Le nombre pléthorique et le choix des protagonistes politico-militaires invités au Qatar pourraient faire dérailler la rencontre entre les groupes rebelles. En multipliant le nombre des convives, le président tchadien Mahamat Idriss Déby tente de diluer le processus, afin de conserver la maîtrise des événements le plus longtemps possible.

Les groupes politico-militaires tchadiens devraient tous se retrouver à Doha dans les prochaines semaines. Objectif de la rencontre pour le président tchadien Mahamat Idriss Déby, dit « Kaka » : s’assurer que tous les rebelles au pouvoir de son père Idriss Déby, décédé en avril 2021, rentrent dans le rang afin d’éviter de nouvelles tentatives de déstabilisation venant de la Libye ou du Soudan. La liste des groupes invités est cependant vertigineuse. Selon nos sources, une quarantaine d’entre eux figurerait sur le document envoyé par les autorités tchadiennes au ministère des affaires étrangères du Qatar.

Les desseins de Kaka

Le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) de Mahamat Mahdi Aliayant failli faire tomber le pouvoir au début 2021 n’est pourtant pas sûr de faire partie du voyage, l’entourage de Kaka s’y opposerait encore. En revanche, les dirigeants de l’Union des forces de la résistance (UFR) de Timan Erdimi, arrêté in extremis dans sa progression vers N’Djamena, en février 2019, seront à Doha. L’accès à la salle de négociations ne posera pas un défi logistique insurmontable pour Erdimi, ce dernier habite au Qatar depuis 2009, à la suite d’un accord entre le Soudan et le Tchad en vue de l’écarter du terrain tchadien.

En multipliant le nombre des convives, Kaka tente de diluer le processus et de garder la main le plus longtemps possible. Le but est de ne pas laisser d’espace à des leaders qui pourraient éventuellement lui nuire à l’issue de la transition, prévue pour la fin 2022.

Or, l’entourage du président tchadien – en particulier son secrétaire particulier et général Idriss Youssouf Boy – fait tout pour le convaincre de ne pas laisser sa place à l’issue de la période de transition. Il est de plus en plus vraisemblable que le pouvoir à N’Djamena utilise la séquence de Doha pour inclure les opposants, mais que ces derniers soient dans l’incapacité d’imposer un changement de régime dans un an.

Qui pilote le processus ?

Après le voyage du président Kaka, à Doha, le 13 septembre (AI du 22/09/21), les Tchadiens ont voulu accélérer le processus de réconciliation. Ils auraient initialement souhaité que les pourparlers au Qatar se tiennent dès le mois de décembre, mais cela s’est avéré trop tôt pour le pays hôte. Côté tchadien, c’est le président du comité technique spécial (CTS) chargé de la réconciliation, Aboubakar Assidick Tchoroma qui sera en première ligne, ainsi que l’ancien président tchadien Goukouni Weddeye. Fin décembre, ce dernier a nommé une vingtaine de cadres chargés du pré-dialogue avec les politico-militaires en vue des pourparlers de Doha. Deux personnes se dégagent de l’équipe ainsi constituée : le responsable du pôle sécurité et patron de l’Agence nationale de sécurité (ANS) Ahmed Kogri et son adjoint, le secrétaire particulier du président, Idriss Youssouf Boy.

Côté Qatar, l’envoyé spécial du vice-premier ministre responsable des affaires étrangères en charge des médiations et de la résolution des conflits Mutlaq bin Majeed al-Qahtani devrait être le maître de cérémonie. Jusqu’alors, le dossier tchadien était entre les mains du National Security Adviser de l’émir, Mohammed bin Ahmed al-Misnad, ainsi que dans celles du vice-ministre des affaires étrangères Sultan bin Saad al-Muraikhi, ayant tous deux effectué des visites à N’Djamena.

Tchadanthropus-tribune avec Africa Intelligence

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