Le groupe de sécurité français Amarante International doit réaliser une étude relative aux réseaux et relais d’influence dans les pays du G5 Sahel pour le compte du ministère des armées. L’Élysée, qui cherche en parallèle à déployer sa propre stratégie d’influence dans la région, s’y montre de plus en plus préoccupé par les ingérences informationnelles étrangères.

Selon nos informations, la société Amarante International, dirigée par Alexandre Hollander, a remporté fin décembre un marché de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des armées pour la réalisation d’une étude sur les réseaux et relais d’influence dans les pays du G5 Sahel : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Celle-ci vise à appuyer la communication stratégique (StratCom) de l’opération Barkhane. La réalisation de l’étude sera supervisée par Marion Blatgé, coordinatrice du département analyse des risques de la société. Amarante assure par ailleurs trois des observatoires de la DGRIS, notamment via son partenaire Aesma : sur le Sahel, la Syrie et le Golfe arabo-persique (IO du 24/03/21).

Amarante sera notamment chargé de se pencher sur les dispositifs d’influence – ainsi que leur réception par les populations -, liés à Moscou, Pékin, Ankara et aux capitales du Golfe. Mais aussi aux mouvances panafricanistes auxquelles se rattache, par exemple, l’activiste jugé hostile à la France Kémi Séba, aux médias et aux journalistes les plus influents, ainsi qu’aux influenceurs sur les réseaux sociaux. La DGRIS décrit un environnement informationnel sahélien en rapide évolution, avec l’apparition de nouveaux réseaux sociaux et médias, certains financés depuis l’étranger.

Priorité de Paris en Afrique

L’attribution de ce marché intervient après que le ministère des armées a tenté fin décembre une opération d’influence via les médias africanistes pour enrayer l’installation de la Russie et de la galaxie Wagner au Mali, sans succès.

Les autorités françaises se préoccupent de plus en plus des ingérences étrangères – qu’elles jugent en partie responsables de l’hostilité grandissante des populations locales vis-à-vis de Barkhane -, d’où la création du service Viginum (IO du 03/01/22). Les dernières années ont été marquées par un renforcement sur le continent de l’empreinte de la Turquie, de la Chine et de la Russie en Afrique, qui s’accompagne d’une offensive informationnelle, via le financement de médias locaux, la diffusion et déclinaison régionale de leurs propres médias étatiques – et parfois de l’amplification artificielle de messages spécifiques sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, s’ils ne sont pas liés à un pays en particulier, des « entrepreneurs d’influence », comme le panafricaniste Kémi Séba, peuvent relayer efficacement la propagande d’un ou plusieurs pays via leurs médias et réseaux sociaux, par intérêt économique ou politique. Plus récemment, de faux reportages télévisés destinés au public sahélien et hostiles à la France, certains utilisant la technologie du « deepfake », ont commencé à apparaître sur Internet – même si leur origine reste inconnue à ce stade.

En parallèle, la France assume désormais publiquement de déployer une stratégie d’influence offensive sur ses théâtres d’opérations (IO du 23/08/21), qualifiée de lutte informatique d’influence (L2I), qui mobilise notamment le Centre interarmées des actions sur l’environnement (CIAE, IO du 10/06/20). La société Graphika, le Stanford Internet Observatory et Facebook avaient débusqué en décembre 2020 de faux comptes opérés par l’armée française et sa Direction du renseignement militaire (DRM) sur la plateforme en République centrafricaine (RCA), dédiés au « trolling » de la présence russe à Bangui. Le spectre de l’étude d’Amarante ne concerne cependant pas les tentatives de L2I françaises, pourtant visibles.

Tchadanthropus-tribune avec info-Online

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