Le sort du G5 Sahel est plus que jamais incertain. Le chef d’Etat nigérien Mohamed Bazoum, qui doit en prendre la présidence le mois prochain, ne cache pas son scepticisme sur l’utilité de cette organisation. L’Union européenne et les autres pays membres tentent toutefois d’infléchir sa position.

Le président du Niger, Mohamed Bazoum, prononce un discours à l’issue d’un sommet vidéo avec les dirigeants des pays du G5 Sahel, le 9 juillet 2021.

Le sujet a été soigneusement éludé par l’exécutif nigérien lors de sa très médiatisée tournée internationale venant clôturer l’année 2022. Que ce soit à Rome à l’occasion des Mediterranean Dialogues début décembre, à Paris quelques jours plus tard dans le cadre d’un forum sur l’investissement au Niger, ou bien à l’US-Africa Leaders Summit qui s’est tenu dans la foulée à Washington, le président Mohamed Bazoum et son ministre des affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, ont à chaque fois évité d’évoquer publiquement le futur du G5 Sahel. Le chef de l’Etat nigérien est pourtant censé en prendre la présidence pour un an, lors d’un sommet qui devrait se tenir à Niamey en février, conformément au calendrier de l’alliance sahélienne.

Tentatives d’intercessions

En privé, l’entourage du président concède que ce dernier ne s’est pas départi de la ligne dure adoptée après que Bamako s’est retiré de l’initiative en mai 2022. Fustigeant la « mort » du G5 Sahel – l’essentiel des opérations de la force se déroulait sur le territoire malien -, Mohamed Bazoum avait dès lors souhaité privilégier les relations bilatérales afin de faire progresser les dossiers sécuritaires régionaux.

Au cours des derniers mois, les autres pays membres se sont attelé à infléchir la posture du président nigérien.

Outre l’activisme de la Mauritanie pour qu’un sommet ait lieu à Niamey en février (AI du 01/12/22), les autorités tchadiennes continuent d’afficher officiellement leur soutien au G5 Sahel par l’entremise de leur ministre des affaires étrangères, Mahamat Saleh Annadif. En tant que représentant spécial des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest en 2021, ce dernier avait plaidé pour que l’organisation puisse bénéficier d’un financement onusien, en vain.

L’Union européenne (UE) a également intercédé auprès de Bazoum pour que l’initiative, actuellement au point mort, soit relancée. Le sujet a été évoqué lors d’échanges entre le chef de l’Etat nigérien et la représentante spéciale de l’UE pour le Sahel, Emanuela Claudia Del Re, pendant les Mediterranean Dialogues de Rome, début décembre. Premier bailleur du G5, Bruxelles a décaissé près de 200 millions d’euros au profit de l’organisation entre 2017 et 2019. Dans la capitale italienne, le président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, a aussi exprimé sa volonté de voir le G5 Sahel relancé, à l’occasion d’une réunion avec la représentante spéciale de l’UE sous les ors du palace romain Parco dei Principi.

Vers une reconfiguration ?

Pour l’heure, Niamey entretient l’ambiguïté concernant l’avenir de la force et se garde de prendre officiellement position avant la remise d’un rapport évaluant la réponse internationale à la crise sécuritaire au Sahel. Réalisé par une équipe d’experts sous la houlette de l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou, le document sera dévoilé lors du prochain sommet de l’Union africaine (UA) qui se tiendra en février à Addis-Abeba (AI du 02/11/22). Si un abandon du G5 n’est pas exclu, des recommandations en faveur d’un dispositif plus souple et mieux adapté aux réalités des quatre membres restants (Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso) apparaissent plus probables.

Une réflexion en ce sens a déjà été amorcée au sein de l’institution : en septembre 2022, Niamey avait reçu les ministres de la défense ainsi que les chefs d’état-major des pays du G5 afin de réfléchir à « une nouvelle configuration » après le départ du Mali et le retrait de l’opération Barkhane. Les détails n’en ont cependant pas encore été révélés.

Bien qu’au niveau des présidences, les capitales sahéliennes temporisent sur le plan opérationnel, plusieurs projets sont toujours en cours d’élaboration. L’opérateur tricolore Expertise France, chargé de la gestion des fonds de l’UE en faveur du G5, devait dépêcher début décembre une mission à Wour, dans le Tibesti. Cette localité est censée accueillir le poste de commandement du fuseau est de l’organisation militaire sur financement européen. La mission a finalement été annulée après une série d’affrontements entre orpailleurs dans la région frontalière de la Libye.

Tchadanthropus-tribune

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