Idriss Deby vient de nommer Djiddi Saleye, nouveau Directeur Général de l’ANS, la police politique du régime, fort connue pour ses activités criminelles et la menace constante qu’elle fait peser sur la liberté et la sécurité des Tchadiens tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Cette nomination à ce poste très sensible, jusqu’ici chasse gardée du clan zaghawa, a étonné plus d’un.
 
Qui est donc, le nouveau promu chef des services secrets, cet inconnu du public tchadien en général et des Ndjamenois en particulier ? Natif du Grand Kanem, combattant des FAP (la tendance Frolinat de Goukouni Weddeye). En son temps, beaucoup de responsables des FAP n’appréciaient pas cette proximité entre leur dirigeant et ce personnage qui leur paraissait douteux, voire un voyou sans scrupule. Mais, l’homme est habile, a une langue exercée  et sucrée ; il savait, avec art et finesse, rapporter rumeurs,  ragots, mais aussi jouer le rôle de délateur. Malgré les récriminations des uns et des autres, Goukouni a toujours gardé auprès de lui son « fou du roi » d’un genre particulier. A la grande consternation de ses autres collaborateurs, il lui confiait des missions pour sillonner des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Soudan, le Burkina Faso et d’autres, en quête de soutien et d’aide. Djiddi  collaborait aussi avec les services de renseignements de Kadhafi, chargés des questions tchadiennes.
 
Quelque temps après le ralliement de Goukouni Weddeye au régime Deby, Djiddi Saleye s’est retrouvé Chargé de mission à la Présidence.
 
A dire vrai, Idriss Deby n’a pas choisi son nouveau Directeur Général de l’ANS sur un coup de tête, même s’il lui arrive, assez souvent, d’agir de façon irrationnelle. Il a dû mieux le connaître depuis qu’il vagabonde dans les allées du Palais.On sait qu’aujourd’hui, le régime de Ndjamena a de sérieux soucis pour sa survie.
 
En effet, à l’intérieur du pays, y compris au niveau même du clan Itno, et des Zaghawa en général, la confiance n’est plus au rendez-vous. Les divergences sont étalées sur la place publique. Ceux d’entre eux qui le peuvent ont tôt fait de placer leurs milliards à l’étranger, dans les quatre coins du monde. A titre d’exemple, des Itno et des proches du clan ont acquis plus d’une centaine de villas de haut standing dans la ville du Caire. En sus de sommes considérables placées en banque. Beaucoup de jeunes et moins jeunes Zaghawa ont le regard tourné vers les maquis du Darfour. Certains d’entre eux ont franchi le pas en s’y rendant avec armes et bagages. Les confins tchado-soudanais à l’est, mais aussi tchado-libyens au nord constituent un souci majeur pour Deby qui, ces dernières semaines, multiplient les attaques contre les Autorités libyennes. Il faut aussi placer dans ce contexte de peur et de nervosité, les arrestations arbitraires, la chasse à l’homme et les menaces tous azimuts déclenchées par le potentat de Ndjamena contre les opposants ou supposés tels. Sans doute, s’est-il  avisé d’impulser son instrument d’espionnage, d’embastillement et de liquidation physique pour être à la hauteur des défis. D’où les changements à la tête de l’ANS.
 
Donc, la nomination de Djiddi Saleye ne peut être considérée comme un fait anodin. Comme dit plus haut, le nouveau promu connait bien la Libye pour y avoir longtemps séjourné et noué des relations avec de nombreux anciens des services de renseignements de Kadhafi. De plus, Déby qui exploite à outrance les sentiments d’ordre tribal ou clanique des uns et des autres sait que la communauté Gourane-Toubou à laquelle se rattache Djiddi Saleye forme, au demeurant, le groupe le plus important des colonies tchadiennes vivant en Libye et au Soudan. Le tout nouveau patron de l’ANS est donc appelé à mettre à profit ses liens d’ordre tribalo-ethnique, et user de tout autre moyen, par exemple les pétrodollars, pour infiltrer les Tchadiens vivant dans ces pays, très majoritairement hostiles au régime Déby. Infiltrer, mais aussi acheter les services de quelques oiseaux sans repère ni vertu en vue de procéder à des éliminations physiques parmi ceux qui sont considérés comme des durs incorruptibles. Djiddi Saleye est, peut-être, l’homme de la situation.
 
On sait que le Général-Sultan-Président est très précautionneux en matière de sécurité, donc de la conservation de son pouvoir. C’est pourquoi, son homme de confiance, pendant longtemps Directeur Général de l’ANS, Zaghawa comme lui, garde non seulement son poste de Conseiller sécurité à la présidence, mais il est monté en grade en devenant Ministre-Conseiller. Ismaël Chaïbo, c’est son nom, va, outre ses actions parallèles, étroitement surveiller le travail de Djiddi Saleye, venu d’un « ailleurs », et dont le background, pour le moins douteux, ne peut pas ne pas inspirer prudence, méfiance et suspicion. Il sera forcément sous contrôle.
 
Sans doute, cherchera-il à démontrer qu’il est l’homme de la situation à cette station stratégique. L’on peut parier que, pour donner des gages de fidélité et d’efficacité, il fera montre d’un zèle excessif en matière d’enlèvements, d’embastillements, de tortures et d’assassinats ciblés.
Vigilance, vigilance !


Djiddi Soultani Bichara.

 

 

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