Le président tchadien vient de commencer un premier mandat périlleux dans un contexte de crise sécuritaire et de tensions diplomatiques. À ses côtés, généraux, ministres et politiciens se pressent pour le conseiller.
Il est au centre de toutes les attentions. Élu en mai dernier au Tchad pour son premier mandat de plein exercice après trois années passées à la tête de la transition, Mahamat Idriss Déby Itno se retrouve déjà dans le viseur des diplomaties française et russe notamment, tandis que ses voisins du Mali, du Burkina Faso et du Niger le verraient bien les rejoindre dans l’aventure de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Paris souhaite conserver son alliance historique avec N’Djamena et tente de minimiser l’impact de l’ouverture d’une instruction judiciaire en France contre le président tchadien pour des soupçons de biens mal acquis. Le Kremlin espère quant à lui poursuivre son avancée au Sahel, indispensable dans la lutte qu’il mène contre les Occidentaux depuis le déclenchement de sa guerre en Ukraine.
Mahamat Idriss Déby Itno, lui, oscille entre les deux camps, cherchant à faire monter les enchères diplomatiques. Certains de ses conseillers les plus proches lui suggèrent de rompre avec la France et de suivre la voie de l’AES. D’autres sont plus prudents. Voici, des généraux aux ministres, en passant par les communicants et vieux routiers de la politique, ceux qui entourent le nouveau président.

Les piliers de la présidence

Au palais présidentiel, un homme fait figure de numéro deux incontestable, il s’appelle Idriss Youssouf Boy. Directeur de cabinet de Mahamat Idriss Déby Itno, ce général est son bras droit. Son influence n’a d’ailleurs pas diminué alors même que le président l’a ouvertement accusé de détournement de biens publics dans son autobiographie parue en avril dernier.
Pardonné par le chef de l’État après avoir remboursé les fonds, Idriss Youssouf Boy s’occupe des dossiers politiques, autant que de certaines affaires économiques. Ce général est également à la tête d’un réseau d’entreprises qui s’étend jusqu’à Douala, où il a un temps été consul. Réputé russophile – ce dont il se défend -, il plaide pour un éloignement d’avec Paris, tout comme Mahamat Ahmat Alhabo.
Ce dernier, secrétaire général de la présidence, a été un opposant à Idriss Déby Itno, père de Mahamat Idriss Déby Itno, avant de devenir ministre de la Justice au sein du gouvernement de transition en 2021. Formé en Russie, il est l’un des principaux conseillers du président, au même titre que Mahamat Ismaïl Chaïbo, l’ancien chef de l’Agence nationale de sécurité de l’État (ANSE, renseignements tchadiens), aujourd’hui conseiller à la présidence.
Cet ex-ministre de l’Administration du territoire est par ailleurs le cousin d’Hassan Borgo, un proche des services de sécurité soudanais. Comme lui, Bichara Issa Djadallah est très précieux sur les dossiers liés au Soudan, en guerre civile depuis plus d’un an. Ancien ministre de la Défense, ce général est un cousin de Mohamed Hamdan Dagolo, dit Hemetti, l’un des belligérants soudanais.
Enfin, un autre homme conseille Mahamat Idriss Déby Itno : Ahmed Kogri. Écarté de l’ANSE au profit de Ismaël Souleymane Lony, ce proche des renseignements français a retrouvé une place de choix à la présidence. Ce Goran a récemment séjourné en France afin d’œuvrer à un apaisement des relations entre Paris et N’Djamena. Ahmed Kogri demeure l’un des hommes les mieux informés du pays.

Les proches au gouvernement

Mahamat Idriss Déby Itno a surpris en nommant Allamaye Halina à la primature. Ancien ambassadeur en Chine, celui-ci reste un inconnu du grand public et ne figurait pas parmi les principaux pontes du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir), dont il est malgré tout issu. Son profil de technocrate convient cependant au président.
Au sein du gouvernement, le chef de l’État a surtout renouvelé sa confiance au ministre des Finances, Tahir Hamid Nguilin. Quadragénaire formé au Cameroun et à la BEAC, il a été directeur général du Trésor, des Impôts puis de la Société des hydrocarbures du Tchad, avant de se voir nommer au gouvernement en 2019 par Idriss Déby Itno. Il est l’un des seuls ministres à s’entretenir quasi quotidiennement avec le chef de l’État.
Au sein du gouvernement, Mahamat Charfadine Margui, au portefeuille de la Sécurité publique, fait également figure de poids lourd, tandis qu’Amina Priscille Longoh, ministre de la Femme, peut elle aussi compter sur sa proximité avec le chef de l’État. Enfin, Abderaman Koulamallah est un autre lieutenant de premier plan. Porte-parole du gouvernement, il a remplacé Mahamat Saleh Annadif aux Affaires étrangères.

Les hauts gradés

Afin de s’assurer le soutien de l’armée et de surveiller la menace d’une rébellion intérieure – notamment au sein d’une communauté zaghawa ébranlée par la mort de Yaya Dillo Djerou début 2024 -, Mahamat Idriss Déby Itno s’appuie en priorité sur trois généraux, dont Abakar Abdelkerim Daoud, chef d’état-major général des armées. Surnommé Kirekeyno (« celui qui ne fuit pas », en zaghawa), il a été l’un des compagnons de lutte d’Idriss Déby Itno.
Surtout, le chef de l’État a favorisé l’ascension de deux de ses proches : Ismaël Souleymane Lony et Ousmane Adam Dicki. Le premier a été nommé à la tête de l’ANSE en février 2024. Né au Soudan d’une famille zaghawa de l’Ennedi et tireur d’élite de formation, cet ancien de la Direction générale de sécurité des services et institutions de l’État (DGSSIE, dirigée jusqu’en 2021 par Mahamat Idriss Déby Itno) est un intime du président.
Ousmane Adam Dicki, élevé au rang de général de brigade, est l’un des fils d’une des sœurs du chef de l’État et a lui aussi fait partie de la DGSSIE. Il est aujourd’hui à la tête de la Force d’intervention rapide (FIR), une unité faisant figure de nouvelle garde prétorienne de Mahamat Idriss Déby Itno créée récemment et destinée à contrebalancer la toute puissante DGSSIE.

Les communicants

Au palais, un homme a pris en main la communication : Hassan Abdelkerim Bouyebri. Plutôt favorable à un éloignement de N’Djamena d’avec la France, cet ex-fonctionnaire en poste à l’Organisation de la conférence islamique (OCI) et ancien opposant à Idriss Déby Itno – il a été porte-parole du groupe politico-militaire SCUD -, est directeur de la communication de la présidence et gère à ce titre les interventions du chef de l’État dans les médias. Il a aussi directement piloté l’édition de l’autobiographie de Mahamat Idriss Déby Itno, De Bédouin à président.
Il est assisté de Halime Assadya Ali Brahim, ex-directrice de la Radio nationale du Tchad. Mahamat Idriss Déby Itno peut aussi compter sur les conseils de son épouse, la première dame Dahabaya Oumar Souni, laquelle a occupé un poste de communicante au sein du palais sous Idriss Déby Itno avant de devenir, pendant la transition, conseillère en communication de son mari. Elle est la fille d’Oumar Souni, général goran et ancien commandant de la Garde nationale et nomade du Tchad (GNNT) et ex-chef d’état-major de l’armée de terre.

Les conseillers de l’ombre

À la tête d’une coalition de partis lors de la dernière présidentielle et à quelques mois des législatives, Mahamat Idriss Déby Itno doit également garder un œil sur la vie des partis politiques tchadiens. Pour cela, il bénéficie de l’expérience du secrétaire général du MPS, Mahamat Zen Bada. Même contesté, celui-ci a été l’un des artisans de la mobilisation ayant permis la victoire du chef de l’État à la présidentielle.
Tandis que Haroun Kabadi, patron du Conseil national de transition, est en retrait pour cause de maladie, Mahamat Zen Bada continue de prodiguer des conseils stratégiques au chef de l’État, lequel s’appuie également sur des proches placés à la tête des institutions essentielles du pays, comme Jean-Bernard Padaré au Conseil constitutionnel, Samir Adam Annour à la Cour suprême et Ahmed Bartchiret à l’Agence nationale de gestion des élections.
Enfin, Saleh Kebzabo, nommé médiateur de la République après avoir été l’un des Premiers ministres de la transition en 2022 et 2023, reste l’un des interlocuteurs réguliers de Mahamat Idriss Déby Itno, qu’il a soutenu lors de la présidentielle. L’ancien journaliste espère tirer de cette proximité des avantages en faveur de son parti, l’Union nationale pour le développement et le renouveau, lors des prochaines législatives.

Mathieu Olivier – Jeune Afrique

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