Dans un article paru le 22 août 2019 sur le site koaci, une source militaire rapporte les informations suivantes :

« Une gendarmerie a été attaquée par des proches d’un militaire tué, à Bardaï, dans le nord du Tchad, ou l’état d’urgence venait d’être déclaré, apprend-on de sources militaires. Selon les informations trois assaillants ont été tués lundi alors qu’ils essayaient d’attaquer une gendarmerie à Bardaï, dans le nord du Tchad. Un haut responsable de l’état-major des armées rapporte les faits : « Un soldat a tué son chef avant de fuir pour se réfugier à la brigade de gendarmerie », a expliqué ce dernier. La famille du militaire tué à tenter d’attaquer la brigade pour se venger, provoquant une riposte des gendarmes qui a fait trois mort et quatre blessés grave »

Ces informations émanent d’une « source militaire » sans aucune autre précision. Elles sont évidemment tronquées : la réalité en est tout autre.

Les faits :

Dans la nuit du 19 au 20 août 2019 – à Bardaï – le soldat Moukhtar Moussa Khatir tue son commandant de compagnie adjoint de l’ethnie Tama (Le lieutenant Ibrahim Bahar Adam) dans son sommeil par 8 balles. Les motivations du meurtrier restent à élucider mais elles auraient probablement un lien avec les affrontements intercommunautaires dans le Dar Sila.

Au lendemain du meurtre, le commandant de la zone militaire (Comzone) de la région annonce à la communauté des Tama la mort d’un militaire et les invite à venir récupérer la dépouille afin de l’inhumer. Ces derniers veulent savoir la cause de la mort. Le commandant de la zone militaire (Comzone) refuse de donner la moindre explication et devient de plus en plus menaçant. Son attitude arrogante éveille la suspicion des demandeurs qui, après enquête apprennent que le Lieutenant Ibrahim Bahar a été assassiné dans son sommeil par un soldat et que le meurtrier se serait réfugié à la gendarmerie. Les membres de la communauté manifestent pacifiquement et décident d’aller à la gendarmerie pour avoir des éclaircissements sur cet assassinat et obtenir la garantie que le meurtrier soit jugé. A leur approche, les gendarmes ouvrent le feu sur ces civils sans défense et en blessent deux. Ceux-ci persistent et marchent vers la gendarmerie déclenchant la fuite des gendarmes qui abandonnent la caserne. Les manifestants pénètrent dans les lieux à la recherche du meurtrier. A défaut du meurtrier, ils récupèrent cinq fusils dans un local.

Sur ces entrefaites, l’information selon laquelle les militaires sont en train de perpétrer un massacre contre la communauté Tama se propage dans la ville. La population locale se joint en masse à la manifestation en cours qui se dirige désormais vers la caserne de la garde nomade. A l’arrivée, la garde nomade ouvre le feu et blesse trois personnes dont une décède en arrivant à l’hôpital. Les manifestants interrompent la manifestation pour organiser l’inhumation des personnes tuées.

C’est alors que le ministre de la défense, Mahamat ABALI SALAH donne l’ordre à l’armée de « faire feu (sic) » sur la communauté Tama. L’armée s’exécute et ouvre le feu sur les personnes réunies à la place mortuaire. Deux personnes sont tuées, les autres prennent la fuite sur la montagne qui est pilonnée à l’arme lourde (mitrailleuses 12,7 et 14,5 mm, lance-roquettes RPG, …). Deux morts, plusieurs blessés et disparus. Monsieur Mahamat Nour Abdel-kerim Abbo Gourou aurait alors interpellé le ministre de la défense le 22 août 2019 au matin pour s’enquérir de ce qui se passe à Bardaï. Le ministre confirme avoir donné – lui-même – l’ordre de « faire feu ». Tout comme il ordonne d’arrêter tous les Tamas de Bardaï. L’armée procède à 108 arrestations. Les personnes sont détenues dans la prison de la gendarmerie et dans les locaux de la nouvelle Ecole de Bardaï. Ces informations sont confirmées par le CEMAT (Commandant de l’armée de terre) se contentant de dire que : « les gens ne respectent pas la loi et on a tiré dessus ».

Devant les agissements du ministre de la défense, la communauté Tama en Europe exprime sa profonde indignation et tient à interpeller l’opinion nationale et internationale, qu’une fois de plus, la communauté Tama est prise pour cible par un ministre de la République, faisant plusieurs morts et blessés en sus de 108 arrestations arbitraires. Nous réclamons qu’une enquête internationale soit ouverte pour que justice soit rendue pour tous ces morts innocents. La communauté Tama en Europe portera l’affaire devant les juridictions internationales et notamment la Cour pénale internationale. Car il s’agit bien ici d’un crime délibéré, organisé par un individu dans le seul but de nuire à une communauté.

Dans un Etat démocratique, manifester est un des droits fondamentaux donnés aux peuples. La Constitution du Tchad, dans son Article 28, garantit à tous « Les libertés d’opinion et d’expression, de communication, de conscience, de religion, de presse, d’association, de réunion, de circulation, de manifestations sont garanties à tous ».

Les Tama ont le droit de manifester leur mécontentement devant l’injustice dans le respect de la Constitution (Art.53). Dans ces conditions, quelques interrogations s’imposent. Une personne disposant de l’autorité publique, fût-il un ministre de la République, a-t-il le droit d’arrêter arbitrairement des citoyens tchadiens en toute impunité ? Et à plus forte raison, de donner l’ordre à l’armée de « faire feu » et de tuer fortuitement une population civile sans défense, au mépris de l’Article 17 de la Constitution qui garantit le droit à la vie de tout individu? Pourquoi la justice tchadienne ne réagit-elle pas ? Le ministre est-il intouchable ?

Nous tenons à rappeler que depuis les années 80, la population Tama a traversé des périodes douloureuses et plus désolantes que ce que traverse le Dar Four. Tout cela au vu et au su de la communauté internationale restée muette jusque-là. Laissée à leur propre sort, nombreux ont été obligés de fuir leurs propres terres devenant des apatrides ailleurs. L’impunité dont jouit Mahamat ABALI SALAH, actuel ministre de la défense, ne pourra qu’encourager de telles dérives sur d’autres populations tchadiennes et surtout attiser les tensions intercommunautaires qui font de nombreuses victimes actuellement au Tchad.

 

La communauté Tama en Europe

communautetama@gmail.com

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