Le pilotage des pourparlers entre les groupes combattants tchadiens et le gouvernement est aux mains de deux hommes de l’ombre, le Tchadien Ahmed Kogri, à la tête des renseignements, et son homologue qatari Mohammed bin Ahmed al-Misnad.

Depuis le lancement officiel du pré dialogue tchadien le 13 mars à Doha, deux personnalités ont la haute main sur le processus, étant les seuls destinataires de l’ensemble des informations qui y ont trait. Il s’agit, d’une part, du chef de l’Agence nationale de sécurité (ANS) tchadienne, Ahmed Kogri et, d’autre part, de son homologue du Qatar National Security (QNA), Mohammed bin Ahmed al-Misnad.

La première figure dans la délégation de négociation côté gouvernemental. Quant à al-Misnad, cousin de la mère de l’émir Tamim bin Hamad Al-Thani, dont il est également le conseiller, sa présence a été remarquée lors de l’ouverture des débats le 13 mars, avant qu’il ne laisse la place à l’envoyé spécial du ministère des affaires étrangères chargé des médiations Mutlaq bin Majed al-Qahtani. Cependant, il demeure bien le pilote du processus, dont l’objectif est de convaincre la cinquantaine de groupes combattants (les « politico-militaires ») et d’opposants réunis au Qatar de signer un accord garantissant leur participation à un dialogue organisé le mois prochain au Tchad. Il voit régulièrement les mouvements politico-militaires en cas de blocage et conserve, in fine, les rênes de la discussion.

Une histoire ancienne 

Dès les premières prises de contact entre le Tchad et le Qatar en vue d’organiser ce pré-dialogue au début du dernier trimestre 2021, les deux hommes et leurs services ont considérablement échangé. Mais Kogri et al-Misnad se connaissaient déjà depuis de nombreuses années. Leurs premières rencontres datent de la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, à partir de mars 2018 (AI du 06/03/18), après une année de glaciation : en juin 2017, le Tchad d’Idriss Deby, sous la pression des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite, avait décidé de rompre tout contact avec le Qatar.

Les deux maîtres-espions ont, ensuite, beaucoup multiplié les contacts lors de la mort de Deby en avril 2021, al-Misnad s’étant même déplacé en personne au Tchad au nom du Qatar. Aujourd’hui, quasiment pas un jour ne passe sans que les deux hommes ne se parlent au téléphone ou ne se rencontrent dans la capitale qatarie. En dehors d’une semaine au Tchad, achevée le 12 avril, Kogri est resté au Qatar depuis le 13 mars.

Kogri en difficultés

Les rumeurs de remplacement de Kogri à la tête de l’ANS le 10 avril ont fait craindre aux autorités qataries des répercussions sur le processus de pré-dialogue enclenché à Doha. Beaucoup de membres de l’entourage du président de la transition, Mahamat Idriss Deby, dit « Kaka« , cherchent en effet à écarter Kogri, nommé par Idriss Deby en 2017 et resté proche de son fils. Le premier cercle Zaghawa de « Kaka » considère que Kogri ne sert pas les intérêts du groupe d’origine de la famille présidentielle tchadienne. Goran, Kogri avait auparavant été attaché de défense à l’ambassade du Tchad à Paris et a gardé des liens étroits avec les services de renseignements français.

Le chef du renseignement tchadien s’oppose notamment au secrétaire particulier de « Kaka », Idriss Youssouf Boy, qui cherche à l’écarter du premier cercle présidentiel. Devenu très influent à la présidence en matière de business pétrolier, de politique et, peu à peu, de sécurité, Youssouf Boy est parvenu début avril à pousser à la démission le directeur de cabinet du président, l’ancien ministre de la Justice et de la santé Abdoulaye Sabre Fadoul. Ce dernier, un sudiste à la réputation d’administrateur consciencieux, a été remplacé par une personnalité beaucoup plus consensuelle pour Youssouf Boy. Il s’agit d’Abdelkarim Mahamat, dit « Kérimo« , adjoint de Fadoul et demi-frère du président.

Africa intelligence

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