En fin de première partie, nous avons évoqué d’une part, les relations entre les hommes politiques et l’armée, et d’autre part, posé la question de l’octroi du droit de vote aux militaires. Ce droit de vote pouvant basculer les militaires dans la politique et mettre fin à leur neutralité. Force est de constater que cette neutralité est comprise par les militaires eux-mêmes différemment. Tantôt, neutralité signifiant loyauté au pouvoir en place, tantôt neutralité comprise comme non immixtion dans les affaires politiques. On constate que dans l’histoire politique d’un pays, la place et le rôle de l’armée jouent un rôle fondamental dans les relations entre les militaires et les hommes politiques et va influer dans le cas d’une guerre contre le terrorisme par exemple,  laquelle situation implique une montée en puissance et un renforcement du pouvoir militaire. Par exemple, un pays comme le Burkina, pays de Coups d’Etat,  l’armée a toujours été au cœur du pouvoir politique. Elle s’est signalée et a joué un rôle fondamental dans la chute du pouvoir de Blaise Campaoré, quoiqu’on en dise, car, c’est parce que l’armée a refusé d’intervenir et laissé le champ libre aux manifestants que ceux-ci ont pu agir librement, brûler l’Assemblée nationale et provoquer la chute du régime. Les turbulences et les querelles de légitimité entre militaires et politiques qui s’en sont suivies, se poursuivent et se répercutent dans l’organisation de la lutte contre le terrorisme. Il est évident que dans ce pays, l’armée est un pilier du système politique et l’engagement dans  une guerre  exige son positionnement au devant de la scène, même si les politiques s’en méfient. Ce qui pose la question de la gestion politique des forces armées au sein des pays impliqués dans le front contre le terrorisme au Sahel, une problématique qui s’ajoute aux autres problèmes qui limitent leur efficacité.

La France, dans son pré carré francophone, a souvent favorisé la prise de pouvoir par les militaires; des hommes qu’elle a formés et encadrés depuis 1960, qu’elle a vus  transformer les forces armées en forces de répression contre une population. Une France qui a fermé les yeux sur leurs exactions. Mieux, ses écoles militaires de formation, version Afrique, étaient le lieu idéal pour la DGSE de faire des recrues pour des futurs Coups d’Etat. Ce fut ainsi le cas, de Omar Bongo à  Seyni Kountché, de  Bairé Mainassara à Eyadéma, de Idriss Deby en passant par Kerekou; ATT, Sassou, Moussa Traoré.  C’est encore dans ce seul espace françafricain qu’existe une armée à deux vitesses. Une garde prétorienne sur équipée, bien payée dans la plupart des cas, appuyée et formée par un conseiller militaire français et une autre armée avec un standing inférieur. Autant dire et souligner  les multiples  tares que la françafrique a implantées dans nos pays compromettant et compliquant tout processus de normalisation.

Avant les événements du 11 septembre 2001, certaines guerres ont montré qu’un énorme potentiel militaire n’est toujours pas synonyme de victoires. Au Vietnam, en Afghanistan, en Algérie, au Tchad, des armées d’occupation malgré leur phénoménale puissance militaire ont morflé et perdu la guerre. Aujourd’hui, l’armée nigériane a un budget de 5 milliards de dollars et pourtant, elle n’a pas été efficace contre Boko Haram.

La guerre nous informe et nous renseigne aussi sur le statut de l’ennemi. Dans certaines tribus indiennes, la mort d’un chef indien pendant les affrontements ne permettait pas de le considérer comme mort et vaincu; cela était insuffisant, il fallait que son cœur, siège de sa force et de son courage, soit mangé par celui qui l’avait vaincu pour qu’il soit réellement battu.

Au Rwanda, les guerriers tutsis utilisaient les testicules du chef hutu tué pour tanner  le tam-tam royal, ce trophée symbolisait la défaite de leur ennemi. La Libye de Kadhafi a ainsi exécuté tous les prisonniers de guerre tchadiens durant la guerre avec le Tchad. Les guerres préventives lancées  par les Américains ont annihilé tous les droits des prisonniers, légalisé la torture, créé des camps chargés de faire disparaître l’ennemi-combattant comme prévu dans le Patriot Act. Bien révolu est le temps où l’on parlait d’une certaine courtoisie militaire dans la guerre, où le courage de l’adversaire, de l’ennemi était reconnu. Aujourd’hui, l’ennemi est une entité politique qui doit disparaître. C’est la conception des occidentaux et la question nous interpelle au sujet de la guerre contre le terrorisme, l’importante donne d’un ennemi qui ne vient pas de l’extérieur, qu’il s’agisse de Boko Haram ou bien d’une partie du problème malien exige de la part de nos dirigeants de considérer que la violence et les bombes n’ont jamais résolu les problèmes politico-économiques. On aura beau compter le nombre de terroristes tués, le problème reviendra. Au Nigeria, de nombreuses voix d’universitaires, d’hommes politiques, de chefs traditionnels  demandent des négociations avec Boko Haram pour mettre fin à l’instabilité, à la misère sociale et aux violences insupportables. Chacun sait que d’importantes découvertes pétrolières ont été faites dans le Nord Est du Nigeria, zone occupée précisément par Boko Haram . Est-ce un hasard ? Certainement pas.

Aujourd’hui, au Mali, la France a positionné des milliers de soldats et les Africains doivent en aligner encore 5.000. Sans compter les moyens en matériels militaires, avions bombardiers, drones, chars etc… On nous a expliqué que c’est une guerre asymétrique, non conventionnelle. Autrement dit, ce ne sont plus des hommes en uniforme, identifiables qui s’affrontent comme il était de coutume dans les guerres traditionnelles. Autre difficulté, dans cette guerre, le terrorisme n’a pas été défini, comme l’ont dit plusieurs généraux français ; «  c’est un non sens de parler de guerre contre le terrorisme ».  C’est une guerre illimitée dans le temps (depuis 2001)  et dans l’espace. L’ennemi n’ayant pas été identifié clairement, par conséquent, il peut être partout. Ce caractère indéterminé a un autre inconvénient majeur, c’est qu’on ne sait pas, quel est l’objectif poursuivi sur le terrain ? On l’a bien vu au Mali où les troupes tchadiennes avaient une mission différente des autres forces africaines. Elles étaient à Kidal alors même que les forces maliennes et les autres forces africaines ne pouvaient y pénétrer car considérées comme ennemies! Mais, ennemies de qui?

Qui dit guerre dit aussi victoire. Et la victoire est parfois bien différente de ce que l’on définit traditionnellement comme une victoire. Peut-on parler de victoire quand après avoir fait la guerre contre les Afghans pendant des années, les voilà pratiquement, de retour au pouvoir 13 ans plus tard? Pouvait-on qualifier de victoire sur Saddam Hissein, si la destruction de son régime mais aussi de son pays a permis l’avènement de l’Etat néant ou de l’Etat Islamique ? Il faut bien comprendre que si l’objectif premier de la guerre contre l’Irak était l’installation de la démocratie comme annoncé tambour battant, ce fut un grave échec, mais si l’objectif véritable était la destruction d’un pays devenu puissant, riche et ambitieux alors là oui, c’est une victoire. Une victoire impériale mais solitaire de Bush qui fut suivie d’une retraite stratégique du champ de guerre par Obama, avant un repli sur soi et sur les préoccupations essentielles du peuple américain avec TRUMP, donnant au finish un gout amer à cette victoire.   La France, d’accord avec la Libye et le Soudan, a poussé à la guerre contre le régime du Président Habré en actionnant Idriss Deby  à  la tête d’une armée de mercenaires pour soi-disant amorcer une ère démocratique. Est-ce une victoire ? Non! si l’on se place du côté des populations tchadiennes, appauvries, spoliées par les multinationales françaises, les réseaux françafricains qui ont soutenu et continuent   militairement, diplomatiquement et médiatiquement à aider le pouvoir  d’Idriss Deby. Une victoire dans la guerre contre le terrorisme au Sahel est -elle possible ?

Depuis 2013, la France a lancé l’opération Sangaris et a positionné 10.000 hommes. Elle voulait  sauver le Mali et régler la question seule. Elle en a été incapable, à  moins que ce ne fut pas le vrai objectif. En tout cas, le fusil fut changé d’épaule, et il revient désormais, dit-on, aux Africains d’assurer leur sécurité. Ils furent mis à contribution et la stratégie consiste à monter une force de 5.000 militaires africains pour réduire le nombre de soldats français épuisés par les difficiles conditions (un militaire français consomme 60 litres d’eau par jour pour boire mais aussi pour se rafraichir sous une température à plus de 45° C à l’ombre). Sans compter le stress et la psychose des bombes humaines et des mines.

Aujourd’hui, malgré les multiples réunions, les inquiétudes sont bien là, le dispositif de lutte et les plans du G5 Sahel (il y en a 19 à l’heure actuelle !) restent très vulnérables.

Le budget de 220 millions d’euros annuel, devra ainsi être recherché chaque année ! Vulnérabilité financière mais aussi fragilité sur le plan de la logistique, du renseignement , tâtonnement dans la définition de quelle type d’armée ou plutôt de quelle type de force spéciale puisque les ambitions ont été revues à la baisse compte tenu des travaux d’hercule pour mettre à niveau des armées sans équipements, sans logistique, sans armes et munitions…donc ne sachant pas comment résoudre tous ces problèmes et n’ayant aucune stratégie pour conduire une guerre très spéciale et contre un ennemi sans adresse et sans visage.

Les derniers événements à Ouagadougou ont mis en évidence la facile pénétration de véhicules armées dans la ville, de leur capacité à circuler et avancer sans obstacles jusqu’à arriver à leurs cibles présumées et ouvrir le feu. Si les capacités de surveillance, d‘écoute, de renseignement par les drones et autres matériels hypersophistiqués sont entre  les mains des Français, Américains et autres Européens présents, alors ce fut avant tout leur échec. Echec aussi en quatre années de présence dans la sécurisation de la Capitale par le cantonnement, hors du périmètre urbain, des terroristes. On nous avait  habitué à lancer des alertes sur des attentats a venir et pouvant toucher les pays de la sous région des mois à l’avance. La situation loin de s’améliorer se dégrade,  la psychose des commandos suicides  a entraîné des bavures, des exécutions, des enlèvements, des tortures. Autant de dérives des forces spéciales, des légions étrangères et autres qui ont vu des manifestations des populations locales, au Nord Mali et au Niger, demander le départ des forces étrangères.

Les États africains doivent explorer d’autres voies que celles de la guerre et uniquement de la guerre pour combattre le terrorisme mené par des groupes bien implantés socialement et déterminés. Négocier pour avoir la paix et exploiter les richesses minières, les gérer convenablement pour en faire profiter les populations locales, et atténuer sérieusement, la misère sociale, la pauvreté et l’injustice. Les Occidentaux n’ont pas la même approche puisqu’il s’agit pour eux d’opérer une occupation par la remilitarisation des espaces pleins de richesses minières et partant,  d’empêcher que des puissances comme la Chine et l’Iran viennent les exploiter. Mais, comme c’est une affaire sur du long terme, qui leur coûtera cher, ils veulent utiliser des auxiliaires africains à travers un G5 Sahel dont le financement, les équipements, le commandement tout comme les objectifs demeurent sous contrôle français qui sont les maîtres du jeu sur le terrain politico-militaire de la guerre contre le terrorisme au Sahel. La tâche est donc particulièrement difficile pour ces soldats qui doivent avoir de la peine à  gagner une guerre dont ils ne connaissent  pas clairement les enjeux et les buts.

Force est de relever que les dirigeants politiques ne sont pas plus avancés que les militaires. On a vu l’interdiction de la burqua, les surveillances des mosquées, l’isolement dans les établissements pénitenciers des prisonniers accusés d’être des djihadistes, puis, sont arrivés les experts pour conduire des séminaires sur la dé-radicalisation en milieu carcéral. Bref, une transposition des mesures prises en France et appliquées en Afrique, alors que le contexte est totalement différent, faut-il s’étonner alors de l’absence de réels résultats et d’un pilotage à vue.

Les responsables politiques doivent-ils être préparés à la guerre ? Doivent-ils être formés à faire face, à gérer avec sang froid et calme des événements imprévisibles qui se produisent dans une guerre ?

Lors des attentats des frères Kouachi, les responsables politiques français ont montré une grande vulnérabilité, un affolement total où pendant une journée entière, des gamins ont tenu en échec un Etat parfaitement à même de gérer des situations plus graves mais dont les responsables ont été largués sur de nombreux plans. Au Mali, les larmes du Président malien lors des évènements au Nord Mali ont choqué les populations tout comme récemment celles de la ministre des Affaires Etrangères de l’Union Européenne qui fondit en larmes lors des attentats de Bruxelles. Il ressort donc, que préparer les hommes politiques à gérer des situations de crise grave avec des attentats, des guerres, des tensions, des morts, des imprévus est une impérieuse nécessité qui devrait être intégrée dans les cours des fameux Think Thank.

La guerre, c’est aussi l’entrée en politique de presque toute la population, c’est une maturité politique plus rapide, plus importante en ce qui concerne les ingérences par exemple, de la puissance coloniale, la France. C’est en période de guerre que les masques tombent et que le cynisme de ses hommes politiques, la cruauté des militaires et la perversité de ses médias  explosent au grand jour. Force est de constater qu’il faut malheureusement bel et bien une guerre pour que ce réveil brutal, cette prise de conscience douloureuse se fassent. Constatez qu’en Côte  d’Ivoire, au Mali, au Rwanda, au Congo, en RCA, le jugement porté sur la politique française a totalement changé depuis que ces pays ont connu la guerre et plus rien ne sera comme avant. Les Tchadiens en ont fait l’expérience parmi les premiers. C’est dire que, objectivement parlant, la guerre n’a pas que des points négatifs.

Nous avons connu la guerre au Tchad, une guerre à plusieurs niveaux et à différents degrés. Une guerre civile avec ses déchirements du tissu social, parental et relationnel. Car, dans une guerre civile, deux frères, deux amis, deux cousins peuvent être dans des camps opposés, se faire la guerre, déchirant la famille. Deux sœurs peuvent voir leurs maris être dans des camps opposés. C’est aussi cela l’atrocité de la guerre. Elle est avant tout  la mort de personnes, proches ou non, engagées ou non dans les combats. C’est aussi d’importantes destructions de biens par les obus et bombes largués surtout quand la guerre est urbaine, avec des combats de rues. La guerre, c’est aussi des déplacements de populations vers d’autres zones et parfois d’autres pays limitrophes. Cette  douloureuse expérience, les Tchadiens qui étaient au pays au moment des événements politico-militaires l’ont vécue. Nous avons connu la vie difficile de réfugiés à l’étranger, les retards scolaires. Nous avons ainsi testé la solidarité et l’hospitalité africaines. Ces épreuves ont montré que  le peuple tchadien, malgré les souffrances, les privations, a tenu et a mené le combat politique, militaire  pour ne pas plier face à la phénoménale puissance militaire de la Libye. Les hommes ont démontré leur courage, leur génie militaire et l’amour de leur pays pour lequel ils se sont sacrifiés massivement. Les femmes tchadiennes ont montré durant ces guerres, déplacements, souffrances; qu’elles étaient braves, courageuses et responsables. Elles ont vendu leurs bijoux pour assurer le quotidien de leur famille dans les camps de réfugiés ou ailleurs. Elles ont  perdu mari, fils, frère, père dans ces guerres et c’est parce qu’elles  ont tenu que le pays tout entier a tenu jusqu’à la victoire sur les forces d’occupation libyenne. Elles se sont engagées dans l’armée. Elles ont soigné les blessés dans les postes de santé, elles ont apporté partout aides et assistances comme bénévoles. La  guerre a incité les personnes à s’organiser pour faire face à une montagne de problèmes à résoudre. Et les femmes ont joué un rôle de premier plan. Autant d’épreuves, autant d’expériences qui contribuent à forger les personnes et à réaliser la relativité de toute situation. La guerre a permis  à ceux qui l’ont  vécu de comprendre le gaspillage auquel ils s’adonnaient quotidiennement. Est plein d’enseignements, le jour où l’on vous dira qu’il faut quitter votre maison et que vous allez marcher à pied pour un refuge à plusieurs kilomètres et qu’il vous faut prendre seulement l’essentiel; ainsi face à vos placards et devant votre impressionnante garde robe qui ne vous servira à rien, ne pouvant la transporter, que faire sinon de l’abandonner sur place. Vous constaterez que, dés votre départ, votre maison sera pillée voire désossée littéralement par vos voisins,  amis  de toujours. La guerre vous apprendra à connaître les hommes qui ne seront plus les mêmes, face au danger, à la peur, face à la mort et ses horreurs, face à la tentation du pillage des biens d’autrui, face aux bruits terrifiants des bombes et des obus. De toutes ces douleurs, beaucoup de nations en sont sorties plus fortes ; le Japon, l’Allemagne, le Rwanda, l’Algérie, le Vietnam se sont relevés de la guerre, se sont reconstruits et sont devenus même plus forts.

Qui dit guerre dit aussi souvenirs, entre autres, commémoration des événements. Pourquoi est-ce si important de garder en mémoire certains événements militaires historiques?

Nous les Africains, nous avons perdu la mémoire, totalement et nous ne sommes pas prêts de la recouvrer parce que nous ne voulons pas prendre conscience de cette terrible amnésie.

Pourtant, c’est par la guerre et la violence que nous avons subi la traite négrière, puis c’est toujours par la guerre, la force des armes qu’on nous a colonisé pour nous imposer un ordre venu d’ailleurs. Des centaines de milliers d’Africains ont été recrutés comme tirailleurs pour libérer la France de l’occupation nazie.

Plusieurs constats s’imposent: d’abord, les archives coloniales des pays africains relatant les massacres et les crimes contre l’humanité commis par les colons français leur sont toujours refusées par la France. Les livres d’histoire ont réécrit les faits historiques occultant tout ce qui dérangerait les générations à venir. Les pays africains ignorent toujours à ce jour le nombre de leurs fils qui sont morts pour sauver la France. C’est toujours un secret défense. La commémoration permet aux générations successives de se réapproprier  leur histoire. Or, cette histoire a subi un lifting  pour que les générations de Français en soient fières. C’est la raison pour laquelle, le Général De Gaulle a écarté toutes les troupes de tirailleurs africains lorsqu’il s’est agi de défiler sur les Champs Elysées pour célébrer la libération. C’était le fameux ordre du Général De Gaule « de blanchir les troupes ». Le peuple français ne devait pas considérer les tirailleurs africains comme ses libérateurs, comme des héros de la guerre contre le Nazisme dans laquelle, ils sont morts par centaines de milliers.

C’est pourquoi, avant de parler de financement de l’éducation, parlons aussi et d’abord du contenu de nos programmes dans l’éducation de notre jeunesse.

Jusqu’à nos jours, l’Etat d’Israël commémore les massacres de la Shoah, et la conséquence est, qu’un jeune juif de 18 ans se considère comme un rescapé de la Shoah survenu en 1945, époque où il n’était même pas né. Mais sensibilisé et conscientisé sans relâche, il est prêt à se mobiliser, à défendre et à mourir pour son pays, Israël. Voici l’intérêt  primordial de conserver la mémoire de son histoire, de pouvoir la conter, de la transmettre aux générations librement, de la commémorer tout aussi librement pour éveiller les consciences des populations tant sur les drames vécus, que  sur les victoires remportées. La majorité des pays africains francophones ont choisi l’amnésie, ont mis leur tête dans le sable, perdu leur âme pour être en phase avec la version revue et corrigée de notre histoire écrite par la françafrique.

Un seul pays africain s’en est démarqué résolument, c’est le Rwanda. Après le génocide des Tutsi, un musée a été construit pour que l’on n’oublie pas ce qui s’est passé, pour que des manœuvres  politiciennes n’effacent pas la mort de presque un million de personnes en 100 jours. Dès l’entrée du musée, une grande photo des Présidents Mitterrand et du génocidaire Habyarimana, côte à côte, démontre et rappelle le rôle et l’implication de la France dans le soutien au pouvoir d’Habyarimana qui a organisé et commis le génocide. Le Président Kagamé a eu le courage de ne pas passer par pertes et profits au nom de prétendues relations diplomatiques avec la France, le massacre à la machette de femmes, hommes et enfants, sous le regard complice de militaires français. Quoi d’étonnant que, jusqu’à présent les autorités françaises n’ont pas pu se réconcilier avec le pouvoir Kagamé; elles, qui sont toujours dans le déni de leur complicité active à la commission du génocide des Tutsi.

Qui a vu un jour, des images de tirailleurs africains morts, tués, déchiquetés, gelés, exécutés pendant les guerres européennes ? Au grand public, ne sont montrés que des tirailleurs riant, défilant, discutant entre eux, ou avec les populations. C’est dire qu’il est important de contrôler à ce point les choses. De vraies images de guerre immortaliseraient et rappelleraient aux générations entières d’Africains le sacrifice, la mort, les souffrances subies par leurs grands parents. Or, il est important pour la France, de les effacer de nos mémoires, et de les remplacer par d’autres images plus positives donc à leur avantage, qui se fixeront, elles, dans nos mémoires à jamais. C’est la raison pour laquelle, les archives coloniales et celles des guerres et même celles concernant les assassinats des leaders africains nous sont toujours interdites,(François Hollande avait promis de lever le secret défense sur la mort de Sankara, Emmanuel Macron nous a servi récemment la même soupe) dans le silence complice de nos élites dirigeantes, confortablement installées dans le moule françafricain. Jusqu’à quand ?

Par Mme Fatimé Raymonne Habré

Cette chronique est publiée ce jour 18 mars 2018 par le journal Dakartimes

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