15 juillet 2022 #TCHAD #Politique : À l’international comme à N’Djamena, Mahamat Idriss Déby sous pression maximale (Africa intelligence).
DÉCOUVREZ CET ARTICLE DANS NOTRE FEUILLETON : “TRANSITION : LES MILLE ET UNE INCONNUES DE L’APRÈS-IDRISS DÉBY”
Alors que la transition tchadienne devrait s’étendre au-delà des dix-huit mois initialement prévus, le président du CMT fait face à l’impatience de Paris et Washington, deux de ses principaux partenaires. Le sujet a même été l’objet d’un échange téléphonique tendu, mi-juin, entre Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby. Dans le même temps, « Kaka » doit composer avec la pression de son premier cercle et procède à des réaménagements.
L’appel téléphonique a jeté un froid au Palais rose. Mi-juin, le président Emmanuel Macron s’est longuement entretenu par téléphone avec le président de la transition tchadienne Mahamat Idriss Déby, dit « Kaka« . Durant l’échange qui devait permettre de passer en revue la situation dans le pays, le chef de l’Etat français a très vite interpellé le jeune général sur les risques d’une transition trop longue. Surtout, Emmanuel Macron a rappelé à « Kaka » qu’il n’était pas « souhaitable » que les membres du Conseil militaire de transition (CMT) puissent se présenter à l’élection à la magistrature suprême, théoriquement prévue à la fin de l’année.
Tensions avec les partenaires
Une petite phrase prise très personnellement par Mahamat Idriss Déby, dont les desseins présidentiels crispent autant à N’Djamena que dans les capitales européennes. Le sujet est très sensible : au lendemain du décès d’Idriss Déby, plusieurs chefs d’Etat de la région avaient déjà tenté d’imposer dans la charte de transition présentée le 21 avril 2021 un amendement empêchant les candidatures des militaires du CMT (AI du 23/04/21). Une disposition pour laquelle N’Djamena avait donné des gages oraux, sans pour autant indiquer son engagement noir sur blanc dans le texte de ladite charte.
Le coup de fil du président français est d’autant plus mal passé au Palais rose que Paris constitue le principal partenaire du pays, depuis le début de la transition tchadienne. La diplomatie hexagonale mène depuis plus d’un an un lobbying actif, tant à l’Union européenne (UE) qu’auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, afin de soutenir économiquement la transition, alors que les finances sont exsangue
L’échange avec Emmanuel Macron est intervenu quelques jours seulement avant une autre déclaration – cette fois-ci publique – de Washington, très impliquée dans le pays depuis le début de la transition, qui a passablement irrité N’Djamena, elle aussi. Le 1er juillet, la chargée d’affaires de l’ambassade des Etats-Unis au Tchad Ellen Thorburn a appelé le CMT « à honorer la promesse que ses membres ne se présenteront pas aux élections post-transition et que celle-ci devra être la plus courte possible ». Cette sortie a suscité un tollé dans l’entourage du président de la transition tchadienne, lequel n’a pas hésité à dénoncer des propos relevant d’une « forme d’ingérence ».
Le pré-dialogue peine à se concrétiser
Pour ne rien arranger aux affaires de Mahamat Idriss Déby, celui-ci peine à concrétiser un accord dans le cadre du pré-dialogue qui se tient à Doha depuis mars entre le gouvernement tchadien et une cinquantaine de groupes politico-militaires. Si un texte a été proposé aux principaux acteurs et que l’issue semble proche, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) n’est toujours pas disposé à apposer sa signature au bas du texte. La diplomatie qatarie ne parvient pas à conclure les débats, malgré de récentes avancées obtenues fin juin (AI du 05/07/22). Le sujet a ainsi été brièvement évoqué, le 11 juillet, entre la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna et son homologue qatari en visite à Paris, le cheikh Mohammed al-Thani.
Sans conclusion du pré-dialogue, « Kaka » ne peut lancer le dialogue national initialement prévu au mois de mai, grand-messe vers la « réconciliation nationale » et prérequis à l’élection présidentielle. Sa marge de manœuvre est de plus en plus limitée face au spectre d’une transition qui devrait encore se prolonger au-delà de dix-huit mois.
Situé sur une ligne de crête, le Palais rose étudie plusieurs scénarios, à commencer par des nouvelles alliances. Ces dernières semaines, le nom de Succès Masra est ainsi revenu avec insistance. Civil diplômé de Sciences-Po Paris, ce trentenaire dirigeant le mouvement d’opposition tchadien Les Transformateurs est une figure appréciée des capitales occidentales, qui multiplie ces derniers mois les opérations de charme en Europe et tout particulièrement en France, où il est courtisé par le Tout-Paris du lobbying. Visant l’élection à la magistrature suprême, ce natif du sud du pays a refusé de rejoindre le gouvernement d’union nationale, jusqu’à maintenant.
Sous la pression de son clan
Les faits et gestes de Mahamat Idriss Déby restent scrutés de près par le CMT, qui compte plusieurs généraux zaghawa ayant servi sous Idriss Déby. A mesure que le pré-dialogue de Doha s’est étendu, d’importantes dissensions ont émergé au sein du Conseil militaire de transition et du premier cercle de « Kaka ». Signe tangible de ces difficultés, la mise à l’écart, début juillet, d’Abdelkarim Idriss Déby, dit « Karimo« , le directeur du cabinet civil du président de transition. Il a été remplacé par Mahamat Hamid Koua, un ancien ministre du pétrole et des mines.
Abdelkarim Idriss Déby était devenu un rouage essentiel de la présidence tchadienne au côté de « Kaka », depuis le décès d’Idriss Déby Itno. Une autre figure de l’entourage de « Kaka » a été écartée ces dernières semaines : Idriss Youssouf Boy, le secrétaire particulier du président, a été limogé fin juin, sur fond d’accusation de détournement des revenus du pétrole tchadien. Dans le même temps, « Mahamat » a procédé à un léger remaniement le 9 juillet, remodelant les ministères de l’économie et du développement agricole.
Ces grandes manœuvres ont électrisé les luttes de pouvoir entre communautés, déjà palpables autour du Palais rose depuis la mort de l’ancien chef de l’Etat. Puissant patron de l’Agence nationale de sécurité (ANS) tchadienne, Ahmed Kogri, issu de la communauté gorane, se trouve placé sous le feu des critiques répétées de la part de plusieurs cadres zaghawa.
[…] #TCHAD #Politique : À l’international comme à N’Djamena, Mahamat Idriss Déby sous pression m… est apparu en premier sur Le […]