L’Union nationale pour le développement et le renouveau a décidé de rejoindre la coalition qui soutiendra le chef de l’État lors de la prochaine présidentielle. Un calcul politique pour l’ancien Premier ministre.

Saleh Kebzabo et Mahamat Idriss Déby.

La signature a un peu pris de court les plus fidèles observateurs de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) à N’Djamena. Célestin Topona Mocna, premier vice-président du parti, a paraphé le 19 février le mémorandum sur la création de la coalition de soutien à Mahamat Idriss Déby Itno pour la future élection présidentielle.

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Ce proche de Saleh Kebzabo officialise ainsi le ralliement de l’ancien Premier ministre à l’actuel chef de l’État et le fait que l’UNDR ne présentera pas de candidat face à lui. La décision, si elle n’est pas une surprise, intervient avant même la tenue du congrès de l’UNDR pourtant prévu dans quelques semaines.

« De toute façon, Déby Itno va gagner »

« J’ai été surpris car, habituellement, une telle décision se prend à l’issue d’un congrès du parti », avoue un proche de l’UNDR contacté par Jeune Afrique. Celui-ci ajoute cependant, fataliste : « L’UNDR se dit que, de toute façon, Mahamat Idriss Déby Itno va gagner. Le parti veut donc se concentrer sur les autres élections ».

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Nommé médiateur de la République après avoir été remplacé à la primature par Succès Masra le 1er janvier dernier, Saleh Kebzabo a entrepris de négocier un accord politique entre sa formation et les tenants du pouvoir, à savoir l’entourage de Mahamat Idriss Déby Itno et le Mouvement patriotique du Salut (MPS).

C’est en effet le MPS, ancien parti au pouvoir fondé par Idriss Déby Itno, et son secrétaire général Mahamat Zen Bada qui sont en première ligne de la coalition qui soutiendra la candidature de l’actuel chef de l’État à la prochaine présidentielle. Et Saleh Kebzabo compte bien obtenir une place de choix pour l’UNDR.

Un soutien à monnayer

« Même si Kebzabo a été remplacé, il n’y a pas eu de rupture entre lui et le chef de l’État. L’UNDR a conservé des ministres et Kebzabo a été nommé médiateur », explique notre source. Qui ajoute : « Déby Itno l’aurait bien gardé à la primature. Mais il a préféré nommer Masra, plus dangereux pour lui, pour le garder à l’œil et le mettre face aux réalités du pouvoir ».

L’ancien Premier ministre n’a pas pour autant renoncé à ce que son parti pèse dans les prochaines joutes politiques au Tchad. Grâce à son ancrage dans les deux Mayo-Kebbi, il peut offrir à Mahamat Idriss Déby Itno un contrepoids à un autre ancien locataire de la primature originaire de ces régions – et très probable candidat à la présidentielle -, Albert Pahimi Padacké.

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« Une coalition renforcée par l’UNDR offre au président-candidat une meilleure représentation dans le sud du pays, où Padacké et Masra visent des scores importants », confie un diplomate à N’Djamena. « En passant un accord politique préalable, l’UNDR sécurise une place de choix dans le paysage post-scrutin, sans avoir à faire campagne pour elle-même », ajoute cette source.

« Kebzabo a 76 ans, rappelle ce proche du parti. Il préfère monnayer son soutien plutôt que militer dans l’opposition. » En 1996, alors candidat arrivé troisième du premier tour de la présidentielle, il avait rallié Idriss Déby Itno au second avant d’obtenir le ministère des Affaires étrangères, et pour ses proches des postes au gouvernement ou à l’Assemblée nationale.

Législatives en ligne de mire

S’achemine-t-on vers ce scénario ? Avec un MPS affaibli par la mort de son fondateur en 2021, l’UNDR peut espérer être impliquée dans une cogestion du pouvoir. En outre, la nouvelle Constitution adoptée par référendum en décembre dernier prévoit le retour d’un poste très convoité – et potentiellement destiné à un homme politique d’expérience : celui de président du Sénat.

Médiateur pour cinq ans (mandat renouvelable une fois), Saleh Kebzabo vise-t-il ce perchoir, quitte à être remplacé à son poste actuel prématurément ? D’autres élections sont également dans le viseur des stratèges de l’UNDR, à savoir les législatives qui se tiendront à une date encore indéterminée après la présidentielle. De discrètes négociations sont actuellement en cours.

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L’UNDR n’est toutefois pas la seule à vouloir récolter les fruits de son soutien à Mahamat Idriss Déby Itno, que ce soit lors du dialogue national de 2022 ou lors du référendum constitutionnel de 2023. Plusieurs autres partis ou ex-groupes politico-militaires espèrent aussi trouver leur place dans la future union post-présidentielle, qui pourrait regrouper plus d’une centaine de formations politiques.

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« Kebzabo a fait le choix de trouver un accord préalable à l’élection présidentielle, là où d’autres partis, comme celui d’Albert Pahimi Padacké par exemple, vont attendre, présenter leur candidat et espérer faire un score suffisant pour peser après le scrutin. Ce qui est sûr, c’est que le nouveau paysage politique tchadien est déjà en train de se construire », conclut notre diplomate.

Jeune Afrique

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