Le plus connecté des intermédiaires sahéliens a été missionné par Doha pour tenter de sauver un processus qui traîne en longueur, au désespoir des autorités de transition à N’Djamena. Depuis une décennie, Moustapha Chafi est régulièrement consulté par le Qatar sur les dossiers africains.

Voilà dix semaines que les rebelles tchadiens – plus d’une cinquantaine de mouvements – discutent à Doha en vue de signer un accord leur permettant d’obtenir des garanties pour venir à N’Djamena lors du dialogue inclusif. Le Qatar, sous la pression du ministre tchadien des affaires étrangères, Mahamat Zene Chérif, a bien prévu un calendrier de discussions allant jusqu’à la mi-juin (AI du 23/05/22), mais les autorités hôtes ont parfois semblé perdues dans la mise en œuvre des moyens pour faire avancer le dialogue et la façon de gérer les différents acteurs en présence : les rebelles et les membres de la délégation d’une vingtaine de personnes dirigée par Mahamat Zene Chérif.

Selon nos sources, Mohammed bin Ahmed al-Misnad, le conseiller à la sécurité de l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, demande depuis plusieurs mois au Mauritanien Moustapha Limam Chafi de venir épauler l’émirat lors de cette négociation. Actuel conseiller spécial du président nigérien Mohamed Bazoum et ex-éminence grise de l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré, Chafi a atterri à Doha le 26 avril pour accompagner le ministre nigérien des affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, afin de préparer la visite de son patron courant juin. Il n’est pas reparti depuis.

Des rencontres tous azimuts

Depuis six semaines, Chafi rencontre tous les acteurs du pré-dialogue : les membres des mouvements des trois sous-groupes de rebelles – Rome, Doha et Qatar -, ainsi que les responsables de la délégation officielle tchadienne, Zene Chérif en tête. A chaque entrevue, organisée dans son hôtel Kempinski ou dans celui des rebelles, le Mariott ou le Rotana du quartier de West Bay, il écoute et transmet les messages susceptibles d’apaiser les tensions, afin de faire émerger des points de convergence entre les parties. Il a par ailleurs rencontré le représentant de la France (en tant qu’observateur) dans cette médiation, l’ambassadeur Bruno Foucher.

A Doha, opposants comme officiels tchadiens tentent désormais, par le biais de Chafi, de faire passer leur message au puissant al-Misnad, qui est le cousin de la mère de l’émir, Mozah bint Nasser al-Missned. Al-Misnad peut à son tour se mettre en rapport avec l’envoyé spécial chargé des médiations au ministère des affaires étrangères, Mutlaq bin Majeb al-Qahtani, responsable du suivi des discussions au quotidien avec sa petite équipe de diplomates.

Une relation ancienne

Les rapports de Chafi avec le Qatar sont anciens. Ils se sont particulièrement densifiés lorsque Chafi a été considéré comme persona non grata dans son pays, la Mauritanie, durant les années de présidence de Mohamed Ould Abdel Aziz (2008-2019). Ce dernier avait rompu les relations diplomatiques du pays avec le Qatar en 2017, dans le sillage du blocus imposé par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, de juin 2017 à janvier 2021.

Passant plusieurs mois par an à Doha – presque un an pendant le pic d’épidémie de Covid-19 -, Chafi a noué de très bonnes relations avec de nombreux ministres influents, en particulier avec le cousin de l’émir, le vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères sheikh Mohammed bin Abdulrahman al-Thani. Ce dernier n’est pas un grand connaisseur du continent africain, mais sa proximité avec l’émir lui permet de faire bouger des dossiers bloqués avec son omniprésent directeur de cabinet, Saad bin Ali Saad al-Kharji. Chafi sait user de son entregent avec al-Misnad et le vice-premier ministre.

Côté qatari, le carnet d’adresses de Chafi est un vrai atout. En Afrique de l’Ouest, ce Mauritanien né au Niger et parlant quantité de langues locales échange régulièrement avec les présidents Macky Sall (Sénégal), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Mohamed Ould Ghazouani (Mauritanie), Faure Gnassingbé (Togo), Nana Akufo-Addo (Ghana), ainsi qu’avec le chef de la junte burkinabé, Paul-Henri Sandaogo Damiba. Il est proche de Paul Kagame (Rwanda) dans l’Afrique des Grands Lacs et entretient de bons rapports également avec les autorités françaises.

L’Émirat du Qatar a annoncé la nomination de l’homme d’affaires mauritaniens Moustapha Ould Chav’i médiateur entre les différentes parties tchadiennes, dans l’espoir de sauver le dialogue national dans ce pays.

Le site « Africa Intelligence » a révélé ce mardi que le Qatar a choisi de nommer Ould Imam Chav’i comme médiateur entre les blocs politiques tchadiens.

Le Qatar mène depuis quelque temps une médiation pour le règlement de la crise que vit le Tchad depuis la mort de l’ancien président Idris Deby Itno en avril 2020 et l’émissaire spécial du ministre qatari des affaires étrangères pour la lutte contre le terrorisme et des médiations dans les conflits, Motlek Ben Majeed Al Kahtany avait salué la décision des autorités tchadiennes d’accepter la médiation qatarie.

Les autorités tchadiennes avaient accepté l’appel du Qatar d’ajourner le dialogue qui devait commencer le 10 mai à Ndjamena afin de donner aux différentes parties des négociations de Doha l’opportunité de s’entendre.

Al Kahtany a dit que la demande de report a été formulée eu égard aux données en cours au niveau des négociations de Doha qui évoluent positivement et qui enregistrent des progrès concrets mais aussi pour permettre aux différentes parties de disposer de plus de temps pour parvenir à un accord de paix en prévision de la tenue du dialogue national inclusif à Ndjamena.

Le conseil militaire de transition au Tchad avait annoncé le 9 mai la formation d’une commission chargée de négocier avec les représentants des groupes politiques et militaires du pays, ajoutant que Doha accueillera ces négociations.

Tchadanthropus-tribune avec Africa intelligence & SAHARA MEDIA

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