Débuté il y a trois semaines, le pré-dialogue à Doha entre politico-militaires et le gouvernement tchadien patine. Des scissions au sein d’un des groupes rebelles majeurs sont apparues au grand jour. Dans le même temps, la présidence planche sur un prolongement de plusieurs mois de la période de transition.

A cours de distractions après trois semaines de pré-dialogue, les invités tchadiens du Qatar auront pu assister, à la lutte interne, en plein jour, des cadres de l’un des principaux mouvements politico-militaires présents, le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR). Le président tchadien Mahamat Idriss Déby, dit « Kaka« , met à profit ce temps interminable de négociation pour dérouler sa stratégie en vue de préparer ses partenaires traditionnels à une très probable extension de la durée de la transition.

Le président du CCMSR, Rachid Mahamat Tahir Saleh, a interdit le 31 mars à ses représentants de mener la moindre discussion en son nom, en se retirant – provisoirement – du processus de négociation de Doha. Le chef de la délégation du Groupe de Rome (l’un des trois sous-groupes de rebelles constitués pour discuter avec les autorités tchadiennes et les Qataris), Adoum Yacoub Kougou, a alors décidé de publier un communiqué le 1er avril faisant valoir que « désormais, le CCMSR ne fait plus partie du groupe de Rome ».

Certains membres du CCMSR reprochent à leur chef de délégation à Doha, Gassim Cherif, d’avoir discuté avec le gouvernement sans les en informer. Actuellement en Libye, Rachid Mahamat Tahir Saleh a désavoué Gassim Cherif et l’a remplacé le 4 avril par Cyprien Ndeidoum. Cependant, le vice-président du CCMSR, Frank Banadji a démissionné le 5 avril reprochant à son président l’absence de consultation quant à la suspension de son groupe des négociations. Deux lignes politiques distinctes semblent ainsi se dégager au sein du groupe. 

La mini-crise de Doha affaiblit la position des politico-militaires. Le CCMSR est, avec le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) de Mahamat Mahdi Ali et le FNDJT, l’un des mouvements qui disposent encore de moyens en Libye et qui sont susceptibles de déstabiliser le gouvernement à N’Djamena.

Les gages de bonne foi de « Kaka »

De son côté, « Kaka » s’est déplacé le 1er avril à Abuja pour rencontrer le président nigérian Muhammadu Buhari et Baba Gana Kingibe, son conseiller sur le dossier tchadien. Il leur a expliqué les différentes étapes qui restent à effectuer dans la transition avant d’enclencher un processus électoral. Ce dernier ne pourra probablement pas se tenir fin 2022, comme initialement prévu. Le scénario d’une élection présidentielle au printemps 2023 est actuellement privilégié par N’Djamena.

Le gouvernement tchadien compte tirer profit d’un succès lors du pré-dialogue de Doha, puis lors du dialogue prévu à N’Djamena en mai 2022, pour demander la mansuétude des pays voisins comme le Nigeria ou le Soudan (le général Abdel Fattah al-Burhan est passé à N’Djamena à la fin mars), afin de démontrer qu’il a la volonté de réussir la transition. Ces étapes lui serviront à justifier de la nécessité de prendre davantage de temps pour préparer les élections.

Africa Intelligence

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