L’affaire Habré continue de peser sur le Sénégal. Depuis quelques mois, un duel oppose deux grands acteurs de cette affaire, deux personnes profondément impliquées dans le dossier Habré.

Explications.

Tout d’abord, quel est le profil de ces deux acteurs du dossier Habré ?

Madiambal Diagne est le patron du journal « Le quotidien ». Très tôt, il s’est investi dans l’affaire, ouvrant largement les pages de son journal aux ennemis du Président Habré. Il a mis à contribution sa plume pour attaquer, diffamer tous azimuts. Il a mis aussi toutes les publications de son groupe Avenir Communication au service de tous ceux qui voulaient attaquer le Président Habré. Il est un véritable acteur de cette affaire, tenant des points de presse avec les ONG, à Dakar au Café de Rome, se déplaçant au Tchad pour rencontrer les autorités tchadiennes, faisant des points de presse avec les ONG à Ndjamena. Ila reconnu que c’est HRW qui a financé le déplacement de ses journalistes au Tchad présentant la chose comme des activités de lobbying ! Dans une affaire de justice, peut-on parler de lobbying quand on est tenu de respecter la présomption d’innocence ?

Ce qu’il faut expliquer, c’est qu’il est aussi un conseiller politique ayant des relations privilégiées avec le Président Macky Sall et sa famille, et ses relations sont affichées puisque c’est lui-même qui l’écrit pour que nul n’en ignore.

C’est donc un poids lourd dans le carré présidentiel et il fait partie des 3 ou 4 personnes autour de Macky Sall qui managent sa communication médiatico-politique et qui se positionnent pour apporter une riposte ou mener des offensives médiatiques contre les opposants ciblés par le camp présidentiel. Il fait partie des stratèges politiques de Macky Sall dans la conduite des affaires politiques.

Quant à Souleymane Teliko, c’est un magistrat, président du syndicat de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS) et actuellement Président de la Cour d’Appel de Ziguinchor, il a été Juge d’instruction au sein de la Chambre d’instruction des CAE, il a fait partie des juges qui devaient enquêter au Tchad sur les accusations contre le Président Habré et qui n’ont jamais enquêté.

Après la fin du procès, M Teliko représentant le syndicat des magistrats s’est opposé à une décision du ministre de la Justice sanctionnant un juge qui avait refusé d’exécuter une demande de libération du Parquet, pour un parent du ministre de la Justice poursuivi pour des faits d’escroquerie. La tension est montée d’un cran entre les magistrats et les autorités politiques quand le magistrat Teliko a mobilisé ses collègues pour mener le combat de l’indépendance de la justice.

Embrayant sur ce thème, il a pris des initiatives médiatiques pour critiquer les ingérences de l’Exécutif par des pressions sur les magistrats et a appelé à des reformes.

Parler d’indépendance quand on a participé aux CAE, il fallait le faire mais n’a-t-on pas, maintes fois, expliqué que ; beaucoup de personnes s’étaient entendues pour suspendre l’État de Droit, le temps de liquider le Président Habré et après cette forfaiture, retomber sur leurs pieds et parler ; démocratie, indépendance et État de Droit.

Boostés par la proximité voire la complicité avec les autorités politiques pour conduire l’affaire Habré, les magistrats ont eu le cran de refuser leurs affectations après la fin de l’existence des CAE. Pour la première fois, depuis Senghor, des magistrats nommés à des postes par le Conseil Supérieur de la Magistrature refusaient clairement les affectations décidées. Et, c’est ainsi que le Conseil Supérieur de la Magistrature s’est à nouveau réuni pour annuler les affectations et en proposer d’autres.

C’est dire que, les magistrats des CAE savaient pertinemment l’ampleur des violations des droits du Président Habré, bref, ils savaient tous qu’ils participaient à un terrible complot et comptaient en être pleinement récompensés.

On constate donc que le magistrat Souleymane Teliko égratigne à travers ses sorties le système politique qui porterait atteinte à l’indépendance de la justice. Il écrit un livre sur ce thème et organise un séminaire sur le même thème.

Il se fait inviter sur le plateau d’une émission politique et donne son poids de vue sur le procès de l’ancien Maire de Dakar condamné à 5 années de prison et gracié au bout de 3 ans par Macky Sall. Ayant désormais un casier judiciaire, sa carrière politique est terminée. Le juge Teliko affirme que les droits de la défense de Khalifa Sall n’ont pas été respectés.

Le pouvoir de Macky Sall trouve que c’en est trop et déclenche une procédure disciplinaire pour violations de l’obligation de réserve par le magistrat. Il est poursuivi en Conseil de discipline et écope d’un blâme. C’est désormais la guerre.

Madiambal Diagne attaque le magistrat Teliko, lui dit qu’il est guinéen et qu’il a même gardé ses papiers guinéens. Puis, il enclenche sur des soupçons d’un positionnement politique en faveur de Khalifa Sall car il a assisté à toutes les audiences du procès malgré ses propres audiences à assurer, qu’il a ainsi réaménagé pour pouvoir suivre le procès.

Ensuite, Madiambal évoque dans une émission, l’affaire des double perdiems perçus par Téliko dans l’affaire Habré et qu’il était mal placé pour parler d’indépendance dans la mesure où l’Union Européenne l’aurait épinglé dans un rapport.

Le Magistrat fulmine et dépose une plainte contre Madiambal. Il y’a une dizaine de jours, l’affaire est appelée à la barre.

Beaucoup de personnes se sont déplacées pour assister au duel judiciaire. Le magistrat Teliko attaque Madiambal Diagne et parle de faits d’escroquerie qui ont expliqué sa radiation du corps des greffiers du Sénégal et plus grave, il y a une accusation de viol sur mineur contre Madiambal Diagne. Les avocats de Souleymane Teliko le traite de mercenaire de la plume.

Ce dernier répond qu’il a des preuves irréfutables, des documents issus d’un rapport financier officiel des CAE qui démontrent que le magistrat a pris des per diem versés par les CAE mais une fois au Tchad, les autorités tchadiennes leur ont encore donné des per diems qu’ils ont encaissé tranquillement.

A la suite d’une intervention au niveau du Comite des bailleurs de fonds, il a été obligé de rembourser le deuxième per diem indûment perçu. Madiambal Diagne a renchéri en disant que le juge Teliko n’avait pas fini de rembourser jusqu’à la fin de l’existence des CAE.

Dernière offensive : Madiambal saisit le bâtonnier pour dénoncer les insultes d’un des avocats de Teliko et demande au ministre de la Justice de permettre des poursuites contre le magistrat protégé par son statut.

Demain, 17 juin 2021, la première décision sur ce bras de fer entre 2 acteurs de l’affaire Habré, 2 titans, l’un de la station présidentielle et l’autre de la sphère judiciaire, va tomber.

Après 21 années, l’affaire Habré continue de hanter régulièrement la scène politico-médiatique au Sénégal et expose au grand jour des faits graves qui mettent à nu des engagements nauséabonds qui ont entrainé des personnes à poser des actes graves pour détruire le Président Habré qui ne leur a rien fait.

Le Mal n’a jamais engendré le Bien.

Tchadanthropus-tribune avec La rédaction de Zoomtchad

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