En cette fin de mois de mars dédié à l’examen des droits des femmes, aux questions sur leur situation économique, socio-politique, je voudrais  dire deux ou trois choses sur les femmes. Des réflexions puisées de nos traditions africaines, mais aussi de mon regard social quant à leur rôle et place dans nos sociétés, loin des chiffres, statistiques et débats.

Il nous suffit pour cela d’observer les femmes dans tous les continents.  Force est de constater que, tant de choses les rassemblent, loin des courbes et des graphiques. La liberté, aujourd’hui, pour nous, les femmes africaines, c’est de se mobiliser pour ne pas nous assimiler aux hommes. Il nous faut raconter notre histoire de femmes, être nous-mêmes, apporter et poser notre différence.

Si, de par notre éducation, on nous a appris à baisser les yeux, c’est pour nous apprendre la politesse, la sutura dans certaines situations. Aujourd’hui, nos yeux se posent sur la société pour l’analyser,  agir, poser des questions, trouver des solutions et nous avons gardé notre sutura. Lorsque l’on propose à un homme une promotion dans une entreprise, il dit oui, immédiatement. La femme, elle, son premier réflexe sera de demander à réfléchir. Elle s’interrogera sur les conséquences sur sa vie familiale, sa vie de femme avec cette nouvelle donne. C’est un signe de subtilité et d’intelligence.  Les femmes sont toujours comptables de la vie familiale. C’est énorme et lourd à la fois.

De la vie rurale -où elles s’occupent de la corvée d’eau, du bois, des repas, du ménage, de l’époux et des enfants – à la vie urbaine, où elles gèrent le conjoint, les enfants, leur santé, leur éducation, tout en apportant ses revenus au foyer et essayant vaille que vaille de concilier vie professionnelle et vie familiale. Elles doivent tout gérer de front, une gestion qui peut être, parfois, contradictoire  voire conflictuelle. Leur statut, sous tous les cieux,  c’est d’avoir une tonne de responsabilités sur le dos et elles devront courir  avec ce poids pour construire leur carrière et leur vie de femme. C’est épuisant et stressant !

C’est la raison pour laquelle, les femmes entretiennent des relations entre elles, partagent leurs difficultés et leurs sentiments, se soutiennent dans leur vie pour combattre le stress et la dépression. Elles l’ont toujours fait depuis la nuit des temps avec leurs mères sœurs et amies. C’est indispensable pour leur équilibre.

Dans nos traditions, ce sont les hommes qui viennent à elles  et versent une dot pour les épouser.  Dans d’autres pays, c’est la famille de la jeune fille qui doit verser une dot à celui qui doit l’épouser, avec pour conséquence, leur disparition organisée à la naissance. C’est triste et injuste ! Même mariées, les femmes ne s’éloignent jamais de leur père et mère, leur attention les suit quotidiennement. C’est en cela, aussi, qu’elles sont  les piliers de nos  sociétés. En crise dans leur couple, la coutume voulait qu’elles quittent  le domicile conjugal pour chercher conseil auprès de la famille. Prendre du recul, quand la communication ne passe plus ou quand on est sous le coup de la colère ou d’une forte émotion, est toujours une sage attitude. Malheureusement, de nos jours, on nous a fait croire que nous devons faire face seule à nos problèmes, ce qui nous conduit à un face à face désastreux et destructeur. Ayons le courage d’analyser, de décrypter nos coutumes, riches d’enseignements, mais si mal expliquées et défendues.

Tous les Livres Saints ont posé qu’elles enfanteront dans la douleur.

Protectrices, nos sociétés ont convié toutes leurs mystiques pour les protéger, lors de leurs noces et quand elles donnent la vie. Des djinns, du diable, du mauvais œil ou de la bouche des gens. Rien n’est de trop.

Du jour, où elles donneront la vie, elles perdront le sommeil. Veillant sur leurs bébés, inquiètes pour leurs adolescents et encore soucieuses quand ils seront adultes. Quoi d’étonnant alors que le premier regard, le premier sourire d’un bébé ou ses pleurs sont toujours pour sa mère. Ce n’est que justice.

Elles supporteront la douleur en donnant la Vie et elles oublieront cette douleur dès qu’elles porteront au sein leur bébé, c’est pourquoi elles enfanteront à nouveau. C’est l’un des plus beaux miracles de la nature.

Sur le dos ou dans leurs bras, elles porteront leur bébé dans les champs en cultivant ou sur la route devant leurs étals de cacahuètes, de lait caillé, de mil, pour assurer la dépense quotidienne de la famille.

Au sein, au dos ou dans leurs bras, elles porteront jusqu’à  leur dernier souffle, leur enfant collé à leur corps meurtri.  Sous les bombes, dans les eaux ou dans la famine. Inlassablement jusqu’au dernier soupir !

De cette fusion qui a commencé dés le premier battement de cœur,  est né l’amour maternel, un véritable souffle. Toujours présent au moindre appel, il n’attend pas qu’on le mérite. Qui peut nous dire où finit l’amour maternel ?

C’est pourquoi, on ne sait toujours pas qualifier une femme qui perd son enfant. Veuve quand elle perd son époux, orpheline quand elle perd ses parents. Sa douleur est sans nom et reste inqualifiable quand elle perd son enfant.

Nos sociétés africaines considèrent que le sein maternel est le siège de son amour,  de l’affection qu’elle porte à son enfant. Symbole de la fusion physique mais aussi du lien émotionnel qui unit un enfant à sa mère. La nature nous a émerveillés en nous montrant comment une mère éloignée de son enfant, voit ses seins se gonfler et se remplir de lait, lorsque son enfant pleure.

Aussi, quand la mère symboliquement « retire » le sein à son enfant même adulte, cela est considéré comme une vraie malédiction que personne ne veut subir.

Dans de nombreuses coutumes africaines, à la naissance, le placenta est recueilli et était enterré dans un trou, dans la cour.  Ensuite, on plantait  un arbre à l’endroit. Et ainsi, était symbolisée la continuité de la Vie et un lien existait désormais  avec l’enfant qui s’occupera de cet arbre, de son arbre,  plus tard.

C’est dommage qu’aujourd’hui, le placenta soit considéré comme un déchet et traité comme tel dans les maternités où parfois les sages-femmes refusent de donner le placenta à des femmes qui le réclament.

Les femmes sont les gardiennes de la tradition, elles sont aussi celles qui éduquent et transmettent les us et coutumes à leurs filles et garçons. C’est pourquoi, elles sont, celles qui, finalement, contribuent quelque part, à la continuation du système patriarcal parce que, parfaitement, conscientes de l’évolution réelle de nos sociétés, elles éduqueront  filles et garçons pour qu’ils soient en phase avec leur milieu social, dans lequel, ils sont amenés à construire leur vie et leur avenir. Elles estiment accomplir ainsi un devoir pour assurer une intégration sociale à leurs enfants.

La subtilité des pratiques sociales se voit dans les danses africaines qui sont aussi, quelque part, un apprentissage de la sexualité lequel se fait, bien sûr, de manière inconsciente pour les jeunes danseurs et danseuses. C’est l’un des traits de ce que j’appellerai, l’intelligence sociale dans laquelle les femmes se distingueront particulièrement tant elles maîtrisent les relations sociales, les règles et subtilités du donner et recevoir,  le jeu croisé des équilibres, des contingences entre les classes d’âge, des devoirs et attentions envers les différents corps de la société. Elles sont  un véritable pivot et sont  très précieuses pour leur conjoint dans ce management social absolument incontournable pour évoluer  dans nos sociétés  fondées, construites et régies dans un esprit communautaire.

Elles portent l’honneur  et la dignité de leur famille;  y porter atteinte peut déclencher des guerres. On comprend, dès lors, pourquoi le viol des femmes a toujours été une arme politique pour humilier et soumettre des peuples. Que ce soit dans les guerres du Moyen Âge, lors de la traite des Noirs, durant la colonisation, mais aussi, de nos jours, dans les conflits.

Véritables cibles pendant les guerres, où les larmes, les pleurs et le sang coulent à flots , les femmes ont démontré aussi leur courage et leur détermination à soutenir les  hommes dans les combats mais aussi à humaniser les hommes en pleine furie destructrice .

Elles expriment  parfois différemment leur féminité. Même si elles sont devenues modernes, des femmes battantes, comme on dit, leur cœur, lui, est resté antique et réclame plein d’attentions de leurs hommes.

C’est pourquoi les femmes sont dans leur couple avec le corps, faites qu’elles y soient aussi avec le cœur.

En politique, elles ont une fibre sociale indéniable. Les femmes  ne se définissent pas comme des machines à gagner de l’argent à tout prix. Elles partagent, aident, sont solidaires, généreuses et sensibles face à la détresse humaine. La politique, qui est une activité guerrière où l’on cherche à imposer sa loi aux autres, fait parfois peur aux femmes ; quand elles la pratiquent, elles essayent de montrer qu’elles sont détentrices d’une certaine virilité, elles adoptent une posture neutre, et évitent de mettre en avant leur sensibilité, leurs  émotions ou leur compassion. Leur vision s’articule autour de la résolution des problèmes qui se posent aux populations comme elles le font quotidiennement dans leur foyer. Pour elles, le succès d’une action ne se mesure pas toujours en termes d’argent mais d’impact sur le vécu quotidien des personnes, de problèmes résolus.

Investir dans les femmes, leur donner accès à des moyens financiers pour mener des projets, cela change tout. Cet investissement aura  des incidences réelles dans l’éducation et la santé de leurs enfants et partant dans l’amélioration des conditions de vie, ici et maintenant, de toute la famille. C’est ainsi que l’on peut sortir de l’extrême pauvreté, c’est ainsi, aussi, que jaillira l’étincelle qui naîtra dans le cœur du plus grand nombre et qui impulsera le progrès et posera les bases d’un développement. Enfin!

Par Mme Fatimé Raymonne Habré

Cette chronique a été publiée ce jour 30 mars 2019 par le journal Dakartimes

1254 Vues

Il n'y a pas encore de commentaire pour cet article
Vous devez vous connectez pour pouvoir ajouter un commentaire