AGIR ENSEMBLE POUR LA RECONSTRUCTION DE L’ÉTAT ET DE LA NATION.      

POINT DE PRESSE RELATIF AUX DÉTOURNEMENTS MASSIFS DES FONDS PUBLICS ET LEURS CONSÉQUENCES

COORDONNATEUR, PORTE-PAROLE, SALIBOU GARBA

N’Djamena, le 06 juillet 2022

Mesdames et Messieurs les Journalistes,

Bonjour !

Merci d’avoir répondu avec promptitude à notre invitation à ce point de presse destiné, actualité oblige, à vous entretenir de l’accaparement des richesses du pays, par cette oligarchie insatiable.

Il vous souviendra que de tout temps, nous avions dénoncé le pillage à ciel ouvert du Tchad qui, pour certains serait de l’incantation ou du classicisme des dénonciations puériles des acteurs politiques. Mais, en ce matin du 24 juin 2022, le ciel tchadien est déchiré par un coup de tonnerre : l’opinion apprend médusée, l’arrestation et le limogeage au motif de détournements de fonds pétroliers du tout-puissant Secrétaire particulier du Président du Conseil Militaire de Transition dont la nomination fut le tout premier des actes posés par le nouvel arrivant. Comprenne qui pourra. Stupéfaction, incrédulité, jusqu’à la déclaration du gouvernement qui confirme de l’existence d’un réseau ombrageux aux nombreuses ramifications ou à large spectre.

Le moment de la surprise passé, les tchadiens sont en droit d’attendre des réponses claires aux questions suivantes :

  • Le désormais ex. Secrétaire particulier a-t-il agi seul ou a-t-il bénéficié de complicités ? Les responsables de la société en question, la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT) ont été simplement limogés, mais laissés en liberté ?
  • Que sont devenus les fonds soutirés, où sont-ils logés, à quoi ont-ils servi ? quels sont les receleurs ? Dans tout ça, a-t-on commis un huissier pour le constater ?
  • Pourquoi l’illustre interpellé et le dossier y relatif ne sont toujours pas confiés à la justice, mais gardés à l’ANS, police politique, propriété du clan au pouvoir ?

Mesdames et Messieurs les Journalistes,

Ce scandale étale au grand jour la manière dont les ressources nationales, y compris les aides internationales, sont siphonnées au détriment du développement d’un pays qui campe aux derniers rangs des classements mondiaux dans tous les domaines de la vie économique et sociale. Le « Allah lékou, cessez de voler » du défunt Président n’y a rien fait. Le phénomène ne fait qu’empirer, devant le délitement toujours croissant des institutions de l’État.

Pas l’ombre de la mise en œuvre de la prescription du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine qui attribue au Premier Ministre et à son gouvernement la prérogative de la gestion des questions politiques, économiques, financières et sociales du pays.

Les textes de la République relatifs au contrôle des ressources et biens publics sont ignorés. Les responsables au plus haut niveau de l’État font-ils la déclaration de leurs biens à leur entrée en fonction et à leur départ ? Des villas, plus cossues les unes que les autres, poussent comme des champignons, surtout dans les nouveaux quartiers et la périphérie de la capitale avec des vergers qui s’étendent sur des dizaines et des dizaines d’hectares. Entre temps, les populations croupissent dans une misère étouffante et l’on déclare l’urgence alimentaire dans un paradoxe où des dizaines de tonnes de produits alimentaires sont incinérés. C’est le lieu d’exprimer notre consternation face à cette pratique incompréhensible de gestion de la prévention des calamités, les crises alimentaires en particulier. La ruée des populations vers ces lieux d’incinération pour en sauver quelques graines ou quelques bidons d’huile sous des salves de grenades lacrymogènes, en est une triste illustration.

La loi inspirée par les organisations internationales et sous-régionales, notamment l’Union Africaine et la CEMAC, réprimant l’enrichissement illicite est tout simplement et ostensiblement ignorée. La Cour des Comptes, inopérante, a été supprimée dans le cadre de la mise en place de la présidence intégrale, avant d’être restaurée, sous les pressions des organisations sous-régionales, l’Union Africaine et la CEMAC en l’occurrence. Là aussi, tout a été mis en place pour la rendre inefficace.

L’organe de contrôle de l’action gouvernementale n’a pas diligenté une seule enquête sur la gestion des entreprises à forts capitaux d’État. Avec ce scandale SHT confirmé par le gouvernement qui parle d’une « situation très grave », les rapports de l’ITIE, ainsi que ceux de nombreuses institutions de gestion et de suivi de nos ressources économiques et financières notamment pétrolières ont perdu de leur fiabilité et de leur pertinence. L’ampleur des dégâts est indicible : tous les secteurs, toutes les régies de recettes, sont en réalité vampirisés, tout ce qui est susceptible de rapporter.

Les populations tchadiennes qui croupissent dans l’extrême pauvreté, les travailleurs dont les conditions de travail sont des plus déplorables et qui crient du fait de la détérioration du pouvoir d’achat, perdent patience et ne sont plus enclins à entendre les appels à la raison du gouvernement. Le Tchad ne doit pas fonder son existence sur l’assistanat sur le plan international, alors que ses élites, engluées dans une gestion clanique et familiale, s’illustrent ostensiblement dans l’accaparement insultant des richesses nationales.

On ne peut pas raisonnablement prétendre qu’un État où les conflits d’intérêts ne sont pas bannis, où les lois et règlements ne sont pas observés, où la notion de redevabilité n’existe pas, que c’est État est une République.

Mesdames et Messieurs les Journalistes,

Est-il normal que, dans ce contexte, les partenaires bilatéraux et multilatéraux à qui ce gouvernement tend continuellement la main pour demander assistance, puissent prêter des oreilles attentives ? Nous pensons que l’heure est arrivée pour que ceux-ci, à la lumière de ces évènements, reconsidèrent leur position de façon à ce que les populations ne puissent plus souffrir de ce brigandage d’État.

La généralisation, ainsi que la banalisation des détournements et de la corruption enfoncent davantage le pays dans le chaos que nous voulons conjurer, si l’on en juge par :

  • les massacres qui endeuillent quotidiennement dans toutes les régions du pays ;
  • l’exacerbation des sentiments communautaristes, favorisée par les iniquités et la gestion familiale de l’État ;
  • l’incapacité en quatorze (14) mois de gouvernance (calamiteuse) d’organiser, dans l’inclusion, le consensus et la transparence, un dialogue national inclusif et souverain en vue de la légitimation d’une transition dont la durée est fixée à dix-huit (18) mois et la refondation d’un État qui sera le gage de notre capacité à construire une nation.

Au-delà des scandales dans la gestion des ressources du pays, les tchadiens, ainsi que les sincères partenaires internationaux, dans les domaines politiques et économiques, sont en droit de s’interroger sur la capacité de l’attelage CMT-MPS, et leurs alliés anciens et nouveaux, de conduire une transition réellement inclusive, consensuelle et apaisée, de manière à ouvrir la voie à la refondation de l’État tchadien. À l’allure où vont les choses, rien n’est moins sûr. Devant cet échec patent où l’attelage CMT-MPS et nouveaux alliés est totalement discrédité, les patriotes tchadiens doivent relever le défi de la mobilisation dans l’union pour sortir de ces convulsions chaotiques et sauver la transition.

C’est donc un devoir patriotique de s’engager résolument dans la bataille pour obtenir l’organisation d’un dialogue dont les préparatifs ne seront pas un simulacre d’inclusion, un simulacre de consensus et un simulacre de transparence. Disons-le clairement, le CODNI et le travail qui y est fait ne visent ni plus ni moins qu’à enfermer le pays dans la continuation de cette gestion mafieuse, clanique, familiale et appauvrissante pour le peuple laborieux. Les tchadiens aguerris, après plus de trente ans de vécu de ce régime, ne se laisseront pas abuser davantage. Nos partenaires internationaux devraient comprendre la profondeur des nombreuses alertes émanant surtout de la jeunesse, porteuse de la nouvelle espérance. L’intérêt de tous est en jeu. Le salut n’est pas dans la fuite en avant, comme on le voit chaque jour, à travers les propos, décisions et actes de ceux qui se sont accaparé de tout l’appareil étatique. C’est maintenant que le CMT et ceux qui le parrainent doivent marquer le pas, prendre acte des nombreuses alertes et changer de direction ; ne perdons pas davantage de temps ; ce serait une périlleuse et coupable méprise.

                              Je vous remercie

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