou Tchaïmi a une double casquette, sécuritaire et politique. À l’École nationale de l’administration et de la magistrature du Tchad, il a obtenu un diplôme supérieur d’administrateur, alors qu’une première formation militaire de 40 jours lui était également dispensée.

Mais Kolotou Tchaïmi a aussi étudié, comme Mahamat Idriss Déby Itno, au Groupement des écoles militaires interarmées (Gemia). Il est aujourd’hui général de division, même si son grade est suspendu. Ali Kolotou Tchaïmi s’est mis à disposition de l’armée, une pratique très courante dans les cercles politiques de N’Djamena, pour se consacrer à ses fonctions dans l’exécutif et au Parlement.

3. Sous-préfet

« Ali a un profil de véritable politicien, explique un ancien haut dignitaire du Conseil national de transition. Il a gravi tous les échelons du parti et de la politique ». Avec trois décennies d’expérience dans les arcanes du pouvoir tchadien, Ali Kolotou Tchaïmi peut s’enorgueillir de nombreux postes administratifs. Diplômé de l’Enam, il a débuté sa carrière à Michémiré, dans la région du Kanem, en tant que chef de poste administratif entre 1995 et 1996. Il a aussi été nommé sous-préfet de Moïto, dans le Hadjer-Lamis, en 1997, poste qu’il conservera durant six ans.

4. Fidèle des Déby Itno

C’est en 2008 qu’Ali Kolotou Tchaïmi parvient au Palais rose, lorsqu’il est nommé conseiller chargé de mission du président de la République, Idriss Déby Itno. L’administrateur va ensuite jouer un rôle de premier plan, et de plus en plus important, dans les campagnes présidentielles. En 2006 déjà, il avait été nommé directeur adjoint de la campagne du chef de l’État dans la région du Grand Kanem. En 2011, il est vice-président de la direction régionale de campagne et, en 2021, coordonnateur national chargé des nomades. Après la mort d’Idriss Déby Itno, il intègre le cercle des hommes de confiance de Mahamat Idriss Déby Itno.

5. Successeur

Lorsqu’il est élu pour la première fois à l’Assemblée nationale, en 2011, Ali Kolotou Tchaïmi fait ses débuts sous la direction de l’expérimenté Haroun Kabadi. Le président de l’Assemblée nationale le prend sous son aile et devient au fil des années un véritable mentor. Touché par des ennuis de santé, Haroun Kabadi, encore patron du CNT durant la transition, s’est depuis peu à peu retiré de la vie publique. Ali Kolotou Tchaïmi est vu comme son successeur naturel.

6. Couronné

Dès juin 2011, le député avait pris la tête de la Commission de contrôle du budget autonome à l’Assemblée nationale. Trois ans plus tard, il devient président du groupe parlementaire MPS à la chambre basse. Un poste qu’il conserve jusqu’en 2021 et qui le place en première ligne au sein du parti au pouvoir, en collaboration directe avec son mentor Haroun Kabadi. « La présidence de l’Assemblée nationale est le couronnement d’une carrière de quatorze ans au Parlement », explique une source à l’ancien CNT.

7. Pur produit du MPS

Encarté au parti présidentiel depuis 1990 – il n’a alors que 18 ans -, Ali Kolotou Tchaïmi a toujours été loyal au MPS. Secrétaire administratif du conseil du parti à Salal avant d’avoir vingt ans, membre du comité national du Rassemblement des Jeunes du MPS en 2003, chargé des campagnes électorales, secrétaire national chargé de la Défense et de la Sécurité au bureau politique national, chargé des nomades…  Il est ensuite l’un des cadres du parti lors du Dialogue national inclusif de 2022, en tant que conseiller au comité préparatoire.

Très présent durant la transition, il est l’un des artisans du « oui » au référendum constitutionnel de 2023 dans sa région d’origine, et fait partie de la direction nationale de campagne pour la présidentielle de 2024. Ali Kolotou Tchaïmi est aussi à l’origine de la résolution du Conseil national de transition qui élève, le 9 décembre, Mahamat Idriss Déby Itno au rang de maréchal.

8. International

En parallèle de ses travaux au sein du CNT, Ali Kolotou Tchaïmi a été impliqué dans de nombreuses missions à l’international. Député du Parlement de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (Cemac) depuis 2018, il en est devenu le vice-président en 2021. Kolotou Tchaïmi est aussi le chef de la délégation tchadienne auprès de l’Union interparlementaire à Genève, en Suisse, et présidait depuis 2022 le groupe d’amitié Tchad-France au CNT.

9. Chef de file

La présidence de l’Assemblée nationale est un poste-clé. « C’est aussi une forme de récompense pour le travail accompli durant la campagne et depuis son arrivée au pouvoir », analyse un observateur proche de l’opposition. Ali Kolotou Tchaïmi sera surtout chargé d’amener les parlementaires du MPS à voter les mesures proposées par l’exécutif et Mahamat Idriss Déby Itno. Les premières années du mandat de ce dernier seront particulièrement scrutées. Le parti au pouvoir doit quant à lui encore prouver qu’il a définitivement tourné la page de son fondateur, Idriss Déby Itno, et qu’il est prêt à finaliser sa mue.

10. Symbole

Le choix de Ali Kolotou Tchaïmi pour l’Assemblée nationale n’est pas anecdotique. Produit du MPS, il incarne un trait d’union entre la vieille garde et la nouvelle, que souhaite promouvoir Mahamat Idriss Déby Itno. À l’instar de Jean-Bernard Padaré, à la tête du Conseil constitutionnel depuis début février, ou d’Aziz Mahamat Saleh, nommé secrétaire général du MPS le 30 janvier, il est l’un des hommes de confiance du président de la République, qui a à cœur d’imprimer son style et de placer ses hommes, progressivement, à la tête des institutions.

Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique

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