Au pouvoir depuis un peu plus d’un an, le fils d’Idriss Déby Itno tente d’amener le pays jusqu’à la présidentielle. Entouré d’une jeune garde très impliquée dans la vie politique, il mise aussi sur quelques anciens.

Les proches de Mahamat Idriss Déby Itno. © Montage JA

 

 

Voici un an, alors que le maréchal Idriss Déby Itno était mort depuis moins d’un mois, chaque Tchadien n’avait qu’une question en tête : comment Mahamat Idriss Déby (qui n’avait pas encore ajouté Itno à son patronyme) allait-il gouverner le pays ? Les uns, soulignant son jeune âge, l’imaginaient sans peine en marionnette d’un système qui survivrait tant bien que mal à son père. D’autres craignaient son ambition, qui ne manquerait pas selon eux de s’affirmer au fil des mois passés à la tête de l’État.

Beaucoup, surtout, attendaient de voir, guettant les faux-pas et les signaux, positifs ou négatifs. Finalement, Mahamat Idriss Déby Itno en a surpris plus d’un. La plupart de ses interlocuteurs, tchadiens ou étrangers, le disent « attentif », « à l’écoute » et attaché à la réussite d’une transition, laquelle devait durer dix-huit mois mais jouera inévitablement les prolongations – sans que la faute n’incombe uniquement au chef de l’État. C’est un fait : « Kaka », tel qu’il est surnommé, a su s’entourer.

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Sur le plan politique et financier, sa « jeune » garde ne le quitte pas et lui sert de relais avec l’administration et les partis politiques, lesquels attendent avec impatience le dialogue national qui devait se tenir en mai à N’Djamena, avant d’être reporté. Le président de la transition compose également avec les « anciens » de l’entourage d’Idriss Déby Itno, tenants de l’armée essentiellement issus des communautés zaghawa et gorane et indispensables à la stabilité du pays.

Il est le grand ordonnateur de la présidence. Secrétaire particulier de Mahamat Idriss Déby Itno, Idriss Youssouf Boy en est aujourd’hui le premier collaborateur et confident. Militaire de carrière, il gère aussi bien l’administration du palais que l’agenda du président de la transition et a réalisé une ascension très remarquée dans son premier cercle depuis un an.

Cet ancien numéro 2 de l’Agence nationale de sécurité (déjà dirigée par Ahmed Kogri à l’époque) s’est imposé comme l’interlocuteur incontournable pour toute personnalité voulant avoir accès à Mahamat Idriss Déby Itno. Son influence fait grincer des dents chez des acteurs plus anciens, comme l’ex-directeur de cabinet Abdoulaye Sabre Fadoul qui lui doit en partie son éviction, ou encore au sein du Conseil militaire de transition.

Il a longtemps été l’adjoint qui tirait les ficelles, celui qui n’était officiellement que numéro deux mais dont chacun connaissait la véritable influence. Depuis avril et le départ d’Abdoulaye Sabre Fadoul, Abdelkerim Idriss Déby a enfin pris la tête du cabinet du président de la transition. Demi-frère de Mahamat Idriss Déby Itno, formé à l’académie militaire américaine de West Point et passé par le ministère des Affaires étrangères, il est son principal relais dans le milieu politique, auprès du gouvernement d’Albert Pahimi Padacké, mais aussi des partis, notamment le Mouvement patriotique du salut (MPS) d’Haroun Kabadi.

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À trente ans, il dispose déjà d’une solide expérience du marigot politique tchadien. Numéro deux du cabinet de Idriss Déby Itno, il avait été l’un des principaux organisateurs de la campagne pour sa réélection en 2021, notamment au sein des mouvements de jeunesse du MPS, alors au pouvoir. Il a conservé ces relais précieux, lesquels font de lui un acteur central des joutes politiques autour du futur dialogue national.

Il est en liaison permanente avec le président de la transition. Ancien attaché de défense à l’ambassade du Tchad en France, où il a tissé des liens avec la Direction générale de la sécurité extérieure française (DGSE), Ahmed Kogri est depuis 2017 le patron de l’Agence nationale de sécurité (ANS), les renseignements tchadiens. Actif à domicile comme à l’étranger, il est en première ligne des dossiers de la crise en Centrafrique, du pré-dialogue organisé au Qatar avec les groupes politico-militaires, ou encore du rapprochement avec Israël.

Originaire de Faya, cet officier de gendarmerie ne manque pas de détracteurs au sein des renseignements et de l’armée – où certains grands anciens, notamment l’un de ses prédécesseurs, Mahamat Ismaïl Chaïbo, lui prêtent une grande capacité de nuisance. Fort des nombreux dossiers de renseignements en sa possession, il a cependant réussi à conserver la confiance de Mahamat Idriss Déby Itno et à échapper à une éviction, que la rumeur a encore annoncée en avril dernier.

Depuis son accession à la tête de l’État, Mahamat Idriss Déby Itno a noué une relation de confiance certaine avec le ministre des Finances et du Budget du gouvernement de transition. Tahir Hamid Nguilin est ainsi l’un des rares membres de l’équipe d’Albert Pahimi Padacké à s’entretenir quasiment quotidiennement et directement avec le président, lequel apprécie sa maîtrise des dossiers financiers nationaux et internationaux.

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Quadragénaire, formé au Cameroun et à la BEAC, il a été directeur général du Trésor, des Impôts puis de la Société des hydrocarbures du Tchad, et a occupé tous les postes de premier plan de l’économie nationale, avant de se voir nommer au gouvernement en 2019 par Idriss Déby Itno. L’actuel chef de l’État lui fait notamment confiance pour traiter avec les bailleurs internationaux, FMI en tête.

Ils ont été les piliers du pouvoir d’Idriss Déby Itno et restent incontournables depuis son décès, tant leur influence dans l’armée et au sein de la communauté zaghawa est importante. Consultés sur toutes les grandes décisions, ces cinq généraux font partie du Conseil militaire de transition, l’organe exécutif présidé par Mahamat Idriss Déby Itno, qui se réunit chaque semaine et dont ils sont les personnages-clés.

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S’ils sont moins influents au jour le jour qu’Idriss Youssouf Boy ou Abdelkerim Idriss Déby, ils sont les garants de la stabilité de l’appareil militaire tchadien. Abakar Abdelkerim Daoud est aujourd’hui le chef d’état-major général des armées, tandis que Mahamat Ismaïl Chaïbo continue d’utiliser ses réseaux d’ancien directeur général de l’ANS, tout comme Taher Erda Tairo, ancien patron des renseignements militaires, aujourd’hui à la tête de la Direction générale des services de sécurité des institutions de l’État.

Bichara Issa Djadallah occupe quant à lui une place centrale, notamment dans la relation avec le Soudan – son cousin n’est autre que Mohamed Hamdan Dogolo, vice-président du Conseil de souveraineté de transition soudanais. Enfin, le Toubou Oki Mahamat Yaya Dagache (dont l’épouse est la tante de l’ancienne Première dame Hinda Déby Itno), ancien conseiller spécial d’Idriss Déby Itno, a lui aussi conservé une place de choix. L’actuel chef de l’État se garde bien de le froisser, comme les autres généraux.

Il n’est pas le plus connu des généraux de N’Djamena mais tous ont appris à se méfier de lui. Idriss Dokony Adiker, ministre de la Sécurité publique, garde jalousement la main sur tous les dossiers qui touchent à la sécurité intérieure du pays, de la police aux renseignements généraux. Originaire de Fada, ce militaire formé au Zaïre et en France et passé par la rébellion du Front de libération nationale du Tchad (Frolinat) a un temps été président du Comité olympique et sportif tchadien.

Il est le principal relais entre Mahamat Idriss Déby Itno et les forces du maintien de l’ordre, et notamment Moussa Haroun Tirgo, le directeur général de la police nationale, en première ligne face aux manifestations de la société civile, en particulier à N’Djamena. Ce dernier, lui aussi général et apprécié par les hommes de terrain, a été plusieurs fois gouverneur, au Logone Oriental, au Sila et au Mayo-Kebbi.

S’il n’a pas l’influence des généraux du Conseil militaire de transition dont il ne fait pas partie, Oumar Souni est un des interlocuteurs réguliers du chef de l’État. Mahamat Idriss Déby Itno est marié à sa fille, Dahabaya Oumar Souni, laquelle a occupé un poste de communicante au sein du palais présidentiel sous Idriss Déby Itno avant de devenir, sous la transition, conseillère en communication de son époux.

Ancien commandant de la Garde nationale et nomade du Tchad (GNNT) et ex-chef d’état-major de l’armée de terre, le général Oumar Souni dispose d’un poids non négligeable au sein des communautés goranes, dont il fait partie en tant que natif de l’Ennedi-Ouest. Soucieux d’entretenir de bons rapports avec ces notables, qui sont, avec les Zaghawas, l’un des deux piliers du pouvoir tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno manque rarement de le consulter.

Jeune Afrique

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