Où est passé Romadoumngar Nialbé Félix ? Personne ne sait. Le chef de l’opposition est porté disparu. En pleine crise sanitaire, celui qui est censé porter la contradiction au pouvoir, est plutôt discret pour ne pas dire taiseux. Pourquoi est-il muet comme une carpe au moment où la situation du pays exige que ses leaders parlent pour expliquer, rassurer ou proposer ?

Le Président de la Coordination du Cadre national de dialogue politique (CNDP), est-il aveugle comme une taupe au point de ne pas voir l’inquiétude qui gagne les Tchadiens face à ce virus qui sème la panique à travers le globe ? Serait-il sourd comme un pot au point de ne pas entendre les cris d’orfraie du peuple face à la misère qui l’étreint ?

Soyons juste. Romadoumngar a pris la parole mi-avril pour évoquer paresseusement le report des élections. Il a déclaré : « Le chronogramme rendu public en février 2020 est caduc. Dès lors, tous les projets politiques n’ayant pas encore eu un début d’exécution, ne peuvent qu’être mis en veilleuse. »

Pas vraiment de quoi fouetter un chat. Une déclaration qui n’effraierait même pas une mouche.  La preuve, même le MPS est d’accord avec lui : « Que les élections se tiennent en décembre, en janvier ou en février, le MPS sera toujours prêt, a indiqué Jean Bernard Padaré, son porte-parole. Mais nous comprenons parfaitement que l’opposition sollicite, en raison du coronavirus, le report des élections. »

Si j’étais le parti au pouvoir, et que j’avais un chef de l’opposition aussi mollasson et tout le temps en vacances, je dormirais sur mes deux oreilles, à poil, avec toutes les portes et les fenêtres ouvertes.

En effet, Romadoumngar ne représente aucun danger pour l’occupant du Palais Rose. Les mauvaises langues disent qu’il a été choisi par le pouvoir. Un chef de l’opposition qui est choisi par le pouvoir ! La « démocratie » africaine nous aura tout montré.

Pour essayer de comprendre l’inconfort dans lequel se trouve le pauvre Romadoumngar, et qui l’empêche d’exister politiquement, il faut schématiser. Romadoumngar est un opposant qui ne s’oppose pas au pouvoir puisqu’il a été choisi par ce même pouvoir.

Et parce qu’il ne veut pas qu’on lui arrache son bifteck ou qu’on lui donne un grand coup de pied dans la partie charnue de son corps, il fait mine de s’opposer.

En fait, c’est un opposant qui s’oppose à… l’opposition. Car il ne fait quasi jamais chorus avec ses camarades de l’opposition dans la critique ou le recadrage du gouvernement sur les grandes questions de l’heure.

A l’Assemblée, c’est encore Kebzabo qui, dans des raids solitaires, attaque les positions du pouvoir.

Un exemple. Le chef destitué de l’opposition, et donc, le prédécesseur de Romadoumngar, a, ces dernières semaines, lourdement attaqué le gouvernement au sujet de la Fondation Grand Cœur de la Première Dame, à l’Assemblée nationale. Le silence de Romadoumngar était tonitruant. A telle enseigne qu’on est en droit de se demander qui de Kebzabo ou de Romadoumngar est le véritable patron de l’opposition.

Sur la gestion de la riposte contre le corona par le gouvernement, Romadoumngar est inaudible. Peut-être s’est-il auto-confiné pour échapper au corona. On pourrait le comprendre avec les temps qui courent…

L’inertie et l’inaction durable de Romadoumngar révèlent à suffisance l’idée qu’on se fait du chef de l’opposition en Afrique francophone. C’est un chef de l’opposition de pacotille qui caresse le pouvoir dans le sens du poil. C’est un chef de l’opposition qui embrasse le pouvoir dans la bouche. C’est un chef de l’opposition « apkwo », comme on dit au Bénin. C’est-à-dire un chef de l’opposition coquille vide.

Je ne sais plus quel homme d’esprit avait dit ce qui suit, mais il avait vu juste : « La création du statut d’opposant officiel est un outil de contrôle et d’instrumentalisation dans certains régimes autoritaires. A priori, la mise en place d’un tel statut est une bonne chose. Mais si les pays dans lesquels il est adopté ne sont que des démocraties de façade. »

Les déclarations de Romadoumngar sont symptomatiques d’un opposant qui ne s’oppose pas. Elles sont le plus souvent assez étonnantes. Quand il parle, on a l’impression d’écouter un militant du MPS.

Quelques illustrations. Dans le cadre de l’opération « vengeance de Bohoma », il ne s’est pas seulement agenouillé devant le Président. Il s’est carrément couché : « Votre position aujourd’hui en brousse n’est pas de gaieté de cœur, mais c’est la position d’un père qui aime ses enfants. » Même Zen Bada n’aurait pas léché les bottes du Président avec autant de zèle.

Quand il veut essayer de jouer les opposants, il est tellement peu crédible qu’on a envie d’esclaffer. Lorsqu’il veut se montrer « critique » vis-à-vis du pouvoir, ça donne ceci : « La situation sociopolitique est très difficile au Tchad (…) La plus grande désolation aujourd’hui, c’est le problème du gaz : un pays pétrolier sans gaz ! »

Et dire qu’il avait un jour osé cette déclaration : « L’URD (son parti, NDLR) va retrouver sa place et ira jusqu’à la magistrature suprême. » Dans une autre vie, Romadoumngar a dû être un humoriste…

Il apparait in fine que le costume de chef de l’opposition est trop grand pour lui. A 73 ans, le vieux léopard n’a plus des crocs suffisamment acérés pour mordre sa proie.

Par Innocent Ebodé

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