« Deux ans après le décès d’Idriss Déby Itno, le Tchad reste debout »

La mort du maréchal a laissé le pays face à une transition aux défis multiples, que son fils Mahamat Idriss Déby Itno s’efforce de relever, maintenant la main tendue aux Tchadiens absents des assises de Doha et de N’Djamena, souligne Jean-Bernard Padaré, ministre d’État et conseiller à la présidence.

Le 20 avril 2021, le chef de l’État tchadien, le maréchal Idriss Déby Itno, décédait dans des conditions tout aussi soudaines que brutales. Les inquiétudes qui s’emparèrent du pays étaient d’autant plus légitimes et fondées que, depuis son arrivée au pouvoir le 1er décembre 1990, le président s’était employé sans répit, au prix de moult sacrifices, à force de dialogue, et, lorsque cela était nécessaire, de concessions à ses adversaires politiques, à solidifier l’appareil d’État, à garantir la stabilité du pays et à protéger ses frontières.

Il tenait à ces deux piliers de son projet politique comme à la prunelle de ses yeux, raison pour laquelle il s’en est allé les armes à la main, sur le champ d’honneur de la défense de la patrie et de l’intégrité territoriale du Tchad.

Un dialogue réellement inclusif

Deux ans après la disparition tragique de Déby Itno, le Tchad demeure debout, les institutions sont solides. Compte tenu du rôle pivot que le défunt président a longtemps assumé dans la gestion des affaires du pays, les forces politiques, les acteurs de la société civile, nos principaux partenaires au développement ont estimé à l’unanimité la tenue nécessaire d’une vaste concertation entre les forces politiques et les acteurs de la société civile, sans exclusive.

À l’issue de ces assises, les Tchadiens ont défini de manière consensuelle les contours d’un nouveau projet de refondation de l’État et de progrès, en vue d’une paix réelle et durable.

Au commencement, l’équipe chargée de l’organisation de cette grand-messe avait mis en place les pré-dialogues dans les 23 provinces du pays. Des pourparlers de paix qui ont été concrétisés par les rencontres de Doha au Qatar entre les différents groupes armés alors en désaccord sur les lignes d’horizon du pays. Ce premier round des négociations inter-tchadiennes en prélude au Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) trouvait sa raison d’être dans la singularité de la scène politique intérieure du Tchad. En effet, au regard du poids des groupes armés dans l’espace politique national, il apparaissait indiqué de faire précéder la paix des âmes par la paix des armes.

A posteriori, le choix de cette méthode de cheminement vers la paix fut clairvoyant, même si certaines parties conviées à ces pourparlers n’ont pas été, in fine, signataires des accords de Doha ou des conclusions du DNIS. De ces assises, on retiendra non seulement la présence constructive de groupes armés – et non des moindres –, mais aussi, et surtout, leur participation au gouvernement d’union nationale, qui gère depuis le 12 octobre 2022 les affaires du pays.

Singularité politique

Les assises du DNIS furent le second round de la feuille de route des autorités de la transition pour préserver la stabilité du Tchad et impulser les mutations institutionnelles, notamment le retour à l’ordre constitutionnel. Autant d’étapes qu’ont rendues nécessaires les évolutions de notre société et les enjeux de notre environnement géopolitique. Le chef de l’État Mahamat Idriss Déby Itno, soucieux d’associer la nation tout entière à l’œuvre de construction de notre pays, a nommé dès son entrée en fonction un Premier ministre civil en la personne d’Albert Pahimi Padacké, que remplacera dix-huit mois plus tard Saleh Kebzabo.

Le chef de l’état maintient la main tendue aux tchadiens absents à ces assises.

La nomination de cet opposant historique traduit, s’il en était encore besoin, la volonté de large ouverture du président, à savoir renforcer la cohésion nationale, dans le droit fil de la philosophie politique de son prédécesseur, ainsi que de celles des négociations de Doha et des conclusions du DNIS. Pour s’en convaincre davantage, la physionomie du gouvernement d’union nationale possède cette singularité dans l’histoire politique de notre pays de rassembler en son sein, des personnalités fortes et de poids.

La nouvelle équipe s’échine depuis les premiers instants de son entrée en fonction à poser les balises qui conduiront le pays jusqu’aux prochaines consultations électorales et donc au retour à l’ordre constitutionnel. Si ces échéances tiennent une place centrale dans la feuille de route du gouvernement, celui-ci s’attèle dans le même temps à conduire les divers chantiers de développement indispensables à l’émergence du pays, qu’ils soient sociaux, infrastructurels ou institutionnels.

Une certaine lecture de la situation politique présente pourrait objecter qu’à Doha comme à N’Djamena, tous les acteurs politiques ou de la société civile n’ont pas été signataires des accords de paix, et par conséquent ne sont pas solidaires de la transition. Nous ferions observer que le chef de l’État maintient la main tendue aux Tchadiens absents à ces assises, comme il l’a martelé dans son discours de clôture du DNIS.

Étape cruciale

Au Mouvement patriotique du salut (MPS), nous avons conscience que la transition ne sera pas un long fleuve tranquille. Les événements du 20 octobre 2022 en sont l’illustration tragique. Toutefois, nous exhortons les autorités de la transition à maintenir le cap du rassemblement des Tchadiens.

Le prochain référendum en vue de l’adoption de la forme de l’État et celle d’une nouvelle constitution, socle des institutions de notre pays et de notre vivre-ensemble sera en ce sens une étape cruciale. Il y a d’ores et déjà lieu de se réjouir de voir certains de nos compatriotes retrouver la liberté à l’occasion des récentes mesures de clémence du chef de l’État. Nous l’encourageons autant que faire se peut à persévérer dans la réconciliation entre Tchadiens. Et ceux de nos compatriotes qui ont délibérément décidé de s’autoexclure du processus en cours, nous les exhortons à rejoindre leur juste place au sein de la République.

Enfin, il va de soi que face à tous ces défis, l’appui multiforme de nos partenaires demeure vital. Jusqu’au terme de la deuxième phase de la transition en cours, notre pays aura besoin de l’accompagnement de tous. La réussite de la transition est dans l’intérêt de tous les Tchadiens et de tous ses amis.

Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique

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