
30 décembre 2024 #TCHAD : Que faut-il attendre des élections législatives et locales ?
Ultime étape de la transition, les élections prévues ce 29 décembre sont stratégiques pour Mahamat Idriss Déby Itno, alors qu’une partie de l’opposition, Succès Masra en tête, a annoncé les boycotter. Jeune Afrique fait le point sur les principaux enjeux du scrutin.
Les élections législatives, provinciales et communales, dont le report a longtemps été espéré par la classe politique, auront bien lieu ce 29 décembre. Après avoir hésité, Succès Masra a tranché : il ne participera pas au scrutin. Face à ses opposants, dont certains sont allés jusqu’à qualifier son élection à la tête du pays en mai dernier de « farce électorale », le président Mahamat Idriss Déby Itno est, quant à lui, décidé à consolider son pouvoir.
Quel enjeu pour Mahamat Idriss Déby Itno ?
Pour le désormais maréchal Mahamat Idriss Déby Itno, le taux de participation est crucial. La victoire de son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), pourrait asseoir sa légitimité, contestée depuis le début de la transition avec, comme tache sombre, la répression du 20 octobre 2022.
Par ailleurs, le MPS est « une machine à gagner les élections », affirmait son secrétaire général, Mahamat Zen Bada. Le parti au pouvoir souhaite continuer à assoir son influence, en tentant de prendre le contrôle des institutions clés, à savoir le Sénat, l’Assemblée nationale (dont le rôle est actuellement dévolu au Conseil national de transition) et les communes. La succession d’Haroun Kabadi au perchoir, qui fut aussi le prédécesseur de Zen Bada au MPS, est donc stratégique. David Houdeïngar, un des fidèles parmi les fidèles du régime, est pressenti à ce poste.
Enfin, il y a peu de chances que le Premier ministre Allah Maye Halina soit reconduit. Très peu connu dans le paysage politique tchadien, ce diplomate avait été nommé le 23 mai dernier à la surprise générale. Après les résultats de ces élections et conformément à l’usage, il remettra sa lettre de démission et celle de son gouvernement.
Quelle est la marge de manœuvre de l’opposition ?
Depuis « l’inclusivité » de la transition décrétée en 2021, l’opposition historique à Idriss Déby Itno (Saleh Kebazbo, Mahamat Ahmat Alabo, Laoukein Médard…) s’est progressivement délitée. En participant à ces législatives, elle joue sa survie politique et rien ne laisse penser qu’elle parvienne à se positionner en véritable contre-pouvoir.
Pour le Rassemblement national des démocrates tchadiens (RNDT-Le Réveil), le parti de l’ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacké, il faut conquérir quelques sièges pour exister. Son objectif est clair : « Conquérir une majorité à l’Assemblée nationale en vue de procéder à la révision des lois électorales injustes qui érodent notre démocratie », avait affirmé ce potentiel candidat à la primature.
Plus globalement, en raison de l’interdiction des manifestations contre le pouvoir, il est presque impossible pour les partis d’opposition de peser face au MPS et ses alliés. Une autre classe politique qui se réclame de la « vraie opposition », réunie au sein du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP), bat campagne pour le boycott de ces élections qu’elle qualifie de « farce ».
Quel avenir politique pour Succès Masra ?
Les Transformateurs avaient exigé la recomposition de l’Agence nationale de gestion des élections et du Conseil constitutionnel, mais aussi la révision de la loi sur le découpage électoral et du fichier électoral. Ses exigences n’ayant pas été prises en compte, le parti de Succès Masra a décidé de boycotter les élections. « Nous sommes là pour participer à la réalisation de la démocratie et non pour cautionner l’électoralisme. Les Transformateurs ne se sont pas engagés pour servir de caution à la continuité d’un système. Nous n’avons jamais été des faire-valoir hier, nous ne le sommes pas aujourd’hui et nous ne le serons jamais demain », avait déclaré l’ancien Premier ministre.
Le pari est risqué : espérer une faible mobilisation des électeurs et revendiquer, de nouveau, sa victoire à l’élection présidentielle. Depuis son retour d’exil, en novembre 2023, Succès Masra s’appuie sur l’accord de Kinshasa qui, bien qu’il ne soit pas connu du grand public, lui avait permis d’être nommé chef du gouvernement, le 1er janvier 2024. Acceptera-t-il un nouveau poste sans aucun député à l’Assemblée nationale ?