Dans la plus grande discrétion, le gouvernement tchadien a missionné à Doha une équipe de généraux afin de tenter d’engranger les soutiens de plusieurs têtes d’affiche des groupes politico-militaires. Parmi leurs cibles : Timan Erdimi, neveu d’Idriss Déby et influente figure des rébellions tchadiennes de ces deux dernières décennies.

Tandis que le pré-dialogue entre le gouvernement tchadien de transition et les politico-militaires traîne en longueur à Doha depuis le 13 mars, sans que les négociations à proprement parler aient pu commencer, six généraux ont élu domicile à l’hôtel JW Marriott de Doha, avec la ferme intention d’utiliser ce temps précieux pour persuader des têtes d’affiche des mouvements rebelles de rejoindre le camp gouvernemental. Deux généraux zaghawaSaleh Bakay Mour et Oumar Bahr, travaillent quasi quotidiennement à convaincre le leader de l’Union des forces de résistance (UFR), Timan Erdimizaghawa comme eux, de revenir au Tchad. Ces deux hommes, qui ont une relation ancienne et personnelle avec Erdimi, font partie des 24 membres de l’équipe de négociation dirigée par le ministre des affaires étrangères Mahamat Zene Chérif, chargé de piloter les négociations à Doha.

Une poignée d’autres officiers zaghawa également présents à Doha ne jouent qu’un rôle secondaire dans ces échanges, à l’instar de Soumaine Hassan, mais aussi de Tahir Youssouf Boy  (aussi goran par sa mère). Frère d’Idriss Youssouf Boy, ce dernier est le conseiller particulier du président de la transition tchadienne Mahamat Idriss Déby, dit « Kaka« . Il est rentré à N’Djamena deux semaines après le début du processus, mais devrait revenir prochainement à Doha. Enfin, deux généraux goranOumar Souni et Ahmed Kogri (qui est le chef de l’Agence nationale de sécurité – ANS) sont de leur côté chargés de faire revenir plusieurs figures goran dans l’orbite de N’Djamena.

Erdimi, figure centrale de l’opposition

Timan Erdimi erre depuis douze ans à Doha à la suite d’un accord passé entre le Soudan et le Tchad pour sa mise à l’écart du terrain. Directeur de cabinet de son oncle, le président Idriss Déby, au début des années 1990, il s’est mué depuis les années 2000 en principal opposant du régime, responsable de nombreuses tentatives d’atteinte au régime Déby. Cela a été le cas notamment en 2008, lorsque les pick-ups d’Erdimi sont venus du Soudan, puis plus récemment en février 2019, avec sa colonne de véhicules arrivée cette fois-ci de Libye, alors même qu’il était déjà au Qatar.

La lutte entre Erdimi et Déby a toujours été principalement celle d’un clan : les Zaghawa. La situation n’a pas changé à la mort du maréchal en avril 2021, lorsque son fils Mahamat Idriss Déby a pris le pouvoir. Cependant, pour la première fois, le régime du jeune président tend la main au meilleur opposant de son père.

Rassembler la famille zaghawa 

Depuis une vingtaine d’années, la quasi-totalité des rébellions tchadiennes sont essentiellement issues de la propre tribu de Déby, les Zaghawa, ou de ses partenaires nordistes, les Goran. Pour le président de la transition Kaka, il est ainsi plus que nécessaire de tenter d’unir le clan zaghawa – minoritaire dans un pays de 12 millions d’habitants -, alors qu’il prépare les opinions nationales et étrangères à ce que les élections soient reportées à 2023, dans le meilleur des cas.

Pour cela, le retour au pays de Timan Erdimi et de son frère Tom Erdimi (emprisonné au Caire depuis 2020) semble être une nécessité. Erdimi est très courtisé, mais il ne veut pas rentrer à n’importe quel prix. Le Qatar n’acceptera pas sans garantie le départ de cette personnalité dont il a en partie la responsabilité.

Africa intelligence

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