Arrêté en septembre 2020, quatre ans après s’être reconverti dans le privé, l’ex-ministre du Pétrole Djerassem Le Bémadjiel reste incarcéré sans jugement. La campagne présidentielle, à laquelle le président Idriss Déby aurait souhaité associer l’ex-ministre, doit bientôt s’ouvrir.

Malgré la demande de libération déposée le 4 décembre par ses avocats, l’ingénieur tchadien Djerassem Le Bémadjiel, qui fut ministre du Pétrole de 2013 à 2016, a passé le réveillon en prison. Il a été arrêté chez lui en septembre, suite à une plainte de l’Inspection générale d’État (IGE) du Tchad. Celle-ci lui reproche d’avoir approuvé le paiement de 25 factures d’un montant cumulé de 16,9 millions de dollars au consultant Alex Stewart International (Africa Intelligence du 19/07/16). L’ancien ministre attend la conclusion de l’instruction pour être jugé tout en contestant, par le biais de ses avocats, les conditions de son arrestation et de son incarcération.

L’affaire est suivie de très près par la présidence, animée d’une rancune tenace envers Djerassem Le Bémadjiel. Ce dernier fut également, en 2012, le principal conseiller pétrolier du chef de l’État, Idriss Déby, et le négociateur de tous les accords qui lient le pays à Glencore. Le premier cercle présidentiel a très mal pris le choix du ministre de quitter ses fonctions en 2016 pour se recentrer sur ses activités d’ingénieur – il opère une société qui développe des brevets de pompe à eau.

Le ministre a non seulement mis un terme à sa charge, mais également abandonné tous ses mandats officiels, notamment au sein du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti d’Idriss Déby. Après son départ, une kyrielle de personnalités dépourvues d’expérience pétrolière se sont succédé aux principaux postes de responsabilités du pays dans ce secteur (Africa Intelligence du 30/05/17), tandis que l’ex-ministre faisait l’objet de dix enquêtes successives de l’IGE pour les paiements autorisés à Alex Stewart. Ce cabinet, fondé par l’Argentin-Américain Enrique Segura, vendait à l’époque ses services dans toute l’Afrique et menait, pour le compte des pays qui l’employaient, des audits très agressifs envers les opérateurs pétroliers, ce afin de permettre ensuite aux services fiscaux de négocier des redressements.

Pressions électorales

À l’approche de la présidentielle, la pression qu’exerçait le régime tchadien sur Djerassem Le Bémadjiel a brusquement augmenté : les questions pétrolières seront au cœur de la campagne. Or, sur ce sujet, le bilan du président sortant, qui souhaite se représenter pour un sixième mandat malgré ses problèmes de santé, est en demi-teinte : les majors ont quitté le bassin de Doha les unes après les autres (Africa Intelligence du 03/03/20) et les relations avec Glencore, le dernier partenaire du pays, sont exécrables (Africa Intelligence du 26/06/20).

Idriss Déby espérait faire monter au créneau des spécialistes pour défendre son bilan, mais, à ce jour, ceux-ci lui font cruellement défaut. La présidence tchadienne espérait en outre faire de Djerassem Le Bémadjiel un relai dans sa région d’origine de Mandoul, le long de la frontière avec la Centrafrique.

Tchadanthropus-tribune avec la lettre du Continent

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