Alors que les délits de presse sont dépénalisés depuis 2010 au Tchad, deux directeurs de publication ont été arrêtés et mis en détention provisoire pour diffamation le 16 août sur ordre du procureur de la République. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision qui fait fi du droit tchadien et appelle à la libération immédiate des deux journalistes.

En violation de la loi en vigueur sur la presse écrite et des médias électroniques au Tchad, deux directeurs de publication dorment depuis vendredi 16 août derrière les barreaux de la maison d’arrêt d’Amsinéné située dans la capitale du pays, N’Djamena. Abdramane Boukar Koyon, du journal satirique Le Moustik, et Martin Inoua Doulguet du tri-mensuel Salam Info, sont accusés de diffamation par l’ancienne ministre de la Santé, Toupta Boguena.

Dans son édition n°84 du 19 au 26 juin, le journal du premier avait abordé sous forme de fait divers satirique, sans nommer directement les protagonistes, le procès opposant l’ex-ministre à sa nièce qui l’accusait “d’agression sexuelle sur mineure”. Au gré de l’avancement du procès, son confrère avait rapporté le 14 juillet sur la page Facebook de Salam Info les propos de l’avocat de la plaignante, qui avait fait appel de la décision du tribunal d’acquitter Mme Toupta. 

Contacté par RSF, l’avocat du directeur de publication de Salam Info, Me Olivier Gouara, estime que cette détention provisoire “va à l’encontre de la loi qui régit la presse” et dénonce de surcroît “une irrégularité de procédure” de la part du procureur, qui a décidé de déclencher une procédure en flagrant délit pour des faits non punissables d’emprisonnement. Selon lui, “la procédure normale aurait été de les citer à comparaître libres devant le juge”. Les deux journalistes doivent se présenter au tribunal jeudi 22 août.

“Au Tchad, la diffamation n’est plus passible de peine de prison depuis 2010. En plus d’être totalement absurde, la détention préventive de ces deux journalistes est illégale et montre que les autorités font peu de cas du droit de la presse, estime le bureau Afrique de RSF. Ces journalistes doivent être immédiatement libérés, sans attendre que l’affaire soit jugée sur le fond.”

En février 2018, Martin Inoua Doulguet avait déjà été arrêté et détenu arbitrairement deux jours après le lancement de son journal pour l’avoir inauguré dans la capitale alors que son autorisation avait été octroyée dans le sud du pays. 

Malgré la dépénalisation des délits de presse dans le pays, les professionnels de l’information subissent encore de nombreuses entraves dans leur travail. Ils ont dû composer notamment pendant plus d’un an avec une coupure des réseaux sociaux, levée seulement le mois dernier par le président Idriss Déby Itno.

Le Tchad occupe la 122e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019. 


REPORTERS SANS FRONTIÈRES/ REPORTERS WITHOUT BORDERS
Arnaud Froger
Responsable du bureau Afrique / Head of the Africa desk
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