La situation d’instabilité politique chronique au Tchad est le corolaire d’une mauvaise gouvernance administrative, financière et économique dans laquelle se trouve plongé notre pays depuis plusieurs décennies. Cette situation particulière, opaque volontairement créée par l’ancien régime, en dépit d’une embellie économique due aux ressources pétrolières se poursuit aujourd’hui avec la junte au pouvoir.

En perspective de la tenue du dialogue national inclusif, l’analyse d’une telle situation ne doit pas être écartée pour situer les responsabilités des uns et des autres. Car, Il ne s’agit pas seulement d’une crise économique volontairement mise en place mais d’un crime économique dont les responsabilités doivent être situées et sanctionnées. Cette situation touche l’ensemble des secteurs publics du pays.

De la gestion du pays.

En dépit des discours trompeurs, tous les moyens de l’État continuent d’être gérés par une clique familiale qui confond l’État et la famille, biens publics et biens personnels par un système d’accaparement mis en place au niveau de tous les leviers ( moyens ) de l’État ( vente des édifices publics pour leur compte, sous forme d’attributions ou de dons), accaparement de tous les services générateurs des ressources de l’État (sociétés d’État, Douanes, Impôts, Trésor public, Bureau National de Fret, Sociétés de régulation des téléphones mobiles, Sociétés pétrolières, détournement à travers les sociétés écran ou Fondation bien connues, Privatisations des Sociétés d’État au profit des individus au franc symbolique etc).

De plus, toutes les institutions qui génèrent la richesse d’un pays sont gérées dans une opacité sans pareil. Les financements de l’État et les recettes propres prennent d’autres directions.

Au niveau du Trésor public les règles de la comptabilité publique ne sont pas observées ni même les rapports hiérarchiques, cette situation mise en place renverse les rapports administratifs habituels mais installe aussi un conflit entre ordonnateur national et ses exécutants entraînant de ce fait des opérations importantes des fonds sans une moindre traçabilité qu’exige une compatibilité publique.

De même, pendant que la crise artificielle est créée bloquant des fournisseurs de l’État d’avoir le prix de leurs fournitures, des fonds importants sont prélevés pour achats des armes sophistiqués et des moyens roulants avec des marchés opaques qui ne respectent aucune procédure légale, pendant que l’opinion nationale se prépare pour un dialogue national inclusif. Bref, tout est opportunité pour vider et détourner les comptes publics.

Du contrôle parlementaire ou du CNT.

Le Conseil National de Transition (CNT) dont la majorité des membres est acquise pour n’importe quelle décision à prendre, est dirigé par une personnalité elle-même connue pour son manque de notoriété et de sa complaisance vis à vis de « l’exécutif ».

Un CNT jouant le rôle d’un parlement novice car incapable de faire jouer son rôle de contrôle parlementaire si bien qu’au niveau du gouvernement des pans entiers qui constituent la richesse du pays échappent à un contrôle parlementaire.

En matière des recettes, malgré une hausse des prix du cours mondial de pétrole, les prévisions de recettes du budget continuent toujours d’être indexées sur la chute du prix du brut que l’on a connu pendant la crise pétrolière. Or le budget qui doit obéir à une orthodoxie doit tenir compte de l’évolution en hausse du prix du pétrole ces dernières périodes sur le marché international en le rendant public.

Le black-out sur le niveau de recettes provenant des ressources pétrolières, l’absence d’un contrôle parlementaire du budget volontairement observé, donnent un quitus à ceux qui pompent impunément les ressources de l’État à des fins autres que celles que doit prévoir le budget national.

Un silence du parlement sur l’état de lieu de notre économie arrange bien des situations car par ce biais que des ressources importantes échappent aux circuits officiels et servent à acheter des matériels militaires à travers des lobbies dont leur seul souci est de bénéficier des retours sur achats (rétro-commissions).

Le peuple tchadien n’a aucun recours face à cette situation ni à travers son parlement moribond ni à travers les services de contrôle dont les responsables sont choisis parmi les gens du sérail. Les vieux politiciens de l’opposition qui criaient sur les toits comme Saleh Kebzabo et Alhabo, sont entrés dans la danse, fatigués et vieillis, appauvris ils ont choisi la Real-politique, ce qui a laissé un champ plus libre aux détournements et à la légalisation de leur forfaiture à travers un parlement de nom.

Ces derniers en étant dans le système participent et cautionnent eux aussi la même situation qu’ils ont combattue et deviennent redevables au même titre que ceux contre lesquels ils ont lutté.

Quand une clique familiale cherche à amuser tout un peuple il n’y a que des débats sincères et francs qui vont permettre au Tchad de partir sur une nouvelle base.

De la politique de transition

Toute analyse faite, on tend vers une réédition du même système que l’on a connue en 1993, et le fameux « dialogue national inclusif  » s’il aura lieu ne débattra pas sur des vraies questions importantes de fond telles que :

– La réforme totale de l’armée par la dissolution des groupes paramilitaires telle que la DGSIE et leur reversement, dans une armée nationale réformée avec un commandement unique répondant aux besoins sécuritaires, de développement, de la défense et de l’intégrité du territoire national etc.… ;

– Le retour au pays des éléments engagés hors du Tchad servant des boucliers à l’Armée française engagée dans le Sahel ;

– L’amnistie générale y comprise une amnistie à titre posthume des anciens chefs d’État avec droits aux ayant droits ;

– Une nouvelle constitution portant sur la Réforme de l’administration par le retour des anciennes structures administratives, des chefferies traditionnelles créés dans un but politique de cautionnement des fraudes électorales.

De la forme de l’État 

Depuis quelques années, l’on a cessé de parler de décentralisation, de déconcentration administrative sans que rien ne change dans la pratique. Cependant pour un pays comme le Tchad dont le tissu social tend à s’effriter, grâce aux discours politiques communautaristes, la seule réponse est la création d’un État fédéral pour renforcer les initiatives locales : le Centre doit se nourrir de la périphérie disait un théoricien développementaliste.

* Révision du code des partis politiques par la limitation de leur nombre à dix environ. Les partis dont les programmes se ressemblent doivent se fusionner même ces derniers doivent être représentatifs pour éviter le communautarisme ;

* Création d’une institution indépendante et autonome de contrôle et de répression contre les détournements dont le mode opératoire doit se baser sur non seulement les détournements mais sur l’enrichissement apparent ;

* Audits sur la gestion du patrimoine de l’État et des détournements des deniers publics ;

* Audits de tous les projets et les marchés attribués complaisamment aux membres de la famille en 2008 ;

* Audits sur la gestion des aides extérieures et des recettes provenant des ressources pétrolières et douanières ;

* Audits des fonds placés hors du Tchad à travers les concours des organismes anti- blanchissement d’argent ;

* Répertoire des bâtiments publics vendus ou cédés ainsi que tous les domaines de l’état bâtis ou non bâtis complaisamment cédés aux tierces personnes ;

* Suppression des structures de contrôle dont les missions se chevauchent ;

* création d’une Cour de compte de l’État ;

* Recensement de tous les projets et analyses de leur niveau d’exécution et de la qualité de leurs travaux effectués ;

* Création des corps des métiers en priorisant les domaines de métiers qui participent au développement du pays (ingénieurs, agronomes, vétérinaires, médecins, etc.…) ;

* Création d’un plan d’intégration de tous les diplômés et leur redéploiement dans les provinces ;

* Création de tous les services de l’État conformément à l’organigramme prévu dans les provinces ceci en respect à la notion de déconcentration de l’administration publique car l’arrière-pays est vide, et cette situation exige un déploiement des ressources humaines suffisantes ;

* Faire en sorte que tous les grands travaux soient assurés par les nationaux ou avec les sociétés étrangères quand s’il s’agit des travaux qui nécessitent une expertise extérieure ;

* mettre l’accent sur les travaux en régie ;

* Redéploiement d’un certain nombre des ingénieurs dans l’Armée nationale pour s’acquitter des tâches de génie militaire (construction des pistes, aéroports, travaux agricoles, reboisements, enseignements scientifiques et techniques etc.…) ;

* Révision des grades de l’Armée de manière que l’âge, la durée dans l’Armée, les compétences et les critères soient respectés dans l’acquisition des grades.

Du rôle de l’Armée 

* l’Armée doit être apolitique ;

* Elle doit veiller au respect de la constitution et la défense du territoire en cas de menace extérieure ;

* N’intervient dans les problèmes politiques internes que quand la vie de la Nation tchadienne est en danger par des luttes internes compromettant l’avenir de la Nation ;

* Son rôle s’arrête dès que la situation redevient à la normale.

* L’Armée ne doit être au service d’un individu ;

* l’Armée ne doit pas s’adonner à des fonctions lucratives tout comme tous les fonctionnaires émergeant sur le budget de l’État.

De la formation des ressources 

* Création d’un centre d’étude et des recherches scientifiques post doctoral en vue de mettre en pratique toutes les connaissances acquises. Pendant que les universités et instituts continuent leur formation, ce centre devient alors celui de formation d’excellence qui va accueillir les meilleurs diplômés. Un pays doit se projeter dans l’avenir. Cependant, il y a des besoins urgents à satisfaire et qui n’attendent pas que toutes ces structures se mettent en place, ce sont les besoins en matière de conception et de réalisation des projets d’avenir comme en matière d’énergie solaire. Certains pays ont développé leur agriculture et leur élevage grâce à l’énergie solaire.

Notre pays où la vitesse du vent est une des plus élevée, où le soleil existe toute l’année, offre beaucoup d’opportunités en matière de développement de l’énergie dite propre pour développer son élevage, son agriculture extensive en privilégiant la formation des agents agricoles, des agents d’élevage et d’encadrement dans tous les domaines porteurs. Cependant les handicapes actuels, les tares, les implications extérieures dans ce qui guide notre propre avenir, les facteurs géopolitiques qui pèsent sur notre pays vont ils nous permettre de regarder vers notre avenir commun.

Certes, beaucoup de nos compatriotes fondent leur espoir sur une issue heureuse du fameux « dialogue national inclusif » dont on parle mais l’expérience de 1993 a montré ses limites car les gouvernements qui se sont succédé n’étaient pas à la hauteur d’exécuter des résolutions. C’était donc une conférence des dupes.

Cependant le contexte actuel avec ses forces en présence, le ras le bol de la majorité des Tchadiens vont-ils avoir raison sur ceux qui tenteraient une fois encore de détourner la volonté populaire car ceux qui pensent aujourd’hui que ce sont les mêmes schémas qui vont être utilisés pour se pérenniser au pouvoir se trompent d’analyse.

C’est pourquoi, pour une fois, le sérieux doit guider nos esprits et profiter de cette opportunité pour poser les jalons de notre stabilité, la priorité doit être donnée aux idées et non à la force.

Ce dialogue national inclusif sera donc l’occasion aux politiciens de tous les horizons, aux politico-militaires dans leur ensemble de se retrouver au tour d’une table pour panser les plaies une fois pour toute et de manière définitive. Cependant toutes discussions et débats doivent porter sur une formule d’un État fédéral où toutes les composantes se sentent responsables dans un Tchad uni loin des convoitises extérieures.

Que prime la force des idées sur celle de la force.

Que Dieu le tout puissant puisse donner la force et le courage à tous ceux qui luttent pour la justice et le droit chemin vers la paix.

Point de vue de « Toubou Gorane Donza »

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